Faut-il privatiser une partie d'Hydro-Québec comme le suggère Mario Dumont? La question ne soulève pas les passions chez les économistes québécois.

Faut-il privatiser une partie d'Hydro-Québec comme le suggère Mario Dumont? La question ne soulève pas les passions chez les économistes québécois.

Même ceux qui favorisent la privatisation de la société d'État veulent concentrer leurs énergies sur un autre débat: hausser les tarifs d'électricité au Québec, actuellement deux fois moins élevés au Québec que dans la plupart des villes canadiennes et jusqu'à trois fois moins élevés que dans les métropoles américaines comme New York.

De toute façon, un gouvernement qui envisage de vendre Hydro-Québec devra se résoudre à augmenter les tarifs d'électricité s'il veut obtenir un prix intéressant pour ses actions. Autrement, il ne s'agirait pas d'une privatisation mais d'une «vente de feu», font valoir les économistes consultés par La Presse Affaires.

«Si nous privatisons maintenant, les investisseurs vont faire une méchante passe, dit Pierre Fortin, professeur d'économie à l'UQÀM. Le gouvernement va vendre pour 10 milliards quelque chose qui pourrait valoir 25 milliards si les tarifs sont augmentés.»

Ancien conseiller économique de René Lévesque, Pierre Fortin est pourtant favorable à la privatisation d'Hydro-Québec. Or, les tarifs d'électricité fixés par la Régie de l'énergie font plafonner les profits -et par conséquent la valeur- de la société d'État.

«Privatiser, c'est obtenir la valeur au marché d'une entreprise, la valeur de tous ses profits futurs, dit Pierre Fortin. Et les profits d'Hydro-Québec sont sous-évalués présentement car les tarifs d'électricité québécois ne sont pas concurrentiels.»

Le Mouvement Desjardins s'oppose aussi à la privatisation d'Hydro-Québec dans le contexte actuel. «La privatisation n'est pas une proposition efficace sur le plan économique, dit Yves St-Maurice, économiste en chef adjoint du Mouvement Desjardins. Le problème, c'est que les tarifs d'électricité sont sous-évalués au Québec. Ce serait bizarre de vendre une partie d'Hydro à rabais. Les actionnaires demanderont ensuite de meilleurs rendements, ce qui forcera Hydro à augmenter les tarifs.»

Certains économistes craignent aussi que la vente d'Hydro-Québec dans le contexte boursier des derniers mois ne soit pas à l'avantage de son actionnaire actuel, le gouvernement du Québec.

«La privatisation d'Hydro comporte certains avantages, mais il ne faut pas la faire maintenant. Les marchés boursiers sont trop bas, ce serait une vente de feu», dit Carlos Leitao, économiste en chef de la Banque Laurentienne et deuxième meilleur économiste au monde selon l'agence Bloomberg.

S'il est opposé à la privatisation immédiate d'Hydro-Québec, Carlos Leitao aimerait toutefois revoir l'environnement d'affaires de la société d'État. Traduction: mettre fin au monopole d'Hydro-Québec datant de la Révolution tranquille. «Le débat entourant Hydro doit dépasser la privatisation, dit l'économiste en chef de la Banque Laurentienne. Au lieu de se demander s'il faut privatiser Hydro, il faut se demander si son monopole est justifié. J'ai de la difficulté avec les monopoles privés. Si c'est un monopole, aussi bien garder un monopole public.»

Malgré l'avis contraire des économistes, l'ADQ persiste et signe: une privatisation de 7,5% d'Hydro-Québec permettrait au gouvernement d'empocher 10 milliards de dollars qui seraient utilisés afin de réduire la dette du Québec. «La privatisation partielle d'Hydro permettrait aussi au gouvernement du Québec d'épargner 450 millions annuellement en frais d'intérêts sur la dette», fait valoir le député adéquiste Gilles Taillon.

Le PQ et le PLQ s'opposent à la privatisation d'Hydro-Québec. «Ce n'est pas un bon deal d'aller vendre Hydro-Québec en bas de sa juste valeur, dit le député péquiste François Legault. Tant qu'on n'aura pas des tarifs au marché, on vendrait Hydro en bas de sa valeur.»

POURQUOI L'ÉLECTRICITÉ NE COÛTE PAS CHER AU QUÉBEC

Qu'ont en commun Winnipeg, Seattle, Montréal et Vancouver? Elles ont les tarifs d'électricité les plus bas en Amérique du Nord grâce à leurs barrages hydroélectriques. «Le Québec, la Colombie-Britannique et le Manitoba jouissent d'un avantage: leur hydroélectricité, l'une des formes d'énergie les moins chères, dit Marc-Brian Chamberland, porte-parole d'Hydro-Québec. C'est pourquoi les tarifs d'électricité y sont si bas. Le reste des États américains et les provinces canadiennes doivent produire de l'électricité avec des sources d'énergie plus coûteuses comme le charbon, le gaz naturel et le nucléaire.»

POUR

La privatisation d'Hydro-Québec permettrait de rembourser une partie de la dette du Québec et d'épargner en frais d'intérêts sur le solde de la dette.

CONTRE

La valeur d'Hydro-Québec est sous-évaluée actuellement en raison des tarifs d'électricité qui sont parmi les plus bas en Amérique du Nord.