C'est le secret le mieux gardé à Montréal. Où ira l'ancien patron des affaires juridiques d'Alcan, David McAusland? Pas facile de le savoir car lui-même l'ignore!

C'est le secret le mieux gardé à Montréal. Où ira l'ancien patron des affaires juridiques d'Alcan, David McAusland? Pas facile de le savoir car lui-même l'ignore!

S'il était un hockeyeur professionnel, il deviendrait le 1er juillet l'agent libre le plus en vue de la Ligue nationale de hockey. Tous les directeurs généreux cogneraient à la porte de son agent pour lui faire une offre.

Dans les tribunes téléphoniques, Ron Fournier hurlerait en ondes pour que le Canadien le couvre d'or. Et à 110%, les débatteurs seraient déjà en train de jouer aux devinettes pour savoir dans quelle équipe se retrouvera ce joueur d'impact qui fait tant rêver Bob Gainey et les partisans de la sainte Flanelle.

Mais voilà, David McAusland ne joue pas au hockey: il est avocat. Et il n'a pas besoin d'attendre la fin du mois pour savoir qu'il est en demande. Car depuis qu'il a quitté Alcan en janvier dernier, il est devenu le juriste le plus couru en ville. À peu près tous les grands cabinets nationaux rêvent de l'avoir dans leurs rangs, tout comme les contentieux des grandes entreprises.

Il faut dire qu'il a un CV gros comme ça. La semaine dernière, à Toronto, lors du Canadian General Counsel Awards - qui récompense les meilleurs conseillers juridiques d'entreprises de l'année - on lui a d'ailleurs remis un prix pour souligner l'ensemble de sa carrière, le genre d'hommage habituellement réservé à quelqu'un en fin de carrière.

À 54 ans, David McAusland n'a toutefois pas encore dit son dernier mot. «C'est vrai que j'ai réussi à faire beaucoup de choses sur le plan professionnel, mais ma carrière est loin d'être terminée», dit-il, alors qu'il reçoit le représentant de La Presse dans une salle de conférence du cabinet Ogilvy Renault, qui lui prête un bureau depuis son départ d'Alcan.

Il admet qu'il se retrouve dans une situation privilégiée, alors que plusieurs possibilités s'offrent à lui. Tous les matins, dit-il, il se pince pour vérifier qu'il ne rêve pas, tellement il se considère chanceux.

Mais ira-t-il en cabinet? Retournera-t-il à la direction d'une grande entreprise? Se lancera-t-il dans une carrière en solo? À vrai dire, pour le moment, toutes les réponses à ces questions sont bonnes. Car lui-même ignore où il ira. «Ça reste à définir», dit-il, en ajoutant que la seule chose dont il soit certain c'est que son choix sera basé sur le plaisir. Le plaisir? «Oui, celui de travailler dans un environnement stimulant et avec des gens que je respecte.»

Il est vrai que ses accomplissements sont difficiles à battre et que son prochain défi devra être aussi intéressant que ce qu'il appelle ses deux premiers chapitres professionnels, ceux qui l'ont conduit , d'abord à la direction, de 1988 à 1999, du cabinet Byers Casgrain - qui a fusionné en 2000 avec Fraser Milner pour devenir Fraser Milner Casgrain - ensuite chez Alcan, où il fut jusqu'au rachat récent par Rio Tinto le chef des affaires juridiques et le vice-président directeur, développement d'entreprise.

Une injection d'adrénaline

Chez Alcan, il est difficile d'imaginer s'injecter autant d'adrénaline que ce qu'il a pu recevoir en huit ans comme chef négociateur. Dès son arrivée, en 2000, il fut immédiatement impliqué dans la planification et la négociation de la fusion avec le suisse Algroup.

Au départ, les noces devaient se faire à trois, avec la française Pechiney, mais en raison de contraintes réglementaires, on a dû se contenter d'un mariage à deux.

C'était toutefois mal connaître David McAusland. En 2003, il revient à la charge en proposant à son conseil d'administration de faire une offre non sollicitée sur Pechiney, offre conditionnelle à l'acceptation du gouvernement français.

Durant des mois, il négocie serré avec les plus hauts fonctionnaires français et réussit son pari.

Vrai qu'il y a eu des moments intenses où tout aurait pu basculer. Comme cette fois où, se trouvant à l'aéroport Charles-de-Gaulle, prêt à s'envoler pour Montréal, il reçoit un appel sur son cellulaire lui annonçant que les Français voulaient renégocier le deal. «J'ai manqué mon vol et suis retourné à Bercy le soir même pour renégocier avec les fonctionnaires» raconte-t-il.

Pendant deux heures, il discute avec eux, ne cédant pas un pouce de terrain. En fin de compte, les Français acceptent la transaction telle qu'elle avait été négociée. «En sortant de cette réunion, j'ai dit à mon bras droit: c'était tellement le fun et intense que je ne devrais pas être payé pour faire ça.»

Après la fusion avec Pechiney, Alcan devait se départir de certaines divisions pour satisfaire le gouvernement américain. Que fait McAusland? Pendant près de 18 mois, il met sur pied un projet qui allait aboutir avec l'essaimage de ses divisions de produits laminés et la création, en 2005, de Novelis, une société cotée en Bourse avec des revenus de 6,2 milliards de dollars!

Sa plus grande contribution, il l'aura cependant conservée pour la fin, alors que l'an dernier, il a dû défendre Alcan contre l'offre hostile de sa rivale Alcoa. Avec les membres du conseil d'administration, la direction et quelques conseillers clés, il fut le maître d'oeuvre dans l'élaboration d'une stratégie qui a abouti par la trouvaille d'un chevalier blanc, Rio Tinto, transaction qui a permis aux actionnaires d'empocher une prime de 66%!

Il lui reste maintenant à écrire le troisième chapitre de sa vie professionnelle. S'il n'est pas si pressé, c'est peut-être parce qu'il est déjà extrêmement occupé. En solo, il conseille plusieurs entreprises, notamment son ex Rio Tinto, et le gouvernement fédéral, alors qu'il préside un comité d'initiative pour restructurer la GRC. Il est aussi membre de plusieurs conseils d'administration (Cogeco, Cascades, etc.). Alors que fera-t-il?

Réponse avant la fin de l'année. Ça, il en est certain.

Vous avez des commentaires? Des questions? Des nouvelles sur la communauté juridique? Courriel Pour joindre notre collaborateur: renelewandowski@droit-inc.com