La crise économique fait mal à tout le monde, ou presque. Aux propriétaires américains de maison, aux banques, aux transporteurs aériens, aux PME. Et aux médias, qui voient leur principale source de revenus la publicité affectée par les difficultés des annonceurs. Les groupes médiatiques sont touchés au coeur, au Québec comme ailleurs.

La crise économique fait mal à tout le monde, ou presque. Aux propriétaires américains de maison, aux banques, aux transporteurs aériens, aux PME. Et aux médias, qui voient leur principale source de revenus la publicité affectée par les difficultés des annonceurs. Les groupes médiatiques sont touchés au coeur, au Québec comme ailleurs.

Mardi matin, dans un local animé de l'UQAM. Une quinzaine d'étudiants en journalisme s'activent, téléphone scotché à l'oreille, crayon hyper-actif. Ils suivent un atelier de presse écrite, qui sera pour plusieurs l'une des dernières étapes avant le marché du travail. Un passage excitant, du moins en théorie.

Le hic, c'est que l'industrie qui les attend, celle des médias, traverse ces jours-ci une crise aiguë. Le ralentissement économique mondial force plusieurs grands annonceurs à réduire leurs dépenses publicitaires de façon draconienne. Le pain et le beurre des groupes médiatiques se fait plus rare. Et les compressions, de plus en plus fréquentes.

«Beaucoup d'étudiants sont découragés, ils craignent de ne pas trouver de travail en sortant», dit Karine Héroux, qui achève elle-même sa formation en journalisme à l'UQAM.

CanWest Global, CTV et Rogers, trois des plus importantes entreprises médiatiques au pays, ont annoncé ces dernières semaines la suppression de plus de 700 postes d'un océan à l'autre. Radio-Canada a gelé les embauches. Transcontinental a aboli une quinzaine d'emplois avant de revenir sur sa décision. Le scénario se répète aux États-Unis, en France, en Angleterre.

Le recul des revenus des médias s'est accéléré cet automne, au même rythme où la tourmente s'emparait des marchés financiers. Selon l'analyste Randal Rudniski, de Crédit Suisse, le volume de publicité a diminué de 8% dans les quotidiens canadiens en septembre. Et «il est raisonnable de s'attendre à un brusque repli des dépenses publicitaires au quatrième trimestre» dans les journaux, stations de radio et de télé généralistes, ajoute-t-il dans un rapport.

Les consommateurs dépensent moins, par prudence ou par nécessité, ce qui fait chuter le chiffre d'affaires des entreprises comme Ford et GM. Ces compagnies réduisent en conséquence leurs placements publicitaires, grugeant du coup dans les marges de profit des groupes de presse. D'autres annonceurs en bonne santé financière repoussent leurs investissements en pub en attendant de voir où se dirige l'économie.

Nouveaux médias, journaux, même déprime

Même les «nouveaux médias» sont affectés. Le géant californien Yahoo! [[|ticker sym='YHOO'|]] a annoncé en octobre une réduction de 10% de ses effectifs à cause du déclin des revenus publicitaires en ligne.

Aucune étude ne permet encore de quantifier l'état des dépenses publicitaires au Québec depuis l'aggravation de la crise financière, en septembre. Mais une chose est claire: le dernier trimestre de 2008, amorcé le 1er octobre, s'annonce pénible.

Chez Quebecor [[|ticker sym='T.QBR.B'|]] -qui possède le réseau TVA, le Journal de Montréal, le site web Canoë, et environ 300 quotidiens, magazines et hebdos au Canada-, la vice-présidente aux affaires publiques Isabelle Dessureault reconnaît que le quatrième trimestre présentera des «challenges» particuliers.

Les revenus publicitaires des journaux de Quebecor avaient déjà reculé de 3,2% entre juillet et septembre. «On ne voit pas comment le Québec pourrait échapper à tout ça, dit Mme Dessureault. Avec Sun Media (la division journaux de Quebecor), on voit qu'au Canada anglais, il y a un recul plus fort qu'au Québec.»

Le début du quatrième trimestre a aussi été «difficile» à La Presse, souligne Jean Durocher, vice-président aux ventes et au marketing. Des annonceurs font preuve d'une prudence accrue et prennent maintenant leurs décisions à la dernière minute. «Cela étant dit, ça peut aider les quotidiens car 24 heures ou 48 heures avant (publication), tu peux décider de placer une annonce dans le journal et ça laisse assez de temps pour la produire, avance-t-il. Ça prend plus de temps pour produire un spot télé.»

La télé généraliste est justement frappée de plein fouet. La première chaîne de Radio-Canada anticipe un repli de 4 à 5% de ses recettes publicitaires d'ici la fin de son exercice financier, le 31 mars. «Ça a un impact assez sérieux pour qu'on prenne des mesures pour balancer l'année», dit Sylvain Lafrance, vice-président principal des services français de CBC/Radio-Canada.

La société d'État a notamment gelé les embauches et les dépenses discrétionnaires pour parer à cette baisse de revenus... en plus de ramener à zéro le budget des fêtes de Noël pour les employés. TVA, de son côté, a réaménagé sa grille horaire pour s'adapter au recul des revenus publicitaires. Le réseau a ainsi reporté à l'automne la diffusion de sa populaire série Lance et compte.

Le quatrième trimestre sera particulièrement pénible pour les médias présents dans l'Ouest canadien, selon l'analyste Randal Rudniski. La baisse du prix des matières premières, des maisons et des investissements dans les hydrocarbures contribuera à un recul de 7 à 10% des revenus des quotidiens urbains et de 5% des radios, prévoit-il dans son rapport.

Les revenus publicitaires des réseaux de télévision «conventionnels» devraient pour leur part reculer de 7 à 10% pendant le trimestre, ajoute l'analyste.

État d'alerte

Si les médias tentent de s'adapter -et vite- à la nouvelle réalité économique, les publicitaires sont aussi en état d'alerte. Ils sont pris en sandwich entre des annonceurs frileux et des groupes de presse dépendants de la pub pour faire des profits. Eux-mêmes sont tributaires de la vigueur de ce marché pour rester en vie.

Sylvain Morissette, président-directeur général de l'Association des agences de publicité du Québec, a constaté en première ligne le «ralentissement» de cet automne. «Le premier réflexe que l'on peut voir, déjà, c'est qu'il y a une retenue de placement publicitaire. On a décidé de surseoir des investissements ou encore de retirer des billes qu'on avait prévu placer, du côté des annonceurs.»

Certaines entreprises ont carrément décidé de recycler leurs vieilles pubs de l'an dernier pour réduire leurs coûts de production, ajoute M. Morissette.

«C'est sûr que quand on parle aux médias, ils s'attendent à avoir de grosses coupes, dit de son côté Sylvie LaSalle, présidente du Conseil des directeurs médias du Québec. Tout le monde est en état d'alerte, tout le monde est inquiet.»