Les banques leur avaient donné des noms aux allures invincibles: Armada, Ténors, Titans, MAX... Mais aujourd'hui, ces véhicules de placement sont obligés de déposer les armes.

Les banques leur avaient donné des noms aux allures invincibles: Armada, Ténors, Titans, MAX... Mais aujourd'hui, ces véhicules de placement sont obligés de déposer les armes.

Près de 200 billets à capital protégé, vendus au grand public durant les belles années, se retrouvent pieds et poings liés, à cause du plongeon des Bourses et de la baisse des taux d'intérêt.

Les billets à capital protégé permettent de profiter de la croissance des marchés boursiers, tout en ayant l'assurance de récupérer son capital de départ à l'échéance du billet, de trois à huit ans plus tard... parfois plus.

En cinq ans, ce type de placement est devenu très populaire auprès des investisseurs, surtout des retraités, qui cherchaient une solution de rechange aux obligations, pas assez payantes à leur goût.

En 2007, l'industrie canadienne des billets a atteint 22 milliards de dollars, par rapport à seulement 2 milliards en 2002, selon Investor Economics. Le nombre de billets a aussi décuplé, grimpant de 104 à 1140 durant la même période.

Mais aujourd'hui, certains billets, plus précisément ceux qui reposent sur une «structure dynamique», ont été mis K.-O. par l'extrême volatilité des marchés financiers.

Que les investisseurs se rassurent: leur capital demeure garanti. Et c'est une bonne nouvelle quand on sait que les Bourses ont perdu la moitié de leur valeur depuis leur sommet. Par contre, l'espoir de rendement s'est évanoui.

Cela signifie que même si la Bourse rebondit d'ici l'échéance des billets, les détenteurs ne profiteront pas de la remontée. Les billets ont été forcés de se retirer complètement des marchés, pour limiter les dégâts.

Ils ne sont plus exposés du tout à l'actif sous-jacent (souvent des fonds communs) dont ils devaient reproduire le rendement. Dans le jargon, on dit qu'ils sont passés en «mode garantie». Pour les détenteurs, cela équivaut à 0% de rendement... garanti.

Plus de 3 milliards gelés

Au printemps dernier, La Presse Affaires avait exposé les risques qui guettaient ces produits financiers. Déjà, plusieurs billets étaient pratiquement au tapis.

Mais une étude produite la semaine dernière par la firme de courtage TD Waterhouse, a répertorié près de 200 billets qui sont totalement désinvestis ou qui ont dû être remodelés afin d'assurer des perspectives de rendement minimales (voir tableau).

«Au total, les billets qui sont désinvestis renferment environ trois à quatre milliards d'actifs», évalue Ryan Lewenza, analyste principal chez TD Watehouse, en se fondant sur les données disponibles à la fin de 2007.

Et ce n'est pas fini. M. Lewenza s'attend à ce que d'autres billets tombent bientôt en «mode garantie», puisque la dégringolade boursière s'est intensifiée depuis la publication de son étude (environ -15% de baisse).

Pour l'instant, voici le portrait

À la Banque de Montréal, huit versions du Portefeuille de revenu QuasiRetraite Dynamique sont totalement désinvesties. Quelque 70 autres séries de billets auraient connu le même sort. Mais la Banque de Montréal a décidé, en octobre dernier, de modifier leur structure pour assurer une exposition minimale (5 à 40% selon le billet) au rendement de l'actif sous-jacent. Grosso modo, une exposition de 40% implique que l'investisseur recevra 4% de rendement si le rendement de l'actif sous-jacent est de 10%.

«De son propre chef, la Banque a décidé d'assurer une participation minimale, pour que les investisseurs puissent profiter d'un éventuel rebond», a indiqué Duncan Marks, directeur des produits financiers à la Banque de Montréal.

«Personne n'aurait pu prévoir le genre de marché que nous avons eu, a-t-il avoué. Quand nous avons vu ce qui se passait, nous avons pris l'initiative d'ajouter cette caractéristique, sans coût pour les clients.»

Aussi, les nouveaux billets émis par la Banque de Montréal, comportent tous un niveau minimal d'exposition aux marchés. En d'autres termes, ils ne seront jamais entièrement désinvestis.

De son côté, la Banque Royale compte 52 billets K.-O. La Royale n'a pas voulu faire de commentaires, préférant rester muette à l'approche de l'annonce de ses résultats trimestriels.

Le nombre de billets K.-O. atteint 31 à la Banque CIBC, à 15 à la Banque Scotia et à 11 à la Banque Nationale. Quant à la TD, qui a produit la compilation, elle n'accuse qu'un seul billet désinvesti.

Choix difficile pour les détenteurs

Quelles sont les possibilités qui s'offrent aux détenteurs de ces billets? En gros, ils ont deux choix.

De un, ils peuvent attendre l'échéance. Comme prévu, ils récupéreront alors leur capital de départ. Cette solution plaira davantage aux investisseurs qui nourrissent peu d'espoir pour la Bourse, qui possèdent des billets dont l'échéance est assez rapprochée et dont la valeur a beaucoup fondu.

De deux, les détenteurs peuvent se débarrasser immédiatement de leur billet, puisqu'il existe un marché secondaire qui leur permet de vendre en tout temps. Mais évidemment, la garantie ne s'appliquera pas. Ils encaisseront la perte. Mais ils pourront ensuite réinvestir leur argent dans un placement bien vivant. Si la Bourse rebondit, peut-être effaceront-ils leur perte, peut-être dégageront-ils même un rendement, qui sait?

Certaines firmes ont décidé de donner plus de latitude aux investisseurs qui veulent se départir de leurs billets.

Par exemple, la firme montréalaise Blumont qui compte neuf séries de billets en «mode garantie», n'exigera pas de frais (1 à 3%) de sortie à ceux qui veulent les vendre à perte. Plutôt que d'attendre jusqu'en 2014 ou 2016 pour récupérer les 10$ payés à l'émission, ils peuvent vendre tout de suite à 8$ ou 9$ (selon l'émission). «À ce jour, il n'y a pas eu de retraits en vrac. Les gens réfléchissent», constate Pierre Novak, directeur principal.

La Banque Royale a aussi réduit ses pénalités de sortie pour de certains de ces billets en «mode garantie».

D'autre part, Desjardins compte aussi deux produits de placement en voie de liquidation: Placement garanti Gestion active et Placement garanti Perspective Plus. Mais ce ne sont pas des billets à capital garanti. «Ce sont des produits non rachetables. En principe, les investisseurs doivent les conserver jusqu'à l'échéance et leur capital sera entièrement garanti», a expliqué le porte-parole André Chapleau.