Depuis son entrée en fonction, en février, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, ne s'est pas gêné pour surprendre les marchés.

Depuis son entrée en fonction, en février, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, ne s'est pas gêné pour surprendre les marchés.

Le fera-t-il encore demain?

Rien n'est impossible, mais on peut parier qu'il veut surtout gagner du temps. Les risques pesant sur les perspectives d'inflation se sont aggravés, tant à la hausse qu'à la baisse, depuis le 10 juin.

Voilà pourquoi les experts des marchés, qui se sont unanimement trompés le mois dernier en prédisant une baisse de 25 centièmes du taux directeur, pourraient bien avoir raison cette fois-ci en tablant sur sa reconduction à 3% pour la deuxième fois d'affilée.

Les marchés financiers n'avaient guère apprécié le statu quo du 10 juin, puisque la Banque avait téléguidé une baisse.

Les motivations

Pour les calmer, M. Carney a longuement détaillé neuf jours plus tard à Calgary ce qui avait motivé la volte-face des autorités monétaires. Il a évoqué que la poussée des prix de l'énergie et des produits de base libellés en dollars américains n'était plus suivie par une appréciation du huard.

L'an dernier, notre monnaie servait d'amortisseur à cette poussée qui était en plus compensée largement par la déflation des prix des biens de consommation importés d'Asie.

La stabilité relative du taux de change avec le billet vert nous renvoie désormais à la fois la flambée des prix de l'énergie et d'autres produits de base et l'inflation qui s'emballe en Asie à cause de la surchauffe de l'économie et du prix du pétrole.

En outre, la robustesse des marchés canadiens du travail et de l'habitation généraient de l'inflation indigène parce que les salaires, les prix des maisons et ceux des matériaux de construction évoluaient plus vite que l'inflation globale.

Enfin, M. Carney a annoncé que la Banque s'interrogeait sur le potentiel réel de l'économie canadienne, compte tenu des faibles gains de productivité acquis ces dernières années. Évaluée à 2,7% par année, la croissance potentielle pourrait être revue à la baisse lorsque les recherches en cours seront terminées, à l'automne.

Depuis ces explications, la situation s'est corsée.

Les prix du brut et de l'essence ont encore grimpé et commencent à faire tache d'huile, ce qui milite en faveur d'une hausse du taux directeur.

C'est ce que préconise le Comité de politique monétaire de l'Institut C. D. Howe de Toronto. Cet aréopage d'économistes universitaires et financiers fait valoir que, si on fait abstraction de l'effet de la réduction de la TPS, le rythme d'inflation était déjà de 2,7% en mai, et qu'il devrait s'accélérer au-dessus de 3,0%, au plus tard cet été.

Refiler les coûts

Il fait valoir aussi que les récentes données de l'Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque montrent que les entreprises ont l'intention de refiler aux consommateurs les coûts accrus de leurs intrants.

Les tenants du statu quo font valoir que l'économie américaine s'est détériorée au printemps. Même la crise financière qu'on croyait en voie de résolution paraît plutôt s'aggraver. Le Canada sera forcément touché. Les entreprises ne pourront refiler l'augmentation de leurs coûts de production aussi facilement qu'elles le souhaitent.

En outre, tant les marchés du travail que de l'habitation s'essoufflent. La croissance des salaires et du prix des maisons ralentit déjà.

Voilà pourquoi la Banque a sans doute révisé à la baisse son scénario de croissance, tant aux États-Unis qu'au Canada. Elle le précisera dans la mise à jour de son Rapport sur la politique monétaire, attendue jeudi.

Pareilles perspectives militent pour le statu quo, assorti d'une ferme déclaration de la volonté des autorités monétaires de combattre toutes pressions inflationnistes.