La crise du crédit a pris de l'ampleur en raison d'un phénomène appelé l'effet de levier. Ce bidule financier paraît complexe à première vue, mais il peut s'expliquer simplement par ce que bien des familles ont comme principale dette, l'hypothèque.

La crise du crédit a pris de l'ampleur en raison d'un phénomène appelé l'effet de levier. Ce bidule financier paraît complexe à première vue, mais il peut s'expliquer simplement par ce que bien des familles ont comme principale dette, l'hypothèque.

Prenons l'exemple de Bob et Luce qui ont acheté une maison de 100 000$ en mettant 5000$ de comptant. Le prêt hypothécaire de 95 000$ est assuré par la SCHL.

Au moment de l'achat, l'économie roule à fond de train si bien qu'au bout de cinq ans, la maison vaut 120 000$. S'ils vendaient, Bob et Luce empocheraient grosso modo 25 000$, après le remboursement de l'hypothèque. Autrement dit, la mise de fonds de 5000$ se transformerait en un capital de 25 000$ en cinq ans.

Ce gain fantastique est possible grâce à ce qu'on appelle justement l'effet de levier. Grâce à l'endettement, il est possible de multiplier son gain en capital et de s'enrichir. Dans le cas de la maison de Bob et Luce, le ratio de levier à l'achat était de 20, soit la valeur de la maison divisée par le capital. Plus le ratio est grand, plus le risque de gain est élevé.

Transposons maintenant la situation aux institutions financières. Au Canada, les banques ont le droit d'utiliser un levier maximum qui équivaut à 20 fois leurs fonds propres. Autrement dit, comme Bob et Luce, ils peuvent détenir des actifs 20 fois plus importants que les fonds propres des actionnaires. Ailleurs dans le monde, le ratio de levier des banques peut atteindre 40 fois les fonds propres.

Quand l'économie tourne, les actifs augmentent et les profits sont fantastiques. Grâce à l'effet de levier, les présidents de banque engrangent des salaires mirobolants. C'est l'euphorie. Mais que se passe-t-il quand l'économie flanche? Quand les actifs perdent de la valeur?

Dans le cas de Bob et Luce, si la maison avait été achetée dans une mauvaise période et perdu, disons, 15 000$, elle ne vaudrait plus que 85 000$. La propriété aurait donc une valeur moindre que le prêt hypothécaire de 95 000$. Pour le couple, la meilleure décision serait alors de donner les clefs à la banque.

C'est ce qui se produit avec le système financier américain actuellement. Les institutions ont un ratio de levier qui est tel que la perte de valeur de leurs actifs les pousse au bord du gouffre. Plus leur ratio est important, plus les dégâts sont grands quand les actifs se déprécient.

Dans le cas des banques d'affaires américaines, le ratio de levier dépasse 25, a calculé le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney. Autrement dit, dès que leur dépréciation des actifs est de plus de 4%, leur situation devient problématique.

Dans les faits, quand Bob et Luce donnent les clefs à la banque, cette dernière ne perd pas d'argent. Elle cogne à la porte de la SCHL et lui demande de combler la différence, puisque la maison du couple est assurée par la SCHL.

C'est la même chose pour les banques américaines. Leurs actifs en dépréciation sont garantis par des assureurs. Le problème, c'est qu'un de ces gros assureurs américains, AIG, fait face à un si grand nombre de demandes qu'elle se trouve elle-même en difficulté. C'est comme si la SCHL était inondée de demandes.

C'est cet effet systémique qui oblige le gouvernement américain à proposer la création d'un fonds de 700 milliards pour éponger les actifs contaminés.

Washington n'en est pas à son premier sauvetage: en 1989, il a créé un méga-fonds pour racheter les prêts hypothécaires en difficulté des caisses d'épargnes Savings & Loans. Dix ans plus tard, on estimait à 123 milliards le coût du plan de sauvetage pour les contribuables américains.

Cette fois, le problème n'est pas qu'américain. Et il risque d'être pire en Europe. Par exemple, l'Allemande Deutsche Bank a un ratio de levier de 50. Son endettement de 2000 milliards d'Euro équivaut à 80% du PIB allemand! Dans le cas de l'Anglaise Barclays Bank, la dette de 1300 milliards de livres (levier de 60) correspond grosso modo au PIB de la Grande-Bretagne.

«En Europe, ce sera plus difficile. Comment vont-ils faire pour coordonner un plan qui répondent aux doléances de tous les pays?», s'interroge Vital Proulx, gestionnaire de portefeuille chez Hexavest.

Bref, le fameux effet de levier n'a pas fini de faire des dégâts.