En 1979, Chrysler était tellement mal en point que le gouvernement américain avait fini par accepter de sauver la société, ce qui avait soulevé des protestations parmi la concurrence. Aujourd'hui, c'est au tour de General Motors (GM) de supplier Washington. L'histoire se répète-t-elle?

En 1979, Chrysler était tellement mal en point que le gouvernement américain avait fini par accepter de sauver la société, ce qui avait soulevé des protestations parmi la concurrence. Aujourd'hui, c'est au tour de General Motors [[|ticker sym='GM'|]] de supplier Washington. L'histoire se répète-t-elle?

Pendant que Barack Obama insiste sur la nécessité d'un plan de 50 milliards pour l'industrie automobile, GM croise les doigts pour que le gouvernement se souvienne de l'aide à Chrysler, il y a 30 ans.

Chrysler était alors le troisième membre du Big Three automobile, le plus grand constructeur de chars d'assaut et le 10e constructeur en importance aux États-Unis.

Mais Chrysler n'avait pas les reins assez solides pour gérer une croissance qui s'est avérée trop forte, ni pour s'adapter rapidement à une nouvelle demande des consommateurs. Après le choc pétrolier de 1973, ceux-ci voulaient des voitures plus petites et plus économiques.

Les stocks ont grimpé de façon marquée à la fin des années 70. L'inflation galopante a fait bondir les coûts de financement et la cote de crédit de l'entreprise s'est mise à tomber.

À contrecoeur, l'administration Carter a accepté de secourir Chrysler. L'assistance de l'État n'était ni souhaitable, ni appropriée, disait en substance le secrétaire au Trésor de l'époque.

Mais Chrysler était une exception et l'aide fédérale était justifiée par «l'intérêt public de soutenir les emplois et de maintenir une industrie automobile nationale forte et concurrentielle».

En contrepartie de garanties de prêts de 1,5 milliard (4 milliards en dollars d'aujourd'hui), le gouvernement demandait à Chrysler un plan de financement et d'exploitation pour les années suivantes, de même que la conclusion d'ententes avec des prêteurs privés. En quelques années, Chrysler s'est remis sur pied.

La même recette pour GM?

«Cela crée une sorte de justification pour un plan de sauvetage aujourd'hui», explique Mark Perry, économiste et professeur à l'Université du Michigan, en entrevue avec La Presse Affaires.

«Les sommes en jeu sont plus importantes et la situation plus complexe, cette fois, note toutefois Christian Navarre, spécialiste de l'industrie automobile à l'École de gestion de l'Université d'Ottawa. Car si on aide GM, on doit aussi aider Chrysler et Ford.»

«Mais le principe est le même qu'en 1979, poursuit M. Navarre. L'objectif est que GM reste en activité, mais de ne pas financer un puits sans fond. Il faut une solution qui forcera les actionnaires de GM à faire un vrai plan de restructuration pour remettre GM dans la voie de la viabilité à long terme.»

Selon M. Navarre, deux facteurs particuliers expliquent la relance de Chrysler après le plan de 1979.

«Lee Iacocca s'est révélé un patron charismatique, aussi bien à l'intérieur de l'entreprise que vis-à-vis des consommateurs. Et il y a eu cette innovation qu'était la fourgonnette.»

«Est-ce qu'il y a un tel patron qui prendra la tête de GM, qui pourra galvaniser les troupes et s'imposer auprès des consommateurs? demande M. Navarre. On ne le voit pas. Et quels sont les produits de GM aujourd'hui qui permettraient de faire un coup? Pour l'instant, on ne le sait pas.»

Par ailleurs, tous ne sont pas d'accord avec l'idée que le sauvetage de Chrysler ait été une si bonne affaire. Barry Ritholtz, un auteur cité par le New York Times, croit plutôt qu'une faillite de Chrysler aurait pu forcer Ford et GM à changer leur attitude par rapport à l'efficacité en carburant et à la qualité de leurs produits.

De même, Mark Perry, qui souligne les salaires extrêmement élevés, croit aujourd'hui que l'industrie de l'auto ne devrait pas avoir de «traitement particulier».

«Si GM fait faillite, les ressources ne disparaissent pas, pas plus que l'industrie automobile américaine. GM sera repris par une entreprise étrangère peut-être plus concurrentielle.»

Déjà, en 1979, le sauvetage de Chrysler avait soulevé l'ire de certains. «C'est une attaque à la base même de la philosophie de l'Amérique», avait alors dit un homme d'affaires haut-placé de Detroit, qui accepte difficilement la décision du gouvernement. Son nom: Thomas A. Murphy. Son poste: président du conseil d'administration de General Motors.

L'opinion de M. Murphy est encore partagée aujourd'hui.

Non républicain

Hier, les membres républicains du Congrès ont manifesté leur opposition à une deuxième enveloppe de 25 milliards pour aider les grands constructeurs américains - un première aide sous forme de prêts avait été votée le 27 septembre, mais n'a pas encore été versée.

Dépenser des milliards «sans garantie de remédier aux causes profondes de la mauvaise compétitivité sur la scène internationale des constructeurs n'est ni juste pour les contribuables, ni sain pour la politique fiscale», a affirmé par communiqué le leader de la minorité républicaine à la Chambre des représentants, John Boehner.

80%

Part de marché qu'occupaient les constructeurs américains aux États-Unis en 1980. Aujourd'hui, cette proportion n'est plus que de 45%.

Un poids sur l'emploi

23 800

Total des mise à pieds faites par Chrysler entre 1978 et 1975, soit près de 25% de sa force de travail.

720 000

Pertes d'emploi directes et indirectes prévues par le gouvernement après une

faillite de Chrysler en 1979.

266 000

Nombre d'employés de GM dans le monde en 2008, dont plus de la moitié aux

États-Unis

3% Augmentation du taux de chômage aux États-Unis en cas de faillite de

GM. Il passerait de 6,5% à 9,5%.

Note: Toutes les sommes sont en dollars US Source: New York Times, Time, www.gm.com, Bloomberg

La déroute de GM en chiffres2,5 milliards Pertes au troisième trimestre 2008

7 milliards Pertes depuis la fin de 2004

11 milliards Somme nécessaire pour couvrir ses frais mensuels.

16,2 milliards Liquidités disponibles à la fin septembre.

181 milliards Chiffre d'affaires en 2007