Il faut remonter au milieu des années 1970 pour trouver une période où les relations entre la Grande-Bretagne et l'Islande, durement éprouvées par les retombées de la crise financière mondiale, étaient aussi tendues.

Il faut remonter au milieu des années 1970 pour trouver une période où les relations entre la Grande-Bretagne et l'Islande, durement éprouvées par les retombées de la crise financière mondiale, étaient aussi tendues.

Le petit pays nordique, soucieux de protéger les stocks de poisson dont dépendait son économie, décrète un élargissement de ses eaux territoriales qui vise à freiner l'exploitation de cette ressource naturelle par les pêcheurs anglais. Les vaisseaux de la Garde côtière patrouillent au large, n'hésitant pas à couper les filets étrangers pour souligner le sérieux des revendications des élus locaux.

Londres riposte en déléguant des navires de guerre qui accompagnent les embarcations de pêche du pays. À l'apogée de la crise, connue comme «la guerre de la morue», une frégate de la Royal Navy percute violemment, et volontairement, un vaisseau islandais, le Tyr. Il faudra finalement une médiation de l'OTAN, dont les deux pays sont membres, pour ramener le calme.

L'épisode est toujours présent à la mémoire du président de la Fédération des propriétaires de bateaux de pêche islandais, Frederik Arngrimsson, qui avait moins de 10 ans à l'époque. «Tout le monde suivait ça de très près. Nous avions vraiment l'impression d'être en guerre avec la Grande-Bretagne», relate ce fils de pêcheur, rencontré hier dans ses bureaux de Reykjavik.

«Évidemment, ce n'était pas vraiment le cas. Si les Anglais avaient voulu utiliser vraiment la force, ils nous auraient écrasés», souligne-t-il.

Bien que le Tyr soit toujours opérationnel, il est aujourd'hui ancré quasiment en permanence au port de Reykjavik. «Nous sommes en attente en cas d'urgence... Le gouvernement a décidé de réduire les patrouilles en raison des coûts de l'essence. C'est une des mesures d'économie identifiées pour faire face aux difficultés économiques actuelles», explique avec dépit Ragnar Georgsson, employé de la Garde côtière rencontré sur place.

Bien qu'un nouveau bras de fer maritime ne soit pas à l'ordre du jour, la Grande-Bretagne fait encore une fois figure de bête noire pour les Islandais, la "guerre" se jouant cette fois dans le monde de la finance.

Le premier ministre, Gordon Brown, fait pression pour récupérer l'argent placé par des dizaines de milliers d'épargnants anglais dans des filiales de banques islandaises nationalisées la semaine dernière.

La loi antiterroriste évoquée

Les 300 000 résidants de l'île ne digèrent pas que Londres ait évoqué la loi antiterroriste pour saisir certains avoirs bancaires islandais en vue d'assurer le remboursement de ses citoyens lésés. «Ils nous ont mis dans la même catégorie qu'Oussama ben Laden», déplore M. Arngrimsson.

«Ils ont utilisé la loi antiterroriste contre un pays allié membre de l'OTAN. C'est loufoque», renchérit un résidant de la ville, Einar Einarsson, en faisant tourner son index à côté de sa tempe pour bien faire comprendre ce qu'il pense de l'état de santé mentale des dirigeants anglais.

«J'irais pour la Guinness, mais pas par amour pour Gordon Brown... Il m'énerve avec sa grande gueule», souligne avec une irritation mal contenue un architecte de Reykjavik, Einar Palsson, en montrant la devanture d'un bar du centre-ville se décrivant comme un «pub anglais».

L'homme de 41 ans vient de se joindre à un nouveau groupe sur Facebook qui réunit les personnes «favorables à l'application de la loi antiterroriste» contre le dirigeant anglais. «Le nombre de membres augmente rapidement», souligne-t-il.

Bien que les Islandais ne soient guère portés aux explosions de colère, leur insatisfaction à l'égard de la Grande-Bretagne ne passe pas inaperçue des ressortissants anglais présents dans l'île.

«Pour l'instant, je préfère rester discrète sur le fait que je suis anglaise», souligne, sourire en coin, la réceptionniste d'un hôtel du centre-ville qui est mariée à un Islandais.

«Je n'ai pas été confrontée à des manifestations d'agressivité. Mais les gens blaguent avec ça. Mon beau-père, qui rentrait de voyage, a appelé il y a quelques jours et m'a demandé s'il y avait une guerre à la maison avec mon mari en raison de la crise», a-t-elle souligné.

Deux touristes anglaises rencontrées dans un café du centre-ville ont souligné qu'elles avaient été plusieurs fois interpellées à ce sujet.

«Le propriétaire du gîte où nous sommes descendus, un homme très affable, nous a dit que c'était la guerre avec Gordon Brown. Tout en s'empressant de préciser que ça ne s'appliquait pas du tout à nous comme individus», souligne Susan Buchanan.

Cette femme de York, venue en visite en compagnie de sa fille Zinzi, adepte de musique électronique islandaise, a indiqué qu'elle était «peinée» par l'impact de la crise financière internationale sur l'Islande.

«Si même de gros États comme la Grande-Bretagne peinent à s'en sortir, imaginez ce que ça peut être pour un petit pays comme celui-ci», a indiqué Mme Buchanan, qui a payé sa note en livres anglaises.

«C'est mieux pour vous d'être payé en livres. C'est une monnaie plus stable que la vôtre. Prenez ça comme un petit geste de soutien», a-t-elle déclaré à la caissière, qui portait une épinglette invitant les gens à «imaginer la paix».

Une référence à la crise en cours? «Ça peut s'appliquer», a indiqué la jeune femme.