La crise alimentaire qui frappe des dizaines de pays a aussi des impacts en Amérique du Nord. Le prix des légumes surgelés et en conserve, par exemple, risque de grimper.

La crise alimentaire qui frappe des dizaines de pays a aussi des impacts en Amérique du Nord. Le prix des légumes surgelés et en conserve, par exemple, risque de grimper.

Ailleurs, les émeutes de la faim rappellent que, dans l'Histoire, plusieurs régimes sont tombés quand leur population criait famine. Est-il temps de revoir le modèle agricole?

Le prix des légumes surgelés et en conserves risque de bondir, en Amérique du Nord, alors que la crise alimentaire frappe 30 pays et que le pétrole fracasse des records historiques.

Leader dans son secteur de la transformation alimentaire au Canada et important fournisseur des États-Unis, Bonduelle Amérique du Nord a dû signer des contrats en «hausse de 12% à 18%» avec les producteurs de légumes, révèle à La Presse Affaires le directeur général, Daniel Vielfaure.

Le prix de récolte des conserveries va augmenter «de 10% à 20% cette année», renchérit Jacques Légaré, président-directeur général du Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation.

À cela s'ajoute notamment la facture du carburant, pour faire tourner les sept usines du Québec et de l'Ontario de Bonduelle, qui a monté en flèche dans la foulée du prix du baril de pétrole en hausse de près de 50% en un an, soit de 63 $ US à près de 115 $ US, mercredi.

Par contre, le prix au marché des fruits et légumes frais pourrait échapper en partie aux pressions des coûts de l'énergie, déclare le directeur général de l'Association des jardiniers-maraîchers du Québec, André Plante.

«Contrairement aux producteurs des conserveries, chaque maraîcher décide de ses prix selon les récoltes et la demande. En 2007, les prix au marché local sont restés modestes parce que la vigueur du huard canadien a ralenti les exportations au sud, soit d'habitude 35% à 40% de la production. En 2008, les exportations devraient reprendre, mais il est trop tôt pour déterminer les prix locaux», explique André Plante.

Les trois chaînes de supermarchés et Wal-Mart se livrent de leur côté une guerre de prix, en Ontario en particulier, et vont tenter de continuer à absorber une part des hausses de prix, pour garder leur clientèle.

Selon un analyste financier, par contre, les chaînes pourront hausser des prix parce qu'on parle tellement de la crise alimentaire. En 2007, la hausse de 15% du huard canadien a absorbé des majorations de prix d'aliments importés, mais ça ne jouera plus vraiment en 2008, dit-il.

Bonduelle, le leader mondial du légume transformé, de Lille, au nord-est de la France, a acquis l'été dernier la totalité des actions d'Aliments Carrière. Bonduelle-Carrière, c'est notamment la marque de surgelés Arctic Gardens et le gros contrat canadien de Green Giant-Géant Vert, de la multinationale General Mills.

«Les prix alimentaires augmentent déjà depuis juillet 2007», note le porte-parole du Conseil canadien de la distribution alimentaire (CCDA), Jean-Pierre Ayotte.

«C'est vraiment une catastrophe. Le blé, l'orge, le soya, le maïs, leurs prix ont bondi en un an. Les spéculateurs sur le blé n'aident pas», lance Jacques Légaré. L'éthanol a un impact sur toute la chaîne alimentaire aux États-Unis, dit-il.

Et ce n'est pas fini. Daniel Vielfaure explique que les producteurs de légumes ont notamment servi à Bonduelle l'argument des «prix comparables» à ceux du maïs destiné aux animaux et à l'éthanol. D'autres pourraient s'en servir.

En plus des récoltes de légumes qui vont coûter plus cher, tout comme le carburant pour le transport et les conserveries, il y a aussi la hausse de 10% du prix du contenant, soit celui des boîtes métalliques de conserve, avec laquelle Daniel Vielfaure doit jongler.

À cause de la demande de la Chine pour le métal, Jacques Légaré voit même monter le prix de la canette de conserve «de 15% à 25%».

Daniel Vielfaure «ne dira rien sur ses hausses de prix refilées aux chaînes». Il procède par soumission après leurs appels d'offres.

«Il faut voir si les clients acceptent de payer plus cher, vérifier si les ventes se maintiennent, mais Bonduelle ne peut pas produire à perte. Le prix des aliments, c'est mondial», note Daniel Vielfaure. Ce dernier vend surtout des surgelés et des conserves de maïs, pois, haricots, brocolis, choux-fleurs et carottes.

Le directeur général voit tout de même un peu de lumière au bout du tunnel, mais à terme. Le monde frappe un mur. «Ce n'est pas possible, c'est intenable de produire du carburant, mais de crever de faim», lance Daniel Vielfaure.

«C'est démentiel ce qui se passe sur la planète, ajoute Jacques Légaré. On a une période d'adaptation à traverser, qui va durer quelques années».

«Ça va finir par se tasser, selon Daniel Vielfaure. Les gouvernements vont reculer. D'ailleurs, l'Allemagne vient de reculer» sur la part de l'éthanol dans l'essence, qui devait passer de 5% à 10% en 2009.

«Les gouvernements se rendent compte que l'éthanol, ce n'est pas payant», selon Daniel Vielfaure.