Les manufacturiers de médicaments dépensent près de deux fois plus pour la promotion de leurs produits que pour la recherche et le développement.

Les manufacturiers de médicaments dépensent près de deux fois plus pour la promotion de leurs produits que pour la recherche et le développement.

Dans leur analyse des données provenant de deux entreprises spécialisées dans les études de marché, Marc-André Gagnon et Joel Lexchin, de l'Université York, de Toronto, ont constaté que les sociétés pharmaceutiques américaines ont consacré, en 2004, 57,5 G$ US à leurs activités de promotion.

Par comparaison, les dépenses en R&D de l'industrie pharmaceutique aux États-Unis se chiffraient la même année à 31,5 G$, selon un rapport de la Fondation nationale des sciences, incluant les fonds publics dévolus à la recherche industrielle.

Le type de dépenses incluses dans le montant de 57,5 G$, compilées par les firmes IMS et CAM, comprend les échantillons gratuits, la publicité s'adressant directement aux consommateurs, les réunions entre représentants d'entreprise et médecins pour promouvoir les produits, les promotions par courriel et par la poste, selon l'étude.

Ces conclusions, qui paraissent cette semaine dans la publication Public Library of Science Medicine, confirment «l'image publique d'une industrie axée sur la commercialisation», disent les auteurs de l'étude.

Le constat ne surprend pas Steve Morgan, un expert des aspects économiques de l'industrie pharmaceutique, attaché à l'Université de Colombie-Britannique.

On sait depuis longtemps que les manufacturiers de médicaments d'ordonnance dépensent plus en marketing qu'en R&D.

Mais pour l'un des auteurs de l'analyse, c'est une situation alarmante. «Même moi, je ne réalisais pas que le montant était aussi élevé que nous l'évaluons», a commenté Joel Lexchin en entrevue.

L'industrie pharmaceutique se présente depuis des décennies comme accordant une grande importance à l'innovation et à la recherche.

Mais d'autres soutiennent que ces entreprises visent avant tout la recherche du profit et pratiquent des prix abusifs.

Aux États-Unis, on autorise la mise en marché de médicaments d'ordonnance adressée directement aux consommateurs, et les compagnies pharmaceutiques achètent de la publicité à la télévision, à la radio et dans la presse écrite pour faire la promotion de leurs produits directement auprès du public.

Au Canada, les règles concernant la publicité des médicaments sont plus strictes.

Aux États-Unis, les compagnies pharmaceutiques dépensent aussi davantage en publicité auprès des médecins, pour que ceux-ci ne soient pas pris de court par des patients qui réclameraient certains médicaments après avoir vu des publicités au petit écran ou ailleurs.

L'industrie pharmaceutique canadienne a elle aussi tendance à moins dépenser en R&D que les autres pays développés.

«(...) Les manufacturiers dépensent un plus petit pourcentage de leurs ventes en recherche et développement au Canada qu'ils le font dans d'autres pays», souligne M. Morgan.

Mais la proportion des dépenses de marketing par rapport aux dépenses de recherche au Canada est vraisemblablement similaire à celle qui prévaut aux États-Unis, selon M. Morgan.

Dans leur analyse, MM. Gagnon et Lexchin laissent entendre que les gouvernements devraient obliger l'industrie à faire «plus de recherche et moins de promotion».

«Santé Canada et (la U.S. Food and Drug Administration» pourraient promouvoir la recherche s'ils changent les critères d'approbation des médicaments», a déclaré M. Lexchin.

Les entreprises seraient ainsi forcées d'investir davantage dans des recherches plus innovatrices, et les nouveaux médicaments qui en résulteraient n'auraient pas besoin de faire l'objet d'autant de promotion, a-t-il ajouté.