Quand la Banque du Canada a annoncé qu'elle abaissait de 50 centièmes son taux directeur, Desjardins n'a pas hésité bien longtemps à lui emboîter le pas.

Quand la Banque du Canada a annoncé qu'elle abaissait de 50 centièmes son taux directeur, Desjardins n'a pas hésité bien longtemps à lui emboîter le pas.

«On s'est consultés le matin et on s'est dit qu'on allait confirmer la baisse de notre taux préférentiel vers 15h comme on le fait d'habitude», expliquent en entrevue Jean-Guy Langelier, président et chef de l'exploitation de la caisse centrale Desjardins, et Jacques Descôteaux, premier vice-président, Trésorerie du Mouvement.

Par tradition, ce sont les grandes banques torontoises qui annoncent les premières qu'elles abaissent le taux de référence auquel elles prêtent à leurs meilleurs clients dans la même proportion que l'allègement décrété par les autorités monétaires.

Comme la banque centrale avait ramené de 3,5% à 3,0% son taux directeur, on s'attendait à ce que les institutions financières réduisent de 50 centièmes leur taux préférentiel à 4,75%.

À 15h, aucune n'avait bougé encore. «On avait senti la même hésitation la fois précédente (le 4 mars), se souvient M. Langelier. Si nous voulons stimuler l'économie comme le souhaite la Banque du Canada, il faut aider nos clients. Les liquidités que nous détenons nous permettent de suivre la Banque du Canada.»

À 16h, mardi, Desjardins force la main à ses concurrentes et annonce qu'elle abaisse son taux. Ce n'est que tôt en soirée qu'elles lui emboîteront le pas.

À la différence de Desjardins, les banques canadiennes traversent une grave crise de liquidités. Financer leurs activités courantes leur coûte de plus en plus cher. Les baisses de taux consenties à leurs clients grugent leur marge de profit.

Début 2007, une banque canadienne pouvait émettre une obligation de cinq ans à un taux dépassant de 50 centièmes à peine celui d'une obligation du Canada. Début avril, la Banque Scotia a dû consentir un écart de 180 centièmes pour lever 180 millions.

La Banque de Montréal a emprunté la semaine dernière 850 millions pendant 10 ans à un taux de 6,02% soit 220 centièmes de plus qu'une obligation canadienne de même échéance.

«À plus de 200 points d'écart, on les aime, ces obligations, ironise Yvan Fontaine, premier vice-président et chef des investissements chez Addenda Capital, un grand gestionnaire de portefeuille obligataire. Les investisseurs détiennent déjà beaucoup de titres de crédit. Les banques doivent être de plus en plus ingénieuses pour se financer.»

Ainsi, la Banque Royale a choisi d'émettre 1,4 milliard en titres libellés en yens au début du mois. Cette semaine, elle a lancé une série d'actions privilégiées offrant un dividende équivalent à 5,65% du prix nominal.

Desjardins n'est pas aussi étranglé.

«On regorge de liquidités, affirme M. Descôteaux. Quatre-vingt pour cent de nos approvisionnements de fonds proviennent de nos déposants.»

Desjardins ne s'est pas présenté sur le marché obligataire canadien jusqu'ici cette année. Il a choisi d'émettre dans la zone euro et en Suisse, ce qui lui a permis d'amasser 950 millions de dollars.

Les emprunts pour trois ans se sont faits à des écarts de 50 à 92 centièmes sur les obligations de référence là-bas.

«La première question des investisseurs européens portait sur l'existence de titres de dettes qu'on devrait rattacher ou non à notre bilan tôt ou tard, explique M. Langelier. Nous n'en avons pas.»

À la différence des banques américaines et canadiennes, Desjardins n'a pas utilisé le papier commercial ni d'autre forme de titrisation pour sortir les prêts de son bilan. L'institution lévisienne n'a donc pas à trouver une nouvelle façon de financer ses activités.

«Les grandes banques ont choisi d'optimiser le rendement sur le capital en maximisant l'effet de levier, poursuit M. Langelier. Nous avons privilégié la sécurité des épargnants et des investisseurs. Nous avons 4% de capital non utilisé de plus que les banques.»

Cette stratégie prudente n'est pas nouvelle. Elle a permis au mouvement coopératif de poursuivre sa croissance. Aujourd'hui, Desjardins se sent bien placé pour gagner des parts de marchés additionnelles, alors que s'amorce la grosse saison des hypothèques.

«La plus grandes des choses qu'on peut faire, c'est prêter», résume M. Descôteaux.