Imre Apostagi raconte que les travaux de rénovation d'un hôpital qu'il supervise sont stoppés parce que son employeur, à Budapest, est incapable d'obtenir un prêt en devises étrangères.

Imre Apostagi raconte que les travaux de rénovation d'un hôpital qu'il supervise sont stoppés parce que son employeur, à Budapest, est incapable d'obtenir un prêt en devises étrangères.

C'est que la compagnie fait des emprunts en devises étrangères pour éviter les taux d'intérêt en vigueur au pays, qui peuvent atteindre le double de ceux des prêts en dollars américains, en euros et en francs suisses.

Aujourd'hui, les banques hongroises restreignent les prêts au moment où les investisseurs sortent leur argent des marchés en développement de l'Europe de l'Est et tandis que les devises de la région plongent.

«Il n'y a pas d'argent disponible», soupire M. Apostagi, un gestionnaire de projet qui a demandé que le vendeur d'équipement médical pour lequel il travaille ne soit pas identifié afin d'éviter d'alarmer les bailleurs de fonds étrangers. «Nous n'allons pas nous effondrer, mais tout est au ralenti, ajoute-t-il. Le monde entier a peur et tout le monde devient un peu fou.»

Les prêts en devises étrangères ont contribué à alimenter les économies de l'Europe de l'Est, y compris celles de Pologne, de Roumanie et d'Ukraine, en finançant l'achat de maisons et en stimulant l'esprit d'entreprise après que la région a émergé du communisme. L'élimination de tels prêts augmente le resserrement mondial du crédit et menace d'enrayer la croissance de certaines des économies européennes parmi les plus rapides.

«Ce qui s'est avéré un facteur de vigueur au cours des dernières années est devenu une faiblesse sociale», constate Tom Fallon, chef de la division des marchés émergents de La Française des Placements, à Paris, qui gère des actifs de 11 milliards$US.

Depuis la fin du mois d'août, le forint a chuté de 16% par rapport au franc suisse, la devise de choix des acheteurs de maison en Hongrie, et de plus de 8% par rapport à l'euro. Les prêts en devises étrangères forment 62% de toutes les dettes des ménages en Hongrie, en hausse par rapport à 33% il y a trois ans.

Le leu de Roumanie

En Roumanie, le leu s'est déprécié de plus de 14% par rapport au dollar américain et de 3,2% comparativement à l'euro. Le zloty polonais a perdu plus de 17% de sa valeur par rapport au dollar américain et 6,8% par rapport à l'euro, tandis que la hrivna ukrainienne a chuté de 22% par rapport au dollar américain et de 11,5% par rapport à l'euro.

Il en est ainsi même après un coup de pouce cette semaine du programme de prêts d'urgence pour les marchés émergents mis sur pied par le Fonds monétaire international et la décision de la Réserve fédérale américaine (Fed) d'injecter jusqu'à 120 milliards$US au Brésil, au Mexique, en Corée-du-Sud et à Singapour. Jeudi, la Fed a fait savoir qu'elle tentait d'"atténuer la progression des difficultés à obtenir du financement en dollars américains".

La chute des devises intérieures se traduit par des paiements mensuels plus élevés pour les entreprises et les ménages qui doivent régler leurs prêts obtenus en devises étrangères, ce qui les contraint à réduire leurs dépenses.

À Kiev, Youri Voloshyn, employé d'une société immobilière, explique qu'il doit renoncer à un nouveau téléviseur à cause de son prêt hypothécaire en dollars américains. Ses paiements mensuels ont grimpé de 18%, ou de 1000 hrivnas (167$US) depuis qu'il a contracté l'emprunt, il y a sept mois.

Accro aux taux

«J'ai tout juste assez d'argent pour la nourriture et mon paiement mensuel à la banque», dit M. Voloshyn, 25 ans. «Je ne peux même pas rêver à quoi que ce soit d'autre», ajoute-t-il.

Rafal Mrowka, un chauffeur d'Ostrow Wielkopolski, dans l'Ouest de la Pologne, dit qu'il ne fait que surveiller les taux des devises étrangères tandis que les paiements mensuels de son prêt hypothécaire en francs suisses ont bondi de 25%.

«J'ai même cessé de m'en faire, maintenant je ne peux qu'en rire», dit l'homme de 32 ans, qui est propriétaire pour la première fois.

Le gros du crédit obtenu durant le boom en Europe de l'Est l'a été en devises étrangères parce que cette solution procurait du financement meilleur marché.

Avant la tempête financière actuelle, les banques roumaines exigeaient de manière générale 7% d'intérêt sur un prêt en euros, comparativement à environ 9,5% sur les prêts en leu. À la fin de septembre dernier, les Roumains devaient environ 36 millions$US en devises étrangères, soit près de trois fois le total d'il y a deux ans.