Lever la paranoïa qui rend les banques craintives les unes envers les autres: selon les économistes, c'est LA priorité des pays du G7, qui se réunissent aujourd'hui à Washington pour tenter de juguler la crise financière qui secoue la planète.

Lever la paranoïa qui rend les banques craintives les unes envers les autres: selon les économistes, c'est LA priorité des pays du G7, qui se réunissent aujourd'hui à Washington pour tenter de juguler la crise financière qui secoue la planète.

Que sortira-t-il d'une telle rencontre? Habituellement, c'est un communiqué de presse bourré de belles intentions, mais avec peu de contenu, lance Francis Généreux, économiste au Mouvement Desjardins.

«Mais cette fois-ci, ça pourrait être différent, avertit-il. À cause des circonstances.»

Les circonstances, c'est d'abord la panique qui a maintenant gagné la planète entière. Le sérieux de la situation oblige à agir, et l'effet d'un échec du G7 sur des marchés déjà extrêmement volatils pourrait être catastrophique.

Mais les économistes soulignent aussi des initiatives inédites et encourageantes, comme la baisse concertée des taux directeurs lancée mercredi par plusieurs banques centrales du monde.

«On a des attentes assez grandes par rapport à ce sommet, dit aussi Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale. On peut s'attendre à ce qu'il y ait vraiment front commun pour faire face à la crise des liquidités.»

Mais de quelle façon?

Comme plusieurs économistes consultés hier par La Presse Affaires, M. Marion s'attend à ce qu'on s'attaque en priorité au financement interbancaire, pour l'instant paralysé. Les banques ont peur les unes des autres et sont réticentes à se prêter à des conditions normales.

«Le nerf de la guerre, c'est de normaliser le financement interbancaire, tranche l'économiste. C'est le défi auquel font face les autorités monétaires de tous les pays du G7.»

L'un des scénarios évoqués serait que les banques centrales s'engagent à garantir les prêts entre banques privées.

M. Marion rappelle que les gouvernements du monde ont déjà orchestré des sauvetages de plusieurs banques, mais qu'il s'agit toujours de «solutions à la pièce». «On ne peut plus y aller à la pièce, dit-il. Il faut maintenant un effort concerté des banques mondiales.»

Le Royaume-Uni s'est déjà porté garant des prêts interbancaires à court et moyen terme, et le premier ministre Gordon Brown s'active depuis à essayer de convaincre ses homologues européens de faire de même.

Hier, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a aussi fait part de ses préoccupations sur la question.

Réparer la courroie de transmission

M. Flaherty a affirmé n'avoir «absolument aucune inquiétude» sur la santé financière des banques canadiennes, mais a admis que «la détérioration des marchés du crédit dans le monde commence à limiter la capacité de nos institutions financières, même les plus fortes, à s'assurer de fonds à long terme».

«Ce qui me préoccupe, c'est la disponibilité du crédit. Le financement interbancaire est virtuellement gelé à l'échelle mondiale», a-t-il dit.

Garantir les prêts interbancaires ferait en sorte de diminuer les taux d'intérêt auxquels les banques se prêtent entre elles, les rapprochant des taux directeurs des banques centrales. Cela permettrait d'attaquer enfin le problème de la «courroie de transmission», qui empêche les actions des banques centrales de parvenir aux entreprises et aux consommateurs parce qu'elles sont court-circuitées par les banques privées.

«Cela pourrait jouer un rôle très, très important pour s'assurer qu'il y ait une transmission de la politique monétaire», estime M. Marion.

«Une étape importante», admet Jagdish Handa, professeur d'économie à l'Université McGill, qui avertit toutefois que ce ne serait pas la panacée. Selon lui, même si les banques se prêtent entre elles, elles resteront réticentes à prêter aux entreprises et aux individus qui, eux, font rouler la vraie économie. Il s'attend à un engagement «prudent» des pays du G7 à étudier la possibilité que les banques centrales garantissent directement les prêts aux entreprises.

Reste à voir si tous les intervenants parviendront à s'entendre.

«Quand on regarde les pays du G7, on voit des pays très différents, des systèmes financiers différents, des besoins différents et des politiques différentes», a admis l'hôte de la rencontre, le secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson.

Mais Stéfane Marion, de la Financière Banque Nationale, croit que tous les intervenants autour de la table partagent au fond les mêmes problèmes et que leurs intérêts ne sont pas si divergents.

Les pays du G7 –Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie et Japon– devraient être rejoints par la Russie pour le dîner de clôture; on écoutera aussi les leçons du Japon et de la Suède, qui se sont sortis d'une grave crise financière par le passé.

Le verdict de la rencontre est attendu demain à 18h45, alors que sera publié le communiqué final.

Par ailleurs, les deux leaders démocrates du Congrès américain ont demandé hier en soirée au président George W. Bush de convoquer un Sommet de crise du G8 pour tenter de trouver une réponse à la crise financière, selon un communiqué commun, de Nancy Pelosi et Harry Reid.

Ils demandent à M. Bush d'assumer le leadership que «le peuple américain et le monde» attendent des États-Unis.