Le gouvernement de Dubaï voulait moderniser sa législation en matière de commerce électronique. Il a donc fait appel à un avocat originaire de Chicoutimi. Qui d'autre!

Le gouvernement de Dubaï voulait moderniser sa législation en matière de commerce électronique. Il a donc fait appel à un avocat originaire de Chicoutimi. Qui d'autre!

Marc A. Tremblay a toujours su ce qu'il voulait faire dans la vie. Jeune, il l'avait d'ailleurs déjà annoncé à son père: «Je veux être ingénieur et avocat!» Mais pour réussir, il lui fallait parler anglais. À 19 ans, il a donc décidé de quitter son Chicoutimi natal pour étudier à Montréal, à l'Université McGill.

Près de 20 ans plus tard, on peut dire qu'il a tenu promesse. Il est devenu ingénieur en environnement et un avocat assez doué pour accéder au titre d'associé chez Ogilvy Renault.

Et à 38 ans, il maîtrise désormais tellement bien l'anglais qu'il est capable de rédiger des lois gouvernementales dans la langue de Shakespeare. Pas pour le gouvernement canadien, mais pour celui des Émirats arabes unis!

L'an dernier, c'est à lui et à une équipe d'Ogilvy Renault que le Telecommunications Regulatory Authority (TRA), un organisme réglementaire des Émirats arabes unis, a octroyé le mandat d'élaborer un nouveau cadre réglementaire pour moderniser la loi du pays en matière de commerce électronique.

L'«e-readiness rankings 2007» du magazine The Economist place les Émirats arabes unis au 33e rang mondial en commerce électronique. Avec une législation plus moderne, le pays estime pouvoir grimper de quelques rangs et attirer encore plus d'investissements étrangers.

D'où cette stratégie d'apporter des modifications à la loi. «C'est simple, les Émirats arabes unis veulent être des leaders dans tous les domaines», explique le jeune avocat, alors qu'il reçoit La Presse dans une salle de conférence de son cabinet.

Pour Marc Tremblay, l'histoire commence au printemps 2007, alors qu'un de ses collègues d'Ogilvy Renault présent au Moyen-Orient le contacte pour l'informer que le TRA s'apprête à lancer un appel d'offres pour confier ce mandat à un cabinet d'avocats occidental. Dès lors, il se met au boulot.

Première étape: obtenir le mandat. La concurrence est féroce, car cinq cabinets des États-Unis, de l'Australie et du Royaume-Uni sont sur les rangs.

La "carte" canadienne

Il monte une équipe de cinq personnes, composée de juristes de son cabinet, mais aussi d'experts universitaires et gouvernementaux, notamment de l'Ontario Justice International, une branche du gouvernement ontarien qui fournit des services de consultation à d'autres juridictions.

Il estime que de s'adjoindre des consultants externes ajoute de la valeur à l'offre qu'il présentera.

Pour convaincre, Marc Tremblay et son équipe décident aussi de jouer la «carte» canadienne: biculturalisme, bilinguisme et double système juridique avec le Common Law et le droit civil.

«Le fait d'être habitué à un système juridique bilingue représente un avantage sur nos concurrents», explique Marc Tremblay. D'autant plus que les textes de règlement devront être rédigés en anglais, puis traduits en arabe!

Un mois plus tard, un document d'une cinquantaine de pages est prêt. En juin, Marc Tremblay et son équipe s'envolent pour Dubaï le présenter. Ils atterrissent dans la nuit, à 2h. Dehors, le mercure indique déjà 39 degrés Celsius. Il va faire chaud!

Durant 10 jours, ils passent leur temps avec des fonctionnaires des Émirats arabes unis. Le point culminant survient durant une présentation PowerPoint devant une dizaine de décideurs. Marc Tremblay avait prévu le coup: la première page de sa présentation est rédigée en arabe!

Ce n'est qu'en juillet que Marc Tremblay apprend la bonne nouvelle que son cabinet a été retenu pour cet important mandat. Entre-temps, la liste des concurrents avait été réduite à deux.

Le véritable travail s'amorce alors, à la fois aux Émirats arabes unis où l'on a déployé des ressources, qu'ici, à Montréal, où Marc Tremblay supervise le boulot. Le mandat se divise en trois temps et l'équipe livrera au bout du compte trois rapports.

En premier lieu, un rapport compare les meilleures pratiques internationales en matière de législation de commerce électronique. On explique ce qui s'est fait ailleurs et comment les lois ont été appliquées selon la spécificité des pays. En bref, on dresse un tableau à l'échelle internationale.

Le second rapport contient des analyses juridiques et les recommandations législatives des avocats. Par exemple, en matière de signature électronique, faut-il adopter une approche normative? Plus souple? Ou quelque chose entre les deux?

Enfin, le dernier rapport, et non le moindre, contient le projet de cadre réglementaire, c'est-à-dire la rédaction des règlements et politiques à insérer dans la Loi.

«Ce fut un mandat complexe qui a nécessité beaucoup d'heures de travail», dit Marc Tremblay.

Complexe peut-être, mais sûrement apprécié par le gouvernement des Émirats. Car Marc Tremblay sera de retour à Dubaï en mai prochain. Le Telecommunications Regulatory Authority a tellement été satisfait de ses services qu'il vient de lui confier un deuxième mandat.

Une autre loi à amender? Impossible de savoir de quoi il s'agit pour le moment. C'est top secret...