Guy Laliberté jongle même avec les chiffres. Le patron du Cirque du Soleil a annoncé hier la vente du cinquième des parts de l'entreprise québécoise, dans le but de lui donner un nouvel essor... et de consolider sa fortune personnelle.

Guy Laliberté jongle même avec les chiffres. Le patron du Cirque du Soleil a annoncé hier la vente du cinquième des parts de l'entreprise québécoise, dans le but de lui donner un nouvel essor... et de consolider sa fortune personnelle.

Un partenariat plutôt qu'une cession, qui pourrait amener le Cirque «dans une autre ligue». Soulagement et même optimisme à Montréal, qui conserve emplois et siège social.

De riches investisseurs arabes possèdent désormais 20% du Cirque du Soleil, la plus grande entreprise culturelle québécoise.

D'abord ébruitée en juin dans certains médias, dont La Presse, la transaction a été confirmée hier à Montréal et à Dubaï, siège des deux nouveaux actionnaires du Cirque.

Selon ses dirigeants, cette transaction permettra surtout au Cirque d'accélérer sa croissance internationale, ce qui devrait profiter d'autant à son siège social administratif et artistique à Montréal.

«En conservant 80% du Cirque, c'est clair que je garde tout le contrôle sur l'entreprise avec mes adjoints. Il n'y aura aucun changement dans l'équipe de direction ni la gestion de l'entreprise», a indiqué Guy Laliberté, fondateur et principal actionnaire du Cirque du Soleil, lors d'une téléconférence depuis le Japon.

Son bras droit, Daniel Lamarre, président et chef de la direction, insiste lui sur l'avantage pour le Cirque d'avoir désormais comme actionnaires «deux des plus principaux investisseurs du monde en grands projets immobiliers et de divertissement».

Il s'agit de la société Nakheel et sa consoeur Istithmar Capital, deux affiliées multimilliardaires au sein de Dubaï World, une société d'investissement du riche émirat du golfe Persique qui est en en plein boom économique, immobilier et touristique.

D'ailleurs, le Cirque du Soleil est partenaire de Nakheel depuis deux ans pour l'implantation d'un chapiteau permanent à Dubaï, qui sera inauguré l'an prochain.

Aussi, le groupe Dubaï World est un associé financier du géant américain du divertissement MGM, lui-même partenaire privilégié du Cirque du Soleil depuis son implantation permanente à Las Vegas.

Dans cette foulée, les dirigeants du Cirque souhaitent répéter de tels projets de spectacles permanents dans les pôles de divertissements et de tourisme les plus dynamiques de la planète.

«Au fil de nos fréquentations avec Nakheel depuis deux ans, nous avons réalisé l'ampleur de son rayonnement international avec ses projets de grands hôtels, de casinos et de centres de divertissement», a commenté Daniel Lamarre, en entrevue avec La Presse.

«Avec ces gens de Dubaï comme actionnaires et partenaires stratégiques, le Cirque sera au premier rang pour participer à leurs projets. Ils pourront nous amener dans des pays où nous souhaitions nous implanter, mais sans en avoir les moyens antérieurement.»

Pour Guy Laliberté, l'arrivée de deux investisseurs internationaux au capital du Cirque «l'amènera dans une autre ligue, d'autant qu'ils sont très courtisés partout dans le monde».

Daniel Lamarre, lui, indique avoir déjà en vue une révision du plan d'affaires du Cirque pour les prochaines années.

«Nous prévoyons que ce partenariat rehausse d'au moins 25% le taux de croissance de nos revenus, à partir de l'an prochain. Ça veut dire aussi un potentiel de doubler la taille du Cirque d'ici cinq ans, avec l'appui de ces nouveaux actionnaires stratégiques», a indiqué M. Lamarre.

Selon le président du Cirque, l'essentiel de cette croissance reposera sur un objectif de «développement d'au moins trois nouveaux spectacles par an», dont plusieurs pour des chapiteaux permanents.

Ça devrait se traduire aussi par beaucoup de boulot additionnel pour le principal centre de développement artistique du Cirque, à Montréal.

«C'est un centre de création unique au monde, qui demeure primordial pour le Cirque», insiste Daniel Lamarre.

«Nous y avons environ 2000 des 4000 employés du Cirque. Cet effectif montréalais devra continuer de croître si nous avons plus de projets de spectacle ailleurs dans le monde.»

Pour Guy Laliberté, les appréhensions d'une «perte» pour l'économie culturelle du Québec, avec l'entrée d'actionnaires étrangers au Cirque, ne sont «aucunement justifiées».

«On ne vend pas le Cirque, loin de là. Ce que nous avons conclu, c'est un partenariat stratégique qui sera bénéfique pour l'entreprise et ses employés. Et quant le Cirque grandit à l'international, c'est aussi plus d'emplois à Montréal et plus de contribution à l'économie du Québec.»

Parmi les observateurs des affaires culturelles, on accorde une bonne note initiale à l'entrée de partenaires étrangers mais minoritaires au capital du Cirque du Soleil.

«Ce n'est que 20%, donc bien inférieur à une quelconque prise de contrôle. Et comme il s'agit d'investisseurs privés, au lieu d'actions vendues en Bourse par exemple, les dirigeants du Cirque pourront garder un bien meilleur contrôle sur l'entreprise», estime Laurent Lapierre, professeur en gestion d'entreprises culturelles à l'École des HÉC.

«Et que le Cirque obtienne plus de moyens sans compromettre sa direction, c'est bon pour lui et bon pour l'industrie culturelle à Montréal et au Québec».