Le Conference Board du Canada vient de publier une analyse qui a toutes les allures d'un sévère avertissement au gouvernement Harper. Pas question de rester les bras croisés, dit l'organisme, Ottawa doit injecter jusqu'à 13 milliards de dollars pour relancer l'économie.

Le Conference Board du Canada vient de publier une analyse qui a toutes les allures d'un sévère avertissement au gouvernement Harper. Pas question de rester les bras croisés, dit l'organisme, Ottawa doit injecter jusqu'à 13 milliards de dollars pour relancer l'économie.

Dans son analyse, le réputé organisme précise que la diminution des taux d'intérêt est une bonne chose, mais qu'il faudra en plus des mesures fiscales musclées pour redresser la situation.

«Il n'est pas suffisant pour l'économie canadienne d'être resquilleur (free rider) en se fiant sur les promesses de stimulation économique américaine de Barack Obama dans l'espoir que les effets bénéfiques vont se répandre au Canada», écrit l'économiste en chef du Conference Board, Glen Hodgson.

Le Conference Board est le plus important organisme de recherche économique au Canada. Indépendant et à but non lucratif, le Conference Board offre des conseils économiques depuis plus de 50 ans. Ses analyses font autorité.

L'analyse du Conference Board va à l'encontre de certaines mesures annoncées dans la mise à jour économique du gouvernement fédéral, le 27 novembre. Dans cet énoncé, le gouvernement Harper avait promis de couper 2 milliards de dollars de dépenses afin de maintenir l'équilibre budgétaire. Depuis, le premier ministre semble avoir mis de l'eau dans son vin devant la levée de boucliers de l'opposition, promettant maintenant un budget expansionniste en janvier.

Insuffisante, la baisse de taux

Selon le Conference Board, le recul marqué des taux d'intérêt est insuffisant pour diverses raisons. D'abord, les banques hésitent à refiler les baisses de taux à leurs clients, cherchant d'abord à renforcer leur propre bilan.

Ensuite, il faut généralement de 12 à 18 mois avant de sentir pleinement les effets d'une baisse de taux sur l'économie réelle, ce qu'on ne devrait donc pas voir avant la deuxième moitié de 2009. Enfin, la situation actuelle risque de se transformer en un assèchement des liquidités semblable à celui des années 30, peu importe le niveau des taux, dit le Conference Board.

«La politique fiscale doit venir à la rescousse (...) Le gouvernement doit éviter toute mention de restrictions budgétaires, ce qui rendrait l'actuelle situation difficile encore pire», dit Glen Hodgson.

Cela dit, l'économiste en chef du Conference Board ne croit pas que les gouvernements canadiens devraient injecter des fonds équivalents à 2% du produit intérieur brut (PIB), comme le recommandait récemment le G20. Compte tenu de la bonne santé financière relative du Canada, il estime que des stimuli fiscaux allant jusqu'à 1% du PIB seraient suffisants.

De telles mesures équivaudraient à une injection de 10 à 13 milliards de fonds publics additionnels en 2009. À ces mesures actives s'ajoutent les éléments passifs de la politique fiscale, comme la baisse des revenus fiscaux en provenance des entreprises et des particuliers et la hausse des primes d'assurances emploi découlant de l'augmentation des chômeurs.

Déficit de 20 milliards

En combinant l'injection de fonds nouveaux aux éléments passifs, Glen Hodgson croit qu'Ottawa devrait prévoir un déficit de plus de 20 milliards de dollars pour l'exercice 2009-2010.

Pour maximiser les retombées, le gouvernement devrait investir l'essentiel des 13 milliards dans des segments de l'économie ou l'argent sera entièrement dépensé au Canada (et non économisé ou exporté).

C'est le cas des chômeurs des régions durement touchées par la récession, comme l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Le Conference Board estime donc qu'il faut allonger le niveau et la durée des prestations d'assurance emploi. Des programmes de réaffectation d'emplois devraient également être mis en place pour les travailleurs plus âgés frappés par la crise.

Des hausses de la prestation fiscale pour le revenu de travail et pour les familles à faibles revenus devraient aussi être envisagées. Et bien sûr, l'accélération des investissements dans les infrastructures devrait être à l'ordre du jour, en particulier les projets qui peuvent être mis en place rapidement (de 6 à 12 mois).

Enfin, le Conference Board déconseille d'abaisser les impôts, puisqu'une telle mesure uniforme profiterait autant aux secteurs prospères que nécessiteux. Qui plus est, certains contribuables pourraient économiser cet argent ou rembourser leur dette, ce qui ne contribuerait pas à relancer l'économie.