La ministre des Finances Monique Jérôme-Forget a plus d'un tour dans sa sacoche pour équilibrer les finances publiques québécoises cette année. L'exercice sera en revanche plus périlleux l'an prochain, rendant bien tentante la tenue d'élections automnales.

La ministre des Finances Monique Jérôme-Forget a plus d'un tour dans sa sacoche pour équilibrer les finances publiques québécoises cette année. L'exercice sera en revanche plus périlleux l'an prochain, rendant bien tentante la tenue d'élections automnales.

Son plan budgétaire déposé en mars prévoyait la création d'une provision pour éventualités de 200 millions. Au pifomètre, une variation d'un point de pourcentage de la croissance réelle de l'économie signifie 400 millions en plus ou en moins dans les coffres de l'État. La Dame de fer du Québec était donc prête à parer une baisse d'un demi-point de la croissance par rapport à sa prévision de 1,5%.

Il y a désormais unanimité chez les économistes pour affirmer que l'expansion sera bien inférieure à 1% cette année. En Ontario, le gouvernement libéral de Dalton McGuinty a révisé son plan budgétaire. Il prévoit désormais un déficit de 500 millions pour l'exercice en cours, malgré une réduction de plus de 100 millions dans les dépenses.

«L'Ontario se garde une marge de manoeuvre, croit Yves Saint-Maurice, économiste en chef adjoint chez Desjardins. Le déficit sera sans doute moins élevé que ce qui a été annoncé.»

La province voisine souffre particulièrement de la crise de l'industrie automobile. Or, véhicules et pièces représentent 37% de ses exportations.

Le tissu industriel plus diversifié du Québec lui permet d'espérer de moins souffrir du ralentissement américain.

Cela paraît entre autres dans la consommation des ménages. Les ventes de concessionnaires automobiles étaient en hausse de 3,7% sur une base annuelle en août. En Ontario, elles reculaient de 5%. Aux États-Unis, elles ont plongé de 27% en septembre, avec la disparition du crédit-bail.

L'ensemble des ventes au détail progressait de 5,7% sur une base annuelle en août, malgré le recul mensuel.

Bref, la ministre a pu compter durant le printemps et une bonne partie de l'été sur de bonnes rentrées, grâce à la taxe de vente.

Puiser dans la réserve

Cela dit, l'équilibre précaire des finances publiques repose sur l'utilisation d'une réserve amassée au cours des exercices 2006-2007 et 2007-2008.

C'est ici que Mme Jérôme-Forget nous montrera sans doute que sa sacoche était à double fond. La réserve de 2006-2007 s'élève à 1,4 milliard alors que celle de l'année financière suivante avait été estimée à 717 millions, au moment du dépôt du budget, le 13 mars.

Il s'agit selon toute probabilité d'un calcul prudent.

Mme Jérôme-Forget prévoyait que ses dépenses allaient dépasser ses revenus de 1,37 milliard cette année et de 447 millions en 2009-2010. Bref, elle devrait utiliser l'ensemble de sa réserve pour boucler le budget actuel et le prochain.

Une plus grande réserve accumulée en 2007-2008 ou des revenus autonomes jusqu'ici plus élevés que prévu en mars donnent à la ministre la marge voulue pour boucler son budget cette année.

En outre, Mme Jérôme-Forget dispose encore de quelques mois pour réduire la croissance de ses dépenses, planifiée à 4,2% pour l'exercice en cours.

Pour le prochain, la tâche paraît cependant plus ardue. En 2009-2010, Mme Jérôme-Forget, prévoyait en mars dernier une croissance des revenus de 3% et celle des dépenses de 3,5%. Pour parvenir au déficit zéro, elle prévoyait épuiser sa réserve.

«Le déficit zéro, c'est un concept, rappelle Luc Godbout, professeur à la Chaire en fiscalité et finances publiques de l'Université de Sherbrooke. Le budget est équilibré seulement à cause de la réserve.»

La cherté du service de la dette

Le scénario de la ministre est fondé sur une croissance réelle en 2009 de 2,0% et d'une expansion de 3,5% en dollars courants, deux prévisions prudentes en mars, mais quelque peu jovialistes ces jours-ci.

Mme Jérôme-Forget ne pouvait prévoir en mars l'ampleur de la crise du crédit qui compliquera la stratégie québécoise de refinancement de la dette.

La semaine dernière, Québec a réalisé une émission de deux milliards sur le marché obligataire. L'emprunt de 10 ans s'est négocié à un taux supérieur de 141 centièmes à celui d'une obligation fédérale de même échéance.

En juin, les acheteurs s'étaient contentés d'un écart de 71 centièmes, ce qui était déjà élevé, selon Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. L'écart habituel des dernières années est plus près des 50 centièmes. «Certaines provinces, comme l'Ontario, préfèrent se financer à court terme sur le marché monétaire ces jours-ci», note-t-il en entrevue.

Même si les écarts vont se rétrécir à mesure que se dénouera la crise du crédit, les provinces emprunteuses ne sont pas au bout de leurs peines. Tout porte à croire que les taux sur les obligations canadiennes à long terme ne pourront qu'augmenter, suivant en cela la prime de risque plus réaliste qui va s'installer à demeure sur les marchés obligataires.

Bref, le service de la dette va coûter plus cher.

Au cours du présent exercice, les besoins d'emprunt de Québec sont évalués à 11,11 milliards, selon le Plan budgétaire. Ils auraient été de plus de 13 milliards si la province n'avait profité des conditions favorables du marché l'an dernier pour devancer son programme d'emprunt.

En 2009-2010, Québec aura besoin d'aller chercher 13,9 milliards. Le gros de cette somme consiste en le renouvellement de titres de dette arrivés à échéance, le reste étant des besoins financiers nouveaux liés par exemple au programme de réfection des ponts et viaducs caduques.

Si Québec doit consentir un rendement de 100 centièmes plus élevés que prévu pour emprunter 13,9 milliards, cela représente un débours annuel additionnel de 139 millions.

Voilà une somme que la ministre ne pourra trouver dans le fond de sa sacoche sans présenter un nouveau budget au printemps. Et c'est sans compter que le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, lui prépare peut-être une mauvaise surprise au chapitre des paiements de la péréquation.

RÉSERVE BUDGÉTAIRE

1,8 milliard

REVENUS PRÉVUS 2008-2009

62,9 milliards

DÉPENSES PRÉVUES 2008-2009

63,9 milliards