Quand la Bourse plante, la consommation ralentit, entend-on souvent. Fini les rénovations, le voyage dans le Sud ou la nouvelle paire de skis. Or, une étude approfondie nous apprend qu'au contraire, les aléas de la Bourse n'ont pas d'effet sur la consommation.

Quand la Bourse plante, la consommation ralentit, entend-on souvent. Fini les rénovations, le voyage dans le Sud ou la nouvelle paire de skis. Or, une étude approfondie nous apprend qu'au contraire, les aléas de la Bourse n'ont pas d'effet sur la consommation.

L'étude en question a été réalisée par l'économiste Lise Pichette, de la Banque du Canada. Dans la première mouture de son analyse, publiée au printemps 2004, Lise Pichette concluait que «la consommation ne réagit pas de façon significative à un accroissement permanent de la richesse boursière».

L'économiste vient de mettre à jour son étude de 2004 avec des données plus récentes. Cette mise à jour n'a pas encore été publiée dans la revue de la Banque du Canada, mais Lise Pichette nous indique avoir fait le même constat: il n'y a pas de relation significative entre les aléas boursiers et la consommation.

Les données de la plus récente étude vont de 1965 à 2007 et incorporent donc le marché baissier de 1973-1974, le krach boursier de 1987 et la déconfiture des technos de 2000. Naturellement, les hausses subséquentes sont également prises en compte.

L'économiste ne fonde pas cette surprenante conclusion sur une analyse superficielle, mais sur «un modèle vectoriel à correction d'erreurs où les chocs transitoires et permanents sont identifiés au moyen des contraintes implicites de long terme». Bref, c'est du sérieux!

Deux raisons expliquent cette absence de relation, nous dit Lise Pichette. D'abord, ce ne sont pas tous les ménages qui ont des investissements en Bourse, directement ou indirectement (fonds communs). Moins d'un tiers des Canadiens y sont exposés.

Ensuite, les familles qui ont des placements en Bourse, généralement plus fortunées, sont moins dépendantes de toute hausse ou baisse de revenus. Les 100$ de revenus qui s'ajouteraient au budget d'une famille pauvre seraient entièrement dépensés, nécessité oblige, tandis que les mêmes 100$ d'extras pour une famille riche n'iraient pas nécessairement à la consommation.

Évidemment, l'étude ne peut prédire la réaction des investisseurs à l'actuel effondrement des marchés, qui est sans précédent. Elle ne mesure pas non plus les effets, sur l'économie réelle, des symptômes qui provoquent la chute ou la hausse des cours boursiers.

Différent pour l'immobilier

L'étude de Mme Pichette tire des conclusions très différentes en ce qui a trait à l'immobilier. Lorsque les maisons prennent de la valeur, les propriétaires ont tendance à consommer davantage. «Une hausse permanente de la richesse immobilière entraîne une augmentation appréciable de la consommation», écrit Mme Pichette. L'inverse serait également vrai.

Ainsi, Mme Pichette a calculé que pour chaque hausse d'un dollar de la richesse immobilière, la consommation augmente de 5,7 cents.

Diverses raisons expliquent cette relation. D'abord, la richesse immobilière est mieux répartie parmi la population. Au Canada, les deux tiers des ménages sont propriétaires. «La richesse immobilière est moins concentrée dans les mains de ménages à hauts revenus», écrit Mme Pichette.

Ensuite, les cycles immobiliers sont beaucoup plus longs que les cycles boursiers et il y a une «plus forte probabilité que la variation moyenne de la richesse immobilière soit permanente», est-il écrit dans l'étude de 2004.

Lise Pichette suggère qu'un proprio peut avoir tendance à profiter de la hausse de la valeur de sa maison en augmentant son hypothèque ou sa marge de crédit hypothécaire. Certains pourraient aussi être incités à épargner moins pour la retraite et donc à consommer davantage.

Une autre étude de la Banque du Canada, parue l'été dernier, tire les mêmes conclusions concernant l'immobilier dans divers pays. Ainsi, pour chaque hausse d'un dollar de richesse immobilière, les Français ont tendance à augmenter leur consommation de 4 cents, les Anglais et les Australiens, de 7 cents, et les Espagnols, de 2 cents. La hausse varie entre 2 et 11 cents pour les Américains et de 12 à 20 cents pour les Japonais.

Autrement dit, la déconfiture du marché immobilier aux États-Unis aura bien davantage d'effets sur l'économie réelle que la chute de la Bourse. Bonne nouvelle pour les Canadiens: cette étude constate qu'au Canada, comme en Allemagne, le prix des logements n'est pas surévalué, contrairement au Royaume-Uni, à la France ou aux États-Unis, où la surévaluation serait respectivement de 28%, de 22% et de 11%.