La dégringolade du prix des matières premières sensibles à la conjoncture économique, notamment l'énergie et les métaux industriels, signale que la crise financière est sortie du périmètre de Wall Street ou de la City et commence à toucher l'économie réelle.

La dégringolade du prix des matières premières sensibles à la conjoncture économique, notamment l'énergie et les métaux industriels, signale que la crise financière est sortie du périmètre de Wall Street ou de la City et commence à toucher l'économie réelle.

«Bien que tous les regards soient braqués sur la crise du crédit, sur les baisses de taux et sur le sauvetage des marchés financiers, la détérioration de l'économie réelle n'a pas échappé aux courtiers des matières premières», souligne l'analyste John Reade, de la banque UBS.

Les prix du pétrole, matière première la plus emblématique de toutes, ont reculé d'environ 45% en trois mois, passant de près de 150 $ US en juillet à 81 $ US à Londres mardi.

L'or noir souffre à la fois d'être monté à un niveau de prix trop haut cet été, incitant les consommateurs à laisser leur voiture au garage, et des effets directs de la crise financière: les investisseurs ont vendu à tour de bras leurs participations dans ce marché en voyant la demande se contracter aux États-Unis et en Europe, mais aussi pour rapatrier des capitaux dans le contexte de la crise de liquidités.

Mêmes causes, mêmes effets sur le marché du London Metal Exchange où s'échangent les métaux de base (cuivre, nickel, plomb...). Là aussi la crise fait grincer les dents: ces «commodities» sont revenus à des niveaux de prix pratiqués trois ans plus tôt.

Leader de ce secteur, le cuivre qui culminait à 8940 dollars la tonne pendant l'été, a reculé mercredi à 5212 dollars, un plus bas depuis mars 2006.

Le Groupe international d'étude du cuivre (ICSG), qui tablait en début d'année sur un manque de ce métal sur le marché, a refait ses calculs jeudi en tenant compte de la crise.

«Le déficit pour la première moitié de l'année, calculé à 100 000 tonnes, devrait être compensé par un surplus de 235 000 tonnes pour la seconde moitié» de 2008 en raison du «retournement des marchés mondiaux», affirme l'institut.

Star déchue des métaux, le nickel est retombé à 12 650 dollars la tonne, son niveau de décembre 2005. Métal «de base» le plus cher jamais vendu, avec un record à 51 800 dollars en mai 2007, il a vu son prix divisé par quatre en 18 mois.

Le zinc a reculé à 1430 dollars, un plus bas depuis trois ans. Et l'aluminium a plongé à 2230 dollars, un niveau plus atteint depuis janvier 2006.

La courbe des prix des métaux de base, consommés dans l'industrie et le bâtiment, épouse généralement les cycles de croissance: leurs prix sont donc habituellement considérés comme de bons indicateurs de conjoncture.

«La faiblesse des métaux reflète la détérioration des perspectives économiques mondiales», souligne William Adams, du cabinet BaseMetals.

Ce sombre avenir a d'ailleurs été confirmé par le Fonds monétaire international (FMI), qui a nettement revu à la baisse mercredi sa prévision de la croissance mondiale, à 3%, celle des pays développés ne devant pas dépasser 0,5%.

Autres prix considérés comme des baromètres particuliers de l'économie mondiale, ceux du transport de marchandises sèches (charbon, acier, céréales...) par bateau se sont effondrés à leurs niveaux les plus bas depuis plus de deux ans.

Même les prix des matières premières alimentaires ont commencé à baisser: le départ des fonds d'investissement a fait plonger le cours du café à un niveau plus vu depuis un an.

La crise financière pourrait en outre inciter les consommateurs à changer leurs habitudes et boire du café chez eux, par économie, a averti jeudi l'Organisation internationale du café (ICO).

L'unique rescapé de ce grand jeu de massacre est l'or dont le prix a insolemment grimpé à 921 $ US mercredi, non loin de son record absolu du printemps (à 1032 $ US).

Avant d'être un métal industriel, le métal jaune est d'abord un placement financier qui profite à plein de son attrait de valeur refuge par gros temps. Même les vendeurs de lingots d'or constatent cet engouement.