Pour gagner en Cour suprême, BCE a embauché les meilleurs avocats au pays. Ont-ils vraiment fait la différence?

Pour gagner en Cour suprême, BCE a embauché les meilleurs avocats au pays. Ont-ils vraiment fait la différence?

L'avocat William Brock est un habitué des grandes batailles juridiques. La représentation de Cinar pour récupérer plus de 100 millions de dollars, c'est lui. La défense de Vidéotron lors d'une poursuite de plus de 26 millions de dollars, c'est encore lui.

Mais aucun procès ne lui a donné autant de fil à retordre que le furieux combat qu'il a dû livrer en 2004 contre la leucémie et la mort.

«Je croyais qu'il ne me restait que six semaines à vivre», a-t-il déclaré en février à l'hebdomadaire anglophone The Suburban.

S'il s'en est sorti, c'est grâce à d'intenses séances de chimiothérapie, une transfusion de la moelle osseuse et un désir de vaincre hors du commun. Quand son médecin lui a appris la mauvaise nouvelle, il ne lui a fallu que deux heures pour mettre ses affaires en règle et pour se préparer à la plus grande bataille de sa vie.

Un verdict salué

C'est probablement ce désir de vaincre qui a convaincu BCE de faire appel à ses services dans le litige l'opposant à ses détenteurs d'obligations.

Et si la vente du conglomérat à Teachers' est elle aussi en rémission depuis le feu vert donné vendredi par la Cour suprême du Canada, c'est un peu grâce à la détermination de cet avocat de 50 ans et de son équipe de plaideurs du cabinet Davies Ward Phillips&Vineberg.

Les médias ont abondamment traité de la décision du plus haut tribunal du pays qui, pour le moment, ne tient qu'en deux petites phrases car les motifs ne seront connus que plus tard.

Tous, ou à peu près, ont salué le verdict parce qu'il confirme ce que tout le monde croyait comme la norme au Canada, à savoir que les conseils d'administration doivent considérer en priorité, en cas de vente, les intérêts des actionnaires, sans pour autant bafouer ceux des autres parties prenantes -employés, fournisseurs, détenteurs d'obligations, etc.

Peu a toutefois été dit sur la performance des avocats devant les magistrats de la Cour suprême. Ces juristes grassement payés ont-ils fait une différence? Ont-ils fait pencher la balance de quelque façon que ce soit? Ou, comme plusieurs le pensent, en dépit de leur victoire en Cour d'appel, les avocats des détenteurs d'obligations avaient peu de chances de l'emporter tellement leur cause était difficile à défendre.

Une équipe de rêve

Chose certaine, BCE n'a pris aucun risque. Car c'est un véritable concentré des meilleurs plaideurs au pays qui a représenté l'entreprise, un «dream team», comme on aura peu l'occasion de revoir de sitôt.

En première ligne, cinq caïds de Davies-Guy Du Pont et William Brock, du bureau de Montréal; Lorne Morphy, Kent E. Thomson et James Doris, de celui de Toronto. Tous se retrouvent dans le guide LEXPERT des 500 meilleurs avocats au Canada et plusieurs sont Fellow de l'American College of Trial Lawyers, qui reconnaît les meilleurs plaideurs en Amérique du Nord. Comme me le faisait remarquer un juriste montréalais, c'est comme avoir Wayne Gretzky, Mario Lemieux et Sidney Crosby sur le même trio.

En plus, spécifiquement pour la Cour suprême, BCE a lancé un SOS à Ogilvy Renault et a ajouté comme conseillers les avocats Steve Tenai, du bureau de Toronto, et, surtout, Pierre Bienvenu, chef de la direction d'Ogilvy.

L'arrivée de Pierre Bienvenu n'est pas le fruit du hasard. Spécialiste en arbitrage et des litiges commerciaux, il a plaidé plusieurs fois en Cour suprême. Au Québec, on le considère un peu comme le parrain du Barreau. Or, sa présence dans l'équipe juridique de BCE avait peut-être pour objectif de rassurer tout le monde dans un contexte où il faudrait pour gagner attaquer une décision unanime (5-0) de la Cour d'appel du Québec.

Ces deux recrues avaient aussi pour mission d'aider l'équipe de Davies à rédiger l'argumentation écrite. Et pour plusieurs, c'est là que la victoire s'est jouée.

Bien sûr, on peut débattre longtemps sur les stratégies adoptées par les deux camps lors de l'audience de la semaine dernière. Avec le recul, on peut ainsi se demander si, en prenant chacun 20 minutes devant les juges, les trois avocats des détenteurs d'obligations ont pris la bonne décision. Surtout que les questions les plus corsées des magistrats leur étaient dirigées, et qu'il est arrivé, à quelques reprises, que ces avocats d'expérience doivent référer leur réponse à un de leurs collègues.

En contrepartie, BCE parlait d'une seule voix, celle de Guy Du Pont, durant l'intervention principale, et celle de Kent Thompson, en conclusion.

Mais ces détails ont-ils pu faire une différence? Pour en être sûr, il faudra attendre les motifs de la décision.

Réponse dans quelques semaines ou quelques mois...

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