En 1981, Claude Harnois a mis la main sur un petit «gas bar» de Notre-Dame-des-Prairies. Aujourd'hui, le «gas bar» du Groupe Harnois a bien changé. En plus des pompes, on y trouve désormais un dépanneur, un restaurant et un centre de services pour camionneurs.

En 1981, Claude Harnois a mis la main sur un petit «gas bar» de Notre-Dame-des-Prairies. Aujourd'hui, le «gas bar» du Groupe Harnois a bien changé. En plus des pompes, on y trouve désormais un dépanneur, un restaurant et un centre de services pour camionneurs.

Elle est bel et bien révolue, l'époque du petit «gas bar» indépendant. Même si la formule n'a pas totalement disparu de la carte, les détaillants indépendants ont réagi à la réduction des marges de détail en diversifiant les services offerts.

Selon le rapport 2006 sur les détaillants d'essence canadiens publié dans le magazine spécialisé Octane, la présence de multiples sources de revenus et de profits non liés à l'essence (dépanneur, restaurant, lave-auto, etc.) est un must, particulièrement dans les grands centres.

«Depuis 15 ans, la marge de détail a diminué, dit la directrice des communications du Groupe Harnois, Claudine Harnois. Nous sommes passés de 12 cents le litre à 5 ou 6 cents le litre. Les indépendants ont pu s'adapter, mais le type d'opération a dû être revu.»

«Les activités périphériques à la pompe s'avèrent de plus en plus nécessaires pour être capables de rentabiliser la station-service», explique Martin Scallon, directeur des communications à La Coop fédérée, copropriétaire de la bannière Sonic.

«L'ensemble de l'industrie est touché, poursuit M. Scallon. Mais les indépendants doivent d'autant plus se conformer à cela parce qu'ils n'ont pas accès aux marges de raffinage.»

Faibles marges

Selon la Régie de l'énergie, les détaillants montréalais ont vendu l'essence à un prix moyen qui dépassait de 4,7 cents le prix minimum (équivalant grosso modo au coût d'acquisition) au cours des 12 derniers mois.

La Régie considère que les coûts d'exploitation d'une essencerie équivalent à 3 cents le litre, ce qui signifierait pour les détaillants de la métropole des profits de 1,7 cent le litre.

Or, l'Association québécoise des indépendants du pétrole (AQUIP) soutient que la Régie omet certains coûts comme ceux liés au financement, et que les coûts d'exploitation sont plutôt de 4,9 cents à Montréal.

«Les marges de détail sont assez restreintes», résume la présidente de l'AQUIP, Sonia Marcotte.

Dans ces circonstances, le jumelage de services permet aux exploitants de partager les coûts.

Avec l'avènement des stations libre-service, il est possible de payer le salaire d'un employé qui s'occuperait en même temps de la caisse du poste d'essence et du dépanneur. Sans compter que plusieurs produits de dépanneur génèrent des profits élevés.

Dans une décision de 1999, la Régie de l'énergie spécifie d'ailleurs qu'elle considère qu'un «commerce au détail d'essence s'effectue de façon efficace lorsqu'un dépanneur est jumelé à un débit d'essence de type libre-service».

Même que les détaillants qui n'ont que des petits dépanneurs devraient penser à agrandir leur surface, voire à ajouter un service de restauration, selon les conclusions du rapport publié dans Octane.

Déjà, entre 2000 et 2005, la proportion d'indépendants offrant un service de restauration a plus que doublé, passant de 5 à 12%.

Les majors ont lancé le bal

Les majors que sont les Petro-Canada, Shell et Pétrolière Impériale (Esso) offrent des services de restauration dans près de 50% de leurs établissements.

Il faut dire qu'avant les indépendants, ce sont les grandes pétrolières qui ont lancé l'idée de multiplier les services offerts aux stations-service, dans les années 80.

Il s'agissait d'abord de répondre à une demande des consommateurs, qui voulaient avoir accès à plus de services au même endroit, indique le porte-parole de l'Institut canadien des produits pétroliers, Carol Montreuil. Mais il s'agissait aussi d'optimiser le rendement des locaux commerciaux.

«C'est maintenant une tendance lourde», dit M. Montreuil.

Malgré tout, des «gas bar» survivent toujours, même en milieu urbain. Mais il n'en restait que 77 dans les villes du Québec, en 2006.

Selon Carol Montreuil, la seule façon de faire fonctionner un «gas bar» est de vendre beaucoup, beaucoup d'essence. Comme les deux tiers des coûts d'exploitation d'une essencerie sont fixes, il faut avoir un gros débit d'essence pour être concurrentiel.

Il reste qu'une potentielle hausse du prix de l'essence risque de frapper tous les établissements. Car pendant que les coûts d'exploitation liés aux cartes de crédit augmenteront (ils sont liés aux montants d'achat), les consommateurs auront moins d'argent disponible pour acheter d'autres produits.