Selon un fol adage, lorsque vous devez 10 000 $ à une banque, vous avez un problème, mais si vous ne pouvez rembourser 10 M$, c'est la banque qui est mal prise.

Selon un fol adage, lorsque vous devez 10 000 $ à une banque, vous avez un problème, mais si vous ne pouvez rembourser 10 M$, c'est la banque qui est mal prise.

La maxime n'arrive pas à résumer ce qui se produit quand plusieurs banques ont besoin de dizaines de milliards en même temps.

Les prêteurs de dernier ressort se retrouvent alors dans de beaux draps. Voilà pourquoi les banques centrales font des pieds et des mains depuis quelques semaines pour tenter de résoudre la crise de liquidités actuelles.

L'impasse résulte d'un laxisme dans les politiques de prêts hypothécaires aux États-Unis, où le crédit a été trop facile jusqu'en début d'année. Le résultat, c'est que trop de mauvais risques ont été pris par les émetteurs, qui ont revendu ces mauvaises créances sous diverses formes de papier commercial à tout un chacun.

Ce qui devait arriver tôt ou tard a éclaté à la mi-août.

L'ensemble du système bancaire international est désormais mal en point. Mondialisation oblige, la très grande majorité des institutions financières trempent dans ce merdier à divers degrés.

Comme elles ne voient pas jusqu'à quel point les autres sont embourbées, elles ne se font plus confiance. Elles refusent de se prêter entre elles au taux interbancaire fixé par les banques centrales, comme c'est l'usage.

Elles exigent ces jours-ci un rendement beaucoup plus élevé qui paralyse leurs affaires.

Et encore ! Seulement quand elles consentent à avancer de l'argent. Plusieurs préfèrent renoncer à un rendement à court terme et garder leurs liquidités, par crainte d'en manquer à court terme.

Les liquidités ou le crédit, c'est le lubrifiant de l'économie capitaliste. Sans huile, tout moteur fige. En économie, l'assèchement prolongé des liquidités crée une récession.

Pour faire face à la situation, la boîte à outils des banques centrales se limite à deux instruments : abaisser les taux directeurs et injecter des liquidités.

Jusqu'à maintenant, elles ont choisi d'en conjuguer l'emploi, à l'exception de la Banque centrale d'Europe (BCE), toujours résolue à ne pas abaisser ses taux à cause des pressions inflationnistes que pareil geste stimule.

La Banque du Canada a par exemple ramené à 4,25 % son taux directeur et à 4,5 % le taux d'escompte, c'est-à-dire celui auquel elle prête aux institutions financières pour une journée.

Depuis la mi-novembre, la fréquence de ces prêts a augmenté. Il se passe maintenant rarement deux jours d'affilée sans que la Banque ait à prendre en pension des centaines de millions de dollars en obligations canadiennes. Elles lui sont proposées par des institutions financières en gage (nantissement) des liquidités nécessaires à l'équilibre de leurs comptes.

Avant l'éclatement de la crise, il pouvait s'écouler plusieurs semaines entre deux prises en pension. Les banques préféraient se prêter entre elles au taux directeur, moins élevé que le taux d'escompte.

La Banque s'est aussi associée le 12 décembre à la Réserve fédérale américaine, à la BCE, à la Banque d'Angleterre et à la Banque nationale suisse pour assouplir les politiques de prêts aux institutions.

Dans le cadre de cette entente, elle a depuis prêté deux milliards, à deux reprises, pour quelques semaines à un taux qui se situe entre 4,25 % et 4,5 %.

La Réserve fédérale, qui est au coeur de la tempête, a abaissé d'un point de pourcentage son taux directeur, cet automne, et de 1,5 point de pourcentage son taux d'escompte. Elle injecte aussi des milliards en liquidités presque tous les jours.

Le geste le plus spectaculaire est cependant venu de la BCE, qui a avancé en euros l'équivalent de 500 G$ la semaine dernière afin de faire tomber le taux auquel les banques acceptaient de se prêter entre elles pour une période de trois mois.

Cette action d'éclat a fait reculer le taux interbancaire, mais il reste encore bien plus élevé qu'en juillet.

Certains observateurs avertis croient qu'elle n'aura d'autre choix que d'abaisser son taux directeur, fixé à 4 %. Une baisse a pour effet d'alléger les coûts d'emprunt, tant pour les banques que pour leurs clients.

C'est l'instrument privilégié pour relancer la machine économique quand survient un ralentissement.

C'est toutefois dangereux dans un contexte où l'économie réelle tourne quand même rondement, comme c'est le cas en Europe actuellement.

D'où la réticence des autorités monétaires européennes.

Les efforts conjugués des banques centrales permettront peut-être de rétablir la confiance et le crédit dans le système financier.

Ils ne pourront cependant éviter que les acteurs aux prises avec la crise des prêts hypothécaires ne subissent de lourdes pertes au cours de l'hiver et n'entraînent l'économie américaine en récession.

Les pertes déjà déclarées s'élèvent à quelque 70 G. Certains avancent qu'il y en aurait encore pour 200 G.

L'huile permet de lubrifier un moteur, mais elle ne peut le réparer.