Il y a un nouvel employé au bureau, aujourd'hui. C'est le petit jeune assis dans le coin? Non, c'est l'autre, celui qui a les cheveux blancs!

Il y a un nouvel employé au bureau, aujourd'hui. C'est le petit jeune assis dans le coin? Non, c'est l'autre, celui qui a les cheveux blancs!

Au Québec, environ 110 000 personnes âgées de 60 ans et plus sont retournées au travail après avoir goûté à la retraite au cours des dernières années.

Au Canada, un cinquième des personnes qui avaient pris leur retraite entre 1992 et 2002 ont retrouvé un travail rémunéré depuis. Et le phénomène ira en s'amplifiant, s'il faut en croire un sondage réalisé il y a quelques années par Ipsos Reid.

Selon les résultats de ce sondage, 74% des travailleurs canadiens de 45 ans et plus prévoyaient travailler durant leur retraite, pour toutes sortes de raisons - entre autres, pour rester actif mentalement, rester en contact avec les gens et, bien sûr, faire de l'argent.

Il faut dire que, avec la crise financière, le fameux concept de «Liberté 55» semble de plus en plus utopique. Certains seront obligés de travailler quelques années de plus (si ce n'est pas plusieurs!), d'autres choisiront de travailler à temps partiel pour obtenir un revenu d'appoint afin de se payer de petits luxes.

Capacités physiques et mentales

Et ils en auront les capacités physiques et mentales. Des recherches ont démontré que l'état de santé d'un travailleur âgé de 65 ans aujourd'hui équivaut à celui d'un travailleur de 54 ans en 1960.

«Prendre sa retraite aujourd'hui à 55 ans, comme cela se fait dans les secteurs public et parapublic, c'est très jeune, dit Marcel Bérubé, président du Groupe Perspective. Si on vit jusqu'à 90 ans, cela signifie qu'il reste autant d'années à la retraite que d'années de travail.»

La retraite à 55 ans aurait-elle été un phénomène temporaire dans l'histoire, propre à la génération des baby-boomers? Ils sont du moins les premiers à l'avoir obtenue.

«Autrefois, une personne ne prenait pas sa retraite si elle était capable de travailler, dit Éric Gosselin, professeur de psychologie du travail et des organisations à l'Université du Québec en Outaouais. C'était la mentalité, et il n'était pas rare de voir des gens de 70 ans travailler. Le concept de retraite tel qu'on le connaît aujourd'hui, c'est la première fois qu'il se vit sur une aussi longue période.»

Préjugés et pénurie

Avec la pénurie de main-d'oeuvre qui va en s'aggravant, les travailleurs expérimentés devraient être les bienvenus dans les entreprises. Malheureusement, certains préjugés persistent envers eux, croit Karine Genest, directrice de programme du Réseau FADOQ. L'âgisme en contexte de travail est courant.

«Malgré le contexte de pénurie, il reste difficile de vieillir en emploi, dit-elle. On croit à tort que les travailleurs âgés sont moins réceptifs à la mise à niveau des connaissances et à la formation. Beaucoup de nos membres témoignent qu'ils ont l'impression de ne pas être reconnus et d'être invisibles sur le marché de l'emploi.»

Il y a urgence d'agir pour changer l'image des travailleurs vieillissants. Le Réseau FADOQ s'attaque au problème et en fait son cheval de bataille pour 2009. À partir de janvier, une vaste campagne sera lancée pour sensibiliser les employeurs.

Ceux-ci auraient d'ailleurs tout intérêt à miser davantage sur la main-d'oeuvre vieillissante pour contrer la pénurie.

«C'est une main-d'oeuvre de grande qualité, disponible, mais pas assez utilisée», dit Karine Genest.

Les aînés sont précieux pour transmettre le savoir-faire aux plus jeunes, et les entreprises devraient adapter l'organisation du travail pour les retenir ou les attirer.

Les horaires

«Aujourd'hui, aucune entreprise responsable ne devrait laisser partir un travailleur à la retraite sans essayer de le retenir, dit Éric Gosselin. Il faut s'asseoir avec lui et discuter de ce que l'on pourrait faire pour le garder.»

Des horaires plus souples, une retraite progressive, le temps partiel, le partage des postes, le télétravail ou la possibilité de se consacrer à des projets spéciaux comme le mentorat sont autant de moyens de leur donner le goût de continuer.

On doit aussi leur donner accès à la formation et au perfectionnement, un aspect trop souvent négligé chez ces travailleurs, croit Karine Genest.

«Les travailleurs en fin de carrière ont toujours été les grands oubliés des systèmes de gestion des ressources humaines, dit Éric Gosselin. Ceux-ci ont été mis au point dans les années 70 et ciblaient surtout les personnes âgées de 30 à 50 ans.»

Il faudra désormais changer nos mentalités, car les têtes blanches sont de retour au bureau.