Sur fond de récession occidentale et de crise financière mondiale, les chefs des gouvernements du groupe des 20 grandes économies du monde (G20) se réunissent pour la première fois aujourd'hui à Washington.

Sur fond de récession occidentale et de crise financière mondiale, les chefs des gouvernements du groupe des 20 grandes économies du monde (G20) se réunissent pour la première fois aujourd'hui à Washington.

Ils tenteront de dégager des solutions à court terme pour normaliser le crédit et contenir l'ampleur de la décroissance. Ils parviendront peut-être en plus à esquisser de nouveaux mécanismes pour que l'actuel marasme financier ne se reproduise plus grâce à une normalisation des règles comptables et de capitalisation.

L'affaire ne sera pas facile.

Affaibli, le président hôte, George W. Bush, s'oppose néanmoins d'emblée à toute réglementation supranationale susceptible d'entraver la libre concurrence ou la conduite des marchés, à commencer par leur rémunération. «Notre objectif n'est pas une intervention accrue de l'État, mais une intervention plus sage», a-t-il déclaré hier à New York.

À l'opposé, le président français Nicolas Sarkozy, qui préside aussi le Conseil de l'Europe jusqu'à la fin de l'année et qui a réclamé ce sommet, répète que l'époque «où la dérégulation, la libre concurrence et le marché pouvaient tout résoudre est révolue». La France réclame d'ailleurs déjà un deuxième sommet du G20 dès février, alors que le président désigné Barack Obama aura emménagé dans la Maison-Blanche.

De son côté, le premier ministre britannique Gordon Brown, cité par le correspondant de la BBC qui l'accompagnait dans son vol transatlantique, soutient qu'il faut à tout prix éviter un retour au protectionnisme.

«Les dirigeants ne doivent pas se perdre dans des mesures à long terme, car il y a trop de disparités dans la façon dont les pays sont touchés par la crise», prévient François Dupuis, vice-président et économiste en chef chez Desjardins.

Chose certaine, ce qui se profilait il y a quelques mois à peine comme une légère récession américaine causée par l'éclatement de la bulle immobilière s'aggrave de jour en jour. La capitulation du consommateur américain, comme en fait foi la plongée des ventes au détail en octobre, indique que la contraction sera profonde, longue et contagieuse. Bien que saine, l'économie canadienne n'est pas vaccinée.

Recul des pays de la zone euro

Eurostat a confirmé hier que la croissance totale des 15 pays de la zone euro a reculé pour une deuxième fois d'affilée au troisième trimestre, confirmant la récession technique.

Dans ce contexte, poursuit M. Dupuis, les pays émergents ne peuvent plus être ignorés. «Ils ont un pouvoir monétaire.»

Cela rejoint l'ardent plaidoyer fait plus tôt cette semaine par l'ancien premier ministre canadien Paul Martin qui a présidé à la naissance du G20, au lendemain des crises financières mexicaine, asiatique et russe durant la décennie passée. Jusqu'à aujourd'hui, ce forum réunissait les ministres des Finances ainsi que les présidents de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

Ces deux institutions sont nées après la Deuxième Guerre mondiale. Ce sont elles en particulier que les Européens et les économies émergentes comme la Chine, l'Inde et le Brésil souhaitent voir réformer afin d'y jouer un rôle accru.

Selon M. Martin, l'absence de M. Obama ne permettra pas de faire avancer beaucoup cette réforme nécessaire. Il croit cependant que la création de comités préparatoires pourrait paver la voie à une solution rapide lorsque les chefs de gouvernement du G20 se réuniront à nouveau.

«Les dirigeants conviendront de moyens concertés pour stimuler leurs propres économies, avance Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux. En ce sens, il ne faudrait pas que les attentes soient trop élevées.»

Les banquiers centraux ont déjà montré le 8 octobre que la concertation est possible. Les autorités monétaires de plusieurs pays, dont le Canada, avaient alors abaissé leur taux directeur afin de dégeler le crédit interbancaire.

Hier à Francfort, le président de la Réserve fédérale américaine, Ben S. Bernanke, a donné l'assurance que les autorités monétaires coordonneront à nouveau leurs interventions si la situation le justifie.

Mondialisation oblige, les mesures prises par certains gouvernements pour venir en aide à leurs institutions financières ont des répercussions hors de leurs frontières.

Ainsi, le sauvetage par la Fed de l'assureur AIG a prêté main-forte aux banques européennes qui faisaient affaire avec l'entreprise américaine. À l'inverse toutefois, les garanties offertes par certains États européens pour permettre à leurs banques d'emprunter pénalisaient les banques canadiennes jugées pourtant les plus solides au monde par le Forum économique mondial. Ottawa a dû offrir les mêmes garanties.

«Ces débordements outre-frontière positifs et négatifs plaident pour la coopération politique internationale dans la réponse à la crise des marchés financiers», soulignait d'ailleurs hier Alexandre Morin dans une analyse produite pour l'Institut C.D. Howe.

Elles mettent en relief aussi la nécessité qu'Ottawa demeure aux aguets pour éviter que le Canada ne se fasse couper l'herbe sous le pied.