Les consommateurs n'entendent pas à rire. Déjà deux recours collectifs concernant les cartels des prix de l'essence ont été déposés vendredi en Cour supérieure.

Les consommateurs n'entendent pas à rire. Déjà deux recours collectifs concernant les cartels des prix de l'essence ont été déposés vendredi en Cour supérieure.

Le premier recours a été lancé par un citoyen de Lac-Beauport (mais natif de Thetford Mines) et vise les sociétés pétrolières auxquelles étaient affiliés les détaillés impliqués dans les cartels de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog.

Le second, déposé par deux citoyens de Sherbrooke et de Ham-Nord, dans le Centre-du-Québec, vise en plus certains détaillants.

Dans le premier cas, le requérant demande à ce que les pétrolières paient des «dommages temporairement évalués à 7,5 millions» et «des dommages exemplaires temporairement évalués à 2,5 millions». Le second recours n'avance pas de sommes précises, l'avocat Owen Falquero étant d'avis qu'il est trop tôt pour le faire.

Les deux recours ne pourront survivre parallèlement. Me Falquero explique que selon la jurisprudence, le recours déposé le plus tôt a préséance. Mais dans d'autres dossiers, il est arrivé que les avocats s'entendent pour porter conjointement un seul recours.

Tout dépendant de la position des intimées, l'audition de la requête pourrait ne pas avoir lieu avant 15 mois, selon David Bourgoin, l'avocat qui porte le premier recours.

Complexe

En entrevue à La Presse Affaires, Me David Bourgoin admet qu'il est difficile de quantifier le nombre de personnes du groupe requérant. Ce groupe inclut en fait tous les automobilistes ayant acheté de l'essence dans les marchés concernés entre 2005 et 2007.

«Même si le groupe est très large, cela n'empêche pas qu'un recours puisse se faire, dit Me Bourgoin. Il faut le rendre efficace.»

Compte tenu qu'il «est illusoire de penser que tous les gens ont conservé leurs reçus d'essence», Me Bourgoin avance quelques idées de modalités de compensation: la création d'un fonds global duquel les consommateurs pourraient retirer un montant fixe, le paiement de sommes à des organismes de consommateurs, ou des rabais offerts par les pétrolières sur une période donnée.

«C'est bien évident que dans des recours comme celui-là, ce sont souvent des sommes symboliques qui sont versées pour chaque membre du groupe», ajoute Me Bourgoin.

Le recours collectif de Me Bourgoin vise uniquement les pétrolières, et non les détaillants impliqués dans les cartels.

«On base le recours sur le concept de l'imputabilité, explique l'avocat. Même si les pétrolières prétendent que ce ne sont pas les sièges sociaux qui ont mis en place le cartel, on considère qu'elles sont responsables, parce que cela relève de leur bannière.»

Couche-Tard

Alimentation Couche-Tard a finalement réagi aux accusations portées contre elle et deux de ses employés à la suite de l'enquête du Bureau de la concurrence. Le groupe possède 17 stations-service qui seraient impliquées dans les cartels.

«Bien que Couche-Tard prenne très au sérieux ces accusations, l'entreprise entend se défendre vigoureusement», est-il écrit dans le communiqué de l'entreprise.

«La direction de Couche-Tard ne cautionnerait en aucun temps des pratiques de travail allant à l'encontre de nos lois et de l'intérêt de notre clientèle, et pour cette raison, nous avons pleinement collaboré aux travaux des enquêteurs. «...» Il est important de préciser qu'à ce jour, ces accusations n'ont pas été prouvées.»

Par ailleurs, la consultation des énoncés conjoints des faits, déposés par la Couronne à la Cour supérieure, a permis d'en savoir un peu plus sur le fonctionnement des cartels.

On y apprend qu'Ultramar et son représentant Jacques Ouellet, qui se sont vu imposer des amendes de 1,85 million et 50 000$, n'étaient pas impliqués dans la coordination de la fixation des prix, mais que la participation d'Ultramar était critique pour le fonctionnement du cartel.

«Sans sa participation ponctuelle à l'heure prévue de l'augmentation «du prix», celle-ci avait de très grandes chances d'échouer ou d'être de courte durée», souligne la Couronne.

Selon les mêmes documents, le cartel de Victoriaville a organisé neuf augmentations de prix de 2 à 9¢ (réussies ou non) entre le 4 mars et le 23 juin 2005. Durant la même période, le cartel de Thetford Mines a planifié cinq hausses de 2 à 8¢.