Les banques canadiennes seraient-elles victimes de leurs succès? Jugées solides, elles ont reçu moins de soutien de la part du gouvernement que leurs comparses d'un peu partout dans le monde... et s'en retrouvent aujourd'hui désavantagées. Une situation qui devrait être corrigée par Ottawa d'ici quelques jours, estiment les analystes.

Les banques canadiennes seraient-elles victimes de leurs succès? Jugées solides, elles ont reçu moins de soutien de la part du gouvernement que leurs comparses d'un peu partout dans le monde... et s'en retrouvent aujourd'hui désavantagées. Une situation qui devrait être corrigée par Ottawa d'ici quelques jours, estiment les analystes.

Question d'encourager les banques à prêter à leurs clients et à se prêter entre elles, plusieurs pays ont décidé de garantir les dépôts faits dans les banques privées et de se porter garants des nouvelles dettes qu'elles émettent (les obligations, par exemple).

L'Irlande a ouvert le bal, mais la plupart des pays européens ont emboîté le pas au cours des derniers jours. Hier, les États-Unis ont annoncé dans la foulée de leur plan de sauvetage qu'ils garantiraient aussi pour trois ans les dettes émises par les banques.

Le Canada, lui, n'a pas encore offert de garanties à ses banques. Et selon plusieurs analystes, la situation risque de se retourner contre les banques canadiennes si rien n'est fait.

«Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où toutes les banques du monde sont soutenues par leur gouvernement tandis que les banques canadiennes ne sont soutenues que par elles-mêmes», dit Robert Sedran, analyste qui suit le secteur des banques pour la Financière Banque Nationale.

La crainte des analystes est simple: voir les capitaux s'en aller vers les pays qui offrent des garanties au détriment du Canada. «Dans notre économie mondialisée, le capital est mobile», rappelle M. Sedran.

Un coup de fil chez les gestionnaires de portefeuilles suffit pour confirmer ces craintes.

«Si, dans les prochains jours, Bank of America émet une obligation qui est garantie par le gouvernement américain et que la Banque Royale fait une émission aux mêmes conditions mais qu'elle n'est pas garantie, je n'ai aucune raison d'acheter celle de la Banque Royale. Aucune», tranche l'un d'eux joint hier par La Presse Affaires.

Le résultat est facile à prévoir: pour attirer les investisseurs, les banques canadiennes devraient alors verser davantage que les autres, ce qui ferait grimper leur coût d'emprunt.

«Si les autres pays offrent des garanties à leurs banques, c'est un désavantage pour les banques canadiennes qui ne bénéficient pas de telles garanties», tranche aussi Michael Goldberg, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins.

Ottawa devrait bouger

Tout le monde s'entendait hier pour dire que les chances sont excellentes qu'Ottawa réagisse à la situation... aussitôt que la poussière électorale sera retombée. Au lendemain du sommet du G7, le ministre des Finances Jim Flaherty a d'ailleurs envoyé des signaux assez clairs à ce sujet.

« (...) Nous prendrons les mesures appropriées pour soutenir notre système financier, y compris toutes les mesures nécessaires pour éviter que le système financier canadien ne se retrouve dans une situation de désavantage concurrentiel», a-t-il affirmé. «(...) Le gouvernement fera tout en son pouvoir pour éviter que des répercussions fortuites découlant de mesures stratégiques prises à l'étranger ne puissent désavantager le marché canadien des emprunts au plan de la concurrence», a-t-il continué.

L'Association des banquiers canadiens a affirmé hier qu'elle avait «noté» les commentaires du ministre, qu'elle était «au fait» des actions entreprises par les autres pays et qu'elle «suivait les changements de près». Si le gouvernement canadien n'a pas encore garanti les dettes des banques, c'est peut-être qu'elles n'en avaient pas vraiment besoin, expliquent les analystes. Les banques canadiennes se sont en effet classées au tout premier rang mondial pour leur santé financière, selon le palmarès dressé par le Forum économique mondial.

Mais le contexte international et les lois de la concurrence pourraient forcer Ottawa à donner tout de même ces garanties.

La bonne nouvelle: selon Michael Goldberg, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, les différents pays sont très disciplinés depuis le début de la crise et sont davantage portés vers la solidarité que vers le réflexe de tirer profit de la faiblesse d'un pays pour son propre bénéfice.