Le président et chef de la direction de Domtar, qui quitte son poste à la fin de l'année, a rencontré cette semaine les journalistes de La Presse. À la veille de la nomination de son successeur, il répond à nos questions.

Le président et chef de la direction de Domtar, qui quitte son poste à la fin de l'année, a rencontré cette semaine les journalistes de La Presse. À la veille de la nomination de son successeur, il répond à nos questions.

Q L'économie du Québec est-elle capable de faire face à la crise financière actuelle?

R D'abord, du côté positif, le Québec a toujours été un endroit où il y avait beaucoup de créativité, où il y avait des entrepreneurs. Quand on arrive dans des secteurs comme le mien, celui du bois d'oeuvre -qui représente 4% de notre chiffre d'affaires- je ne suis pas sûr qu'on soit équipé pour bien réussir. Quand je regarde les conditions présentes, le coût de la fibre est le plus haut en Amérique du Nord. Il y a aussi des obligations que d'autres n'ont pas, par exemple, entretenir les chemins en forêt. Puis, il y a le retard dans des décisions. On attend encore les lettres confirmant les endroits où on va avoir des droits de coupe. Ça fait plus qu'un an qu'on attend ça. Il y a des gens qui ont toujours un intérêt (ndlr: pour le secteur du bois d'oeuvre de Domtar, qui est à vendre), mais on retarde ces gens-là en disant: ça ne donne rien de conclure des ententes tant qu'on ne saura pas exactement ce qu'on va avoir.

Q Certains voient une reprise de l'industrie du bois au Québec en 2009. Est-ce votre cas?

R Il va toujours y avoir une demande pour le bois du Québec, surtout quand on parle de résineux, le bois d'oeuvre, pour une raison bien simple: le résineux du Québec est meilleur comme bois de charpente que ce qu'on retrouve dans le sud des États-Unis. Là, il pousse plus rapidement, il est moins serré, si vous voulez. La consistance n'est pas la même. Les prix sont bas actuellement, parce qu'il n'y a pas de demande.

Q Et à quel moment voyez-vous un rebond des prix?

R Moi, je le vois dans la deuxième partie de 2009. Je ne pense pas que ce sera beaucoup avant. Il faudra voir comment le marché américain va reprendre.

Q Croyez-vous en un avenir sans papier?

R Non, moi je ne vois pas une journée où on n'aura plus de papier. Quand vous avez une discussion entre vous, commencez-vous à mettre sur votre ordinateur tout ce qui est dit ou les idées que vous avez? La première chose qu'on fait, c'est qu'on griffonne. Là, j'entends dire qu'on peut mettre 1000 livres sur l'ordinateur (...) Mais je pense fermement que le papier va survivre. Ce n'est pas tout le monde qui est accroché à son ordinateur.

Q Mais est-ce que l'industrie des papiers fins va réussir à freiner son déclin?

R Elle est en déclin en Amérique du Nord, mais elle est en progression partout, incluant l'Europe. Et je ne parle pas de l'Asie. Alors, pour nous, je pense que ça va ouvrir des opportunités une fois qu'on aura bien situé toute notre stratégie en Amérique du Nord pour examiner les choses qu'on peut faire à l'extérieur. Donc, ça, c'est la première chose qui va arriver. Dans un deuxième temps, on va regarder les possibilités, avec des usines de papier comme les nôtres, pour produire de l'électricité. On est autosuffisant à 70% en vapeur et en électricité. C'est déjà beaucoup. On pense qu'on peut améliorer ça et on va l'améliorer.

Q Donc, vous voulez vous diversifier dans la production d'électricité?

R Sans se diversifier, j'ai des usines qui produisent plus que leurs besoins et à ce moment-là, on vend l'électricité dans le réseau local (...) Ça nous permet de tirer avantage des actifs qu'on a. Actuellement, ce sont quelques millions de revenus pas année aux États-Unis.

Q Vous étiez favorable à une hausse des tarifs d'électricité. Est-ce que ça remettrait en question la compétitivité de Domtar?

R Non. Les prix de l'électricité sont beaucoup plus élevés aux États-Unis. J'avais même fait des calculs, non prouvés, mais j'avais fait des calculs et si on avait payé au Québec 75% du prix de l'électricité de l'État de New York et de la province de l'Ontario, il n'y aurait pas de dette au Québec. Même chose pour l'éducation. Je trouve que, pour avoir une éducation, il ne faut pas avoir peur de payer. Si un étudiant veut aller dans des secteurs qui sont rémunérateurs, que ce soit en administration, en droit ou en médecine, etc., il doit y avoir des coûts. Un gars qui veut aller en affaires qui dit qu'il ne veut pas s'endetter d'une cent, il n'a pas d'affaire en affaires! J'ai toujours pensé que les meilleurs venaient quand il y avait de l'émulation.

Q Quel sera l'avenir du siège social de Domtar à Mont-réal une fois que Raymond Royer sera parti, étant donné que 80% de vos activités sont aux États-Unis?

R Je ne veux pas être plate dans ma réponse, mais je ne me vois pas transférer 400 personnes aux États-Unis ou en recruter 400 autres aux États-Unis. Ça ne se fait pas comme ça. On aurait deux ans et demi ou trois ans, réellement, de problèmes. La seule chose qui pourrait arriver, c'est si, graduellement, on n'est plus capable de donner des services, qu'il y ait des départements qui partent. Mais j'espère que ça n'arrivera pas, que les gens qui sont ici seront capables d'offrir des services de sièges sociaux dont une entreprise a besoin.

Q Et entrevoyez-vous une retraite à ne rien faire pour les deux prochaines années?

R Non, je crois toujours à occuper mon esprit. Mais de quelle façon, je ne le sais pas. J'ai refusé de discuter avec qui que ce soit pour l'après-Domtar. La journée 1 de l'après-Domtar, je serai ouvert à discuter.