Ceux qui empruntent la route 117 ont pu remarquer une nouvelle affiche au nord de Mont-Tremblant: «Labelle, Village-Relais», qui illustre le récent virage touristique de la municipalité. Si le maire était frondeur, il ajouterait une autre pancarte: «Pour nous, le bois, c'est fini.»

Ceux qui empruntent la route 117 ont pu remarquer une nouvelle affiche au nord de Mont-Tremblant: «Labelle, Village-Relais», qui illustre le récent virage touristique de la municipalité. Si le maire était frondeur, il ajouterait une autre pancarte: «Pour nous, le bois, c'est fini.»

«C'est le gouvernement qui nous a aidés à faire notre deuil», lance le maire de Labelle, Gilbert Brassard. Quand la scierie de Commonwealth Plywood a fermé ses portes en novembre 2005, c'est un pan de 80 ans d'histoire qui a disparu, emportant avec lui 50 emplois permanents dans un village de 2400 personnes. Québec a ensuite repris les droits de coupe associés à l'usine, le CAAF. Il ne restait plus qu'à passer à autre chose.

Cette autre chose, c'est l'industrie récréotouristique: Labelle veut attirer une partie de la manne qui débarque à longueur d'année à moins de 30 kilomètres au sud, à Mont-Tremblant.

Marion Cloutier et Richard Pettigrew illustrent à merveille le changement de cap souhaité. Tous les deux ont bossé dans les chics hôtels et restaurants de Tremblant. L'an dernier, Richard a fait le saut et acheté un restaurant de Labelle qui organise aussi des randonnées de canot et de kayak sur la rivière Rouge. «Le côté un peu Disneyland de Tremblant ne me convient pas trop», explique-t-il.

Depuis son rachat, le Kayak-Café a fait peau neuve, est ouvert même l'hiver et son menu va désormais du traditionnel burger, au tartare de boeuf en passant par une succulente poêlée de champignons. Ça change des cabanes à patates qui pullulent le long de la 117.

Déjà, sa conjointe et lui emploient une quinzaine de personnes l'été. «Pour l'hiver, on pense à la location de raquettes, mais c'est encore embryonnaire», dit-il.

Avec son virage, la ville a fait une série de petits gestes pour se rendre plus invitante: la route vers Mont-Tremblant a été repavée et on veut aussi rendre les pistes de randonnée en forêt plus agréables, en faisant des boucles et non des sentiers allers-retours. Des détails qui peuvent faire une différence, croit le maire.

De nombreux défis

Labelle a beau être située tout près de Mont-Tremblant, le virage touristique ne se prend pas sans risques. Marion Cloutier, qui vient de démissionner de son poste de concierge dans un cinq étoiles, sait que les visiteurs qui arrivent à Tremblant ne sont pas faciles à faire sortir du cocon qui leur est offert. L'hiver, c'est encore plus difficile, a-t-elle constaté.

Le couple a quand même un avantage: celui d'avoir encore plein d'amis et de contacts qui travaillent au pied de la montagne et qui peuvent leur envoyer des clients. Trois jours après l'entrevue, ils devaient d'ailleurs recevoir leur premier tour organisé: 30 Japonais qui devaient débarquer dans un canot à Labelle.

Un autre défi arrivera ces prochaines années. Si tout va comme prévu, la route 117, qui passe actuellement dans le village, le contournera en 2012. Les expropriations sont déjà commencées.

C'est pour une raison de sécurité que la 117 va contourner le village, ce qui éloignera d'autant les touristes potentiels. Le maire Brassard n'en démord pas: «On veut passer de lieu de passage à lieu de destination.»

Les affiches «Village-Relais» ont intérêt à suivre le nouveau tracé de la 117 si on ne veut pas tuer ce début de transformation économique.

Des villages en crise

«Entre les mises à pied et l'apparition de nouveaux emplois, il y a un temps d'attente qui peut s'étirer considérablement. Les compétences recherchées ne correspondent pas toujours à celles des travailleurs qui ont été mis à pied (...) De plus, les nouveaux postes qui sont ouverts ne sont pas nécessairement offerts dans les villes et villages affectés par la crise.»

Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins dans Perspective, Été 2008

14 suicides

L'an dernier, il y a eu 14 suicides dans la MRC d'Antoine-Labelle, dont fait partie Sainte-Anne-du-Lac. Quatorze sur 35 000 personnes, c'est énorme. Si l'ensemble du Québec avait un tel taux, on compterait plus de 3000 suicides par année alors que la moyenne des trois dernières années tourne autour de 1200.

Au centre de santé et de services sociaux d'Antoine-Labelle, l'organisatrice communautaire Louise Picard, qui s'occupe de prévention du suicide, ne veut toutefois pas croire que tous ces suicides sont liés à la crise de la forêt, même si elle admet que «l'année dernière, on a craint une épidémie».

Les 14 suicides, qui représentent «plus d'un cas par mois» entre le 1er mai et le 30 avril dernier, sont encore des données préliminaires. «Il n'y a pas de lien direct (entre les suicides et la crise forestière), dit-elle. C'est toujours multifactoriel. Les gens ici sont pauvres, mais toujours résilients, solidaires aussi.»

Travailleurs peu scolarisés

En 2001, 35% de la main-d'oeuvre de la MRC d'Antoine-Labelle avait une éducation postsecondaire. Au Québec, ce groupe représentait 56%.

Source: Eco-Tec Consultants dans Impacts économiques de la baisse d'activité dans le secteur forestier dans la MRC d'Antoine-Labelle et des Laurentides, 2004-2007

La SAQ en acier fait jaser

Le nouvel édifice de la Société des alcools du Québec (SAQ) à Mont-Laurier est construit en acier, une situation qui ne passe pas inaperçue dans cette région qui se bat pour faire revivre son industrie forestière. Denise Julien, de l'Association des intervenants forestiers des Hautes-Laurentides, rappelle que le gouvernement québécois s'est pourtant engagé à tripler la proportion de bois dans la construction non résidentielle d'ici 2014. «C'est la preuve que ça prend du temps à mettre les politiques gouvernementales en oeuvre.»

Le nombre d'entreprises chute

Juin 2002 / juin 2007 / variation

Foresterie et exploitation forestière 2662 / 2276 / -14,5%

Fab. de produits de bois 1187 / 1046 / -11,9%

Fab. du papier 198 / 170 / -14,1%

Source: Desjardins, Études économiques, d'après Statistique Canada, Registre des entreprises

Source: Desjardins, Études économiques, d'après Statistique Canada, Registre des entreprises

QU'EST-CE QU'UN VILLAGE-RELAIS ?

Labelle a été le premier village à obtenir cette appellation du gouvernement québécois l'été dernier. Des affiches qui se répandront au cours des prochaines années un peu partout sur les routes du Québec. Pour l'obtenir, la municipalité doit s'engager, avec ses commerçants, à offrir des services de restauration, de distribution d'essence, de dépannage mécanique et d'hébergement et ce, 24 heures sur 24 à longueur d'année.