La saison des résultats du premier trimestre arrive avec le printemps. Bien des entreprises verront fondre leurs bénéfices et peut-être aussi leur action puisque les prévisions des analystes demeurent élevées. Méfiez-vous des nids-de-poule à la Bourse!

La saison des résultats du premier trimestre arrive avec le printemps. Bien des entreprises verront fondre leurs bénéfices et peut-être aussi leur action puisque les prévisions des analystes demeurent élevées. Méfiez-vous des nids-de-poule à la Bourse!

Cette semaine, les sociétés ont commencé à dévoiler leurs bénéfices (ou leurs pertes) pour le premier trimestre 2008.

Selon toute probabilité, il s'agira du troisième trimestre consécutif de baisse des profits aux États-Unis. Du jamais vu depuis l'explosion de la bulle des technos.

Depuis un mois, les analystes financiers se ruent sur leur calculatrice, réduisant leurs prévisions au fur et à mesure que la récession se matérialise aux États-Unis, et que l'onde de choc des hypothèques à risque (subprimes) se propage.

Encore cette semaine, la Réserve fédérale américaine a évoqué le scénario pessimiste d'une récession sévère et prolongée aux États-Unis.

De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) évaluait à 945 milliards de dollars les coûts du gâchis de la crise du crédit. Un chiffre qui frappe l'imagination! Jusqu'à maintenant, les institutions financières ont dû effacer de leurs livres des actifs évalués à environ 250 milliards.

Ces radiations expliquent en grande partie la baisse de 6% des bénéfices des 500 plus grandes sociétés américaines (S&P 500) en 2007. Jusqu'à maintenant, l'hécatombe s'était limitée au secteur financier dont les bénéfices ont plongé de 39% l'an dernier, et aux entreprises de consommation discrétionnaire (-16%).

Tout le monde s'attend à ce que la baisse des profits se prolonge dans ces deux secteurs. Mais on craint maintenant que tout le monde écope.

«S'il y a une récession aux États-Unis, il faut s'attendre à ce que les autres secteurs montrent des signes de faiblesse», indique Vincent Delisle, stratège aux Marchés des capitaux Scotia.

Prévisions trop optimistes

Pour l'instant, ce n'est pas ce que les analystes voient sur leur radar. Selon un consensus, les bénéfices des sociétés américaines vont diminuer de 6,5% au premier trimestre.

Mais cette baisse émanerait seulement des sociétés financières (-52%) et du secteur de la consommation discrétionnaire (-12%) qui englobe les constructeurs immobiliers. Difficile à croire

Depuis des années, l'économie américaine roule sur la marge de crédit. «Maintenant, le consommateur américain fait une indigestion d'endettement», souligne Pierre Ouimet, stratège en chef chez UBS Gestion globale d'actifs.

«Le processus d'assainissement de son bilan pourrait durer des années», ajoute-t-il. Cela aggraverait la récession américaine et contaminerait le reste de la planète, puisque le consommateur américain porte 18% de l'économie mondiale sur son dos.

Si la récession perdure, le mal se répandra dans tous les secteurs, et pas seulement ceux qui sont directement liés à l'immobilier et au crédit.

«Ce qui s'est produit cette semaine avec UPS est un indicateur de ce qu'on pourrait voir à plus large échelle», avance M. Delisle.

Mardi, United Parcel Service a mis en garde les investisseurs: ses profits du premier trimestre seront plus faibles que prévu en raison de la hausse du prix du pétrole et de la baisse du volume de colis à livrer aux États-Unis.

Voilà l'exemple d'une société qui n'est pas coincée dans la tourmente de la crise des subprimes, mais dont les profits vont ralentir parce que l'économie tourne moins vite.

«Il y aura d'autres révisions: ça ne fait que commencer. Les prévisions sont encore trop optimistes», ajoute M. Delisle

Où sont les amortisseurs?

Les mauvaises surprises, lors des résultats trimestriels, sont comme des nids-de-poule pour la Bourse.

Vendredi matin, par exemple, le titre de General Electric a flanché de plus de 10% après l'annonce de bénéfices inférieurs aux attentes.

Le conglomérat industriel a enregistré des bénéfices (sur les activités poursuivies) de 44 cents US par action, en baisse de 8%. Les analystes tablaient sur 51 cents $ US. GE,

qui est la deuxième entreprise américaine en importance, a aussi réduit ses attentes pour l'ensemble de l'année 2008, à cause du ralentissement économique.

«Ce qui a tracassé le plus les investisseurs, c'est que GE arrive généralement pile sur ses prévisions, ou un cent en dessous. Plusieurs se demandent pourquoi ils n'ont pas fait d'avertissement», mentionne Sherry Cooper, économiste en chef, aux Marchés des capitaux BMO.

Or, les investisseurs sont impitoyables, même pour les sociétés qui arrivent à un cheveu des prévisions, confiait à l'agence Bloomberg Doug Sandler, gestionnaire chez RiverFront Investment, en Virginie.

Même si les règles comptables ont été resserrées, les sociétés jouissent encore d'un pouvoir discrétionnaire significatif dans la comptabilisation de leurs revenus et de leurs dépenses. Cela leur permet d'adoucir les fluctuations de profits d'un trimestre à l'autre.

«Quand une entreprise rate de justesse ses prévisions de profit, les investisseurs ne se disent pas: «Ils ont raté juste d'un sou.» Ils se disent plutôt: «Oh% *&%&, ils ont usé tous les outils permettant d'adoucir leurs bénéfices. Leurs états financiers roulent maintenant sans amortisseurs», expose M. Sandler.

Autrement dit, les investisseurs considèrent que des profits décevants sont rarement un cas isolé, mais plutôt le début d'une route longue et cahoteuse.

Garder le cap

Il ne faut pas sombrer dans la déprime pour autant. Même si les prévisions sont trop élevées, peu d'investisseurs y croient vraiment. «Il y a énormément de pessimisme. Les gens sont négatifs, ça n'a pas de bon sens», observe M. Ouimet.

Malgré tout, il est probable que les mauvaises surprises du premier trimestre ramènent la Bourse à son creux de la mi-mars.

Si les Bourses retombent de 7 à 9% (autour de 1250 points pour l'indice S&P 500 de la Bourse américaine, et autour de 12 500 points pour l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto), ce sera une occasion d'achat, selon M. Delisle.

«C'est loin d'être la pire crise depuis les 50 dernières années. On va passer à travers une récession des profits classique, soit une baisse de 16% aux États-Unis, et de 20 à 25% au Canada (plus cyclique à cause des ressources naturelles) qui durera environ six trimestres», prévoit M. Delisle.

Mais tant que les investisseurs n'auront pas une meilleure visibilité, une idée plus claire des bénéfices futurs des entreprises, la Bourse de Toronto restera dans un couloir entre 12 500 et 14 000 points.

«Ce sera difficile de sortir de cette zone-là», estime M. Ouimet qui ne s'attend pas à ce que le brouillard se dissipe avant 2009.