L'année 2008 sera l'une des pires de l'histoire de la Bourse, avec des replis à ce jour de 41,32% (TSX) et de 40,34% (S&P500). On sait aussi que la planète est en récession, que le système financier est en crise et que les investisseurs ont le moral au parquet.

L'année 2008 sera l'une des pires de l'histoire de la Bourse, avec des replis à ce jour de 41,32% (TSX) et de 40,34% (S&P500). On sait aussi que la planète est en récession, que le système financier est en crise et que les investisseurs ont le moral au parquet.

Maintenant, il faut regarder au-delà de l'orage. Trois stratèges interrogés par La Presse s'attendent un rebond boursier en 2009. Ils se méfient des obligations gouvernementales, où les investisseurs ont couru se réfugier cette année. Et ils positionnent leur portefeuille en vue d'une éclaircie... mais gardent leur parapluie à portée de main.

«J'essaie de m'afficher en contrepoids au pessimisme extrême qu'il y a dans le marché», lance Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux.

Soyons francs, les données économiques qui vont débouler, au premier trimestre, seront les pires que les économistes auront eu à traiter depuis 25 ans. «Ça va maintenir des nuages très denses au-dessus des marchés au début de l'hiver», avoue M. Delisle.

Mais après le carnage boursier, il considère que le prix des actions reflète déjà une année douloureuse en 2009. «Dès que la détérioration économique va commencer à se résorber, la Bourse va repartir à la hausse. On l'a vu dans tous les autres épisodes baissiers», ajoute-t-il.

Conditions gagnantes

Pierre Lapointe, stratège à la Financière Banque Nationale, prévoit aussi une remontée. Plus tôt cette année, il avait identifié quatre facteurs essentiels à un rebond, qui se matérialisent graduellement.

De un, le pétrole devait redescendre à 75$US pour ne pas étrangler les consommateurs. C'est réglé! De son sommet de 147$US en juillet, le pétrole a glissé sous les 45$US!

De deux, l'immobilier aux États-Unis doit se stabiliser. Ce n'est pas encore fait. Mais les stocks de maisons à vendre diminuent. Les constructeurs déprimés mettent leurs projets sur la glace. Et les maisons deviennent plus abordables, par rapport aux revenus des ménages. Tout cela supportera les prix.

De trois, les analystes financiers doivent revenir sur terre. Tant qu'ils maintiennent des prévisions de profits déraisonnables, les investisseurs vogueront d'une déception à l'autre.

Aux États-Unis, les profits des entreprises ont flanché de 17% depuis leur sommet et ils devraient diminuer encore de 10%, estime M. Lapointe. Or, les analystes prévoient un rebond de 12% en 2009.

Au Canada, il n'y a pas encore eu d'érosion des profits. Et les analystes s'attendent à une hausse de 5% l'an prochain. Mais un recul de 25% en 2009 cadrerait davantage avec un scénario de récession, estime le stratège.

De quatre, les risques de crédit doivent s'apaiser. Sur ce front, les nouvelles sont partagées.

D'un côté, les taux d'intérêt interbancaires se sont rapprochés des taux directeurs, signe que les banques ont moins peur de se prêter entre elles. Mais les investisseurs, apeurés par l'écrasement récent de Citigroup, demeurent très méfiants vis-à-vis des sociétés. Ainsi, les taux d'intérêt sur les obligations des sociétés restent dans la stratosphère. «Ça étouffe les investissements, ça freine l'expansion économique qui pourrait suivre la récession», dit M. Lapointe.

Incertitudes politiques

Bref, le portrait est encore flou sur le plan financier... et politique. «Quelles politiques seront mises en place? Et quels seront leurs effets?» se demande Luc de la Durantaye, premier vice-président, répartition globale de l'actif, chez Gestion d'actifs CIBC.

Bien malin qui peut répondre. Devant une telle incertitude, le gestionnaire choisit de miser sur les pays qui ont le plus de flexibilité, ceux qui ont le plus d'outils pour réagir à la crise.

Par exemple, la Réserve fédérale américaine a plus de marge de manoeuvre que la Banque centrale européenne, dit-il. Sur le plan fiscal, la Chine qui affiche un surplus équivalent à 1% de son PIB, a plus de flexibilité que l'Europe et les États-Unis qui ont un énorme déficit.

«Nous favorisons l'Asie et les États-Unis, au détriment de l'Europe et, dans une moindre mesure, du Canada», indique M. de la Durantaye.

Pierre Lapointe et Vincent Delisle privilégient aussi les États-Unis. «La Bourse américaine va bien quand les banques centrales baissent leurs taux, et en début de reprise économique. C'est un classique», dit M. Delisle.

«Oui, c'était l'épicentre de la crise. Mais ils ont pris énormément de mesures pour repartir l'économie», ajoute M. Lapointe qui attend avec impatience le discours inaugural du futur président des États-Unis, le 20 janvier prochain. Les grandes initiatives politiques qu'il mettra de l'avant deviendront des thèmes porteurs pour les investisseurs, prévoit le stratège.

Comme il s'attend à ce que les projets d'infrastructure, la santé et l'énergie renouvelable soient parmi les priorités, plusieurs de ses titres préférés sont dans ces secteurs (SNC-Lavalin, Covidien et Canadian Hydro Developers).

Cap sur la reprise

Autrement, M. Lapointe recommande de surpondérer les financières. Au début d'une reprise, ce sont toujours les titres qui font le mieux, fait-il valoir. Il se méfie du secteur des matériaux, de l'énergie et, de manière générale, de la Bourse canadienne à forte concentration en ressources naturelles.

M. Delisle va dans le même sens. «Au Canada, la baisse de profits sera 40% du côté des titres de ressources, tandis que les banques limiteront le recul à 15%», précise-t-il.

Mais M. de la Durantaye est plus sceptique. Selon lui, le modèle d'affaires des banques est ébranlé. «Il y a beaucoup de sources de croissance qui vont disparaître», souligne-t-il.

Il favorise plutôt les ressources naturelles. Selon lui, le prix du pétrole se stabilisera à l'intérieur d'une fourchette de 65$US à 70$US l'an prochain, ce qui favorisera les pétrolières. Quant au secteur des matériaux, il profitera des programmes d'infrastructure des gouvernements.