Malgré des similitudes troublantes, la présente récession que traversent les États-Unis ne revêt pas le caractère tragique de la Grande Dépression.

Malgré des similitudes troublantes, la présente récession que traversent les États-Unis ne revêt pas le caractère tragique de la Grande Dépression.

La crise actuelle s'apparente plutôt aux décroissances profondes qui ont sévi en 1973 avec le premier choc pétrolier et en 1981 quand la Réserve fédérale avait restreint le crédit en portant les taux d'intérêt au-delà des 20% pour mater l'inflation.

«Le fait que l'État et la banque centrale n'aient pas reconnu l'impact des marchés financiers sur l'économie réelle a joué un rôle non négligeable dans la plus grande crise de l'histoire des États-Unis», estime Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale.

Cette fois-ci, ce n'est pas le cas. Le président de la Réserve fédérale, Ben S. Bernanke, multiplie les interventions classiques (baisse draconienne du taux directeur) et inusitées (multiples facilités de crédit, prêts directs, achat de papier commercial à des prêteurs non bancaires).

De son côté, le gouvernement ne s'est pas croisé les bras. En 1930, quand les banques faisaient faillite, les déposants perdaient leur argent. Cette fois-ci, Washington a fait passer de 100 000$ à 250 000$ la couverture de l'assurance dépôt.

Cela dit, la récession actuelle mord à belles dents. Ainsi, hier, on apprenait que l'Indice ISM non manufacturier, qui mesure le niveau d'activité dans le secteur des services, cotait à son niveau le plus faible depuis sa création en 1997.

Cela est un fort mauvais présage pour l'emploi.

Durant la récession peu profonde de 2001, c'est surtout dans le secteur manufacturier qu'ils avaient été perdus. C'était l'époque où, profitant de l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce, les entreprises délocalisaient massivement leur production.

Cette fois-ci, ce sont dans les services que les emplois vont disparaître: services financiers, services liés aux entreprises, soins particuliers, etc. «Nous croyons que les pertes d'emplois pour le mois d'octobre pourraient dépasser les 200 000 prévus par les experts», prévient M. Marion. Les chiffres seront connus demain.

Ces données déprimantes viendront s'ajouter à d'autres parues ces derniers jours: chute marquée des ventes de véhicules et durcissement généralisé des conditions de crédit à la consommation et aux entreprises.

«C'est une distinction fondamentale à faire entre le Canada et les États-Unis, explique en entrevue M. Marion. Au Canada, ce sont surtout les banques qui prêtent, aux États-Unis, c'étaient des compagnies de finance qui n'arrivent plus à se financer elles-mêmes. Il y a là-bas un changement structurel.»

L'émergence d'un nouveau modèle exigera quelque temps et ne se fera pas sans heurts, mais pas au point de revivre les années noires de la Grande Dépression.

Certes, le marché immobilier américain n'a pas encore trouvé son plancher, ce qui augmente le nombre de prêts hypothécaires défaillants. Ils oscillent autour des 7% ces jours-ci, mais il est peu probable que la proportion grimpe jusqu'au tiers, comme durant les années 1930.

En outre, rappelle M. Marion, un an après le point culminant du marché boursier en août 1929, les prix étaient en baisse de 3%. Ils chuteront en tout de 18%.

Un an après le sommet d'octobre 2007, l'indice des prix à la consommation s'élevait à 5%. «Avec la récente correction des prix des produits de base, il n'est pas possible d'exclure une baisse de l'IPC l'an prochain», croit M. Marion. Il exclut une longue période de déflation cependant.

Cela dit, les prochains trimestres réservent leur lot de difficultés, croit M. Marion.