Le prix des maisons chute en Californie depuis l'an dernier. La crise du crédit, amplifiée au cours des dernières semaines, empêche maintenant des candidats au dossier impeccable d'obtenir un prêt hypothécaire, comme l'a constaté notre correspondant à Los Angeles.

Le prix des maisons chute en Californie depuis l'an dernier. La crise du crédit, amplifiée au cours des dernières semaines, empêche maintenant des candidats au dossier impeccable d'obtenir un prêt hypothécaire, comme l'a constaté notre correspondant à Los Angeles.

Et qu'en est-il au Québec? L'immobilier se porte encore bien, mais le marché des résidences secondaires commence à ressentir les effets du ralentissement économique.

Pieter Vermeer veut acheter une maison. Mais sa banque a peur de lui.

M. Vermeer travaille comme directeur de production sur les plateaux de publicité les plus prestigieux du monde. Sa cote de crédit impeccable. Il n'a aucune dette. Il économise depuis l'âge de 18 ans, et est aujourd'hui en mesure de faire un dépôt équivalant aux deux tiers de la valeur de la maison qu'il convoite. «Je suis l'acheteur rêvé, dit-il. J'ai tout fait comme il faut. Je n'aime pas le crédit. Je suis vieux jeu là-dessus.»

Cet été, M. Vermeer et sa femme Titia, ont trouvé la maison idéale. Une maison moderne, construite à flanc de colline, dans les Hollywood Hills, un quartier chic de L.A. L'acheteur demandait 1,6 million. M. Vermeer a réussi à faire baisser le prix à 1,45 million.

Ils ont conclu l'entente. Aujourd'hui, la vente est compromise. La banque révise son dossier.

«La banque a peur, dit-il. Hier encore, ils m'ont appelé. Ils voulaient une copie de mon agenda électronique depuis 2002. C'est complètement fou. Je leur donne les deux tiers du prix de la maison! Qu'est-ce qu'ils veulent de plus?»

Le prix des maisons a plus que doublé à Los Angeles entre 2002 et 2006. Depuis, les habitations ont perdu environ le tiers de leur valeur, selon la firme Case-Shiller. Or, même si les prix sont plus attrayants, les acheteurs doivent désormais convaincre les banques de plus en plus frileuses de leur prêter de l'argent. Ces jours-ci, cela semble être une mission impossible.

Sur papier, le phénomène n'est pas encore perceptible. En septembre, les ventes de maisons déjà existantes ont grimpé de 65% par rapport à l'année précédente dans le sud de la Californie. Cette hausse est attribuable au grand nombre d'acheteurs qui ont profité de la crise des reprises d'hypothèque (foreclosure) pour racheter une maison à bas prix.

Mais ces statistiques ne reflètent pas encore l'écrasement de Wall Street, et la difficulté d'emprunter de l'argent, explique Peter Viles, journaliste spécialisé dans l'immobilier au L.A. Times. «L'impact de la crise financière n'est pas encore compilé dans les statistiques. Je crois qu'on va voir une baisse dans le nombre de vente dans les mois qui viennent...»

Gary Thayer, économiste chez Wachovia Securities, estime que le recouvrement sera long. «Traditionnellement, c'est le marché immobilier qui aide l'économie à se remettre sur pied après une période creuse. Je crois que ça va être une composante critique dans la crise actuelle», a-t-il dit.

La peur au ventre

La frilosité des banques a été une surprise pour M. Vermeer. L'an dernier, les banques faisaient des pieds et des mains pour le convaincre d'emprunter des sommes importantes. «J'ai résisté, parce que le marché était devenu fou, dit-il. Les gens achetaient pratiquement des maisons au téléphone. Les agents immobiliers se battaient pour me proposer des maisons au-dessus de mon budget. Il y avait une frénésie. Tout le monde en profitait. Je savais que ça ne durerait pas.»

Aujourd'hui, il se sent comme «un ex-détenu qui cherche à se faire embaucher». «Je trouve ça inquiétant. Si les banques ne prêtent pas d'argent aux gens comme moi, imaginez l'acheteur moyen! J'ai peur que ça paralyse le marché, et accélère la crise davantage», dit M. Vermeer, né aux Pays-Bas et aujourd'hui citoyen américain. Aussi, il a peur de voir la valeur de sa maison dégringoler dans les prochaines années. Il s'est résigné à la chose. «Je suis là pour 10 ou 15 ans, je n'ai pas l'intention de revendre rapidement. Espérons que le marché aura remonté d'ici-là.»

Acceptés de justesse

Thea Boyanowski et son mari Sam Anson viennent tout juste d'acheter une maison unifamiliale dans le quartier Silverlake à Los Angeles. Leur prêt a été accepté tout juste avant que Wall Street soit frappé par la crise cet automne. «La décision d'acheter nous est venue facilement, mais je dois dire que j'ai été nerveux quand j'ai vu Wall Street s'affoler, explique M. Anson. On dirait que tout pouvait s'écrouler du jour au lendemain. Ce n'est pas un moment très agréable pour faire un achat aussi important...»

Sa femme est heureuse d'avoir acheté la maison cette année, et non il y a deux ou trois ans, lorsque la bulle immobilière était gonflée à bloc. Le couple compte faire des rénovations, ce qui sera bénéfique pour la valeur de revente. «Je pense que la maison va sans doute perdre de la valeur dans les deux ou trois prochaines années, mais je ne m'inquiète pas, dit-elle. On est ici pour un bout de temps. On verra où ça en est dans cinq ans.»