C'était tout un exploit. Le Centre-du-Québec a réussi à créer des emplois manufacturiers de 2001 à 2007 alors que le secteur ratatinait dans le reste du pays. Depuis le début de 2008, la tendance s'est toutefois inversée dans le triangle Drummondville-Bécancour-Victoriaville, le coeur de l'entrepreneurship manufacturier du Québec.

C'était tout un exploit. Le Centre-du-Québec a réussi à créer des emplois manufacturiers de 2001 à 2007 alors que le secteur ratatinait dans le reste du pays. Depuis le début de 2008, la tendance s'est toutefois inversée dans le triangle Drummondville-Bécancour-Victoriaville, le coeur de l'entrepreneurship manufacturier du Québec.

Sur la pelouse gelée de Soprema à Drummondville, des affiches indiquent aux passants que l'entreprise embauche.

D'ailleurs, partout en ville, on nous a cité le nom de cette filiale d'une multinationale française établie dans le Centre-du-Québec depuis 30 ans comme un exemple de celles qui savent traverser la crise avec brio. Imaginez un peu: ses 200 employés de Drummondville ont même participé à la construction du stade de Pékin, le fameux Nid d'oiseau, avec l'installation d'une membrane permettant de garder au sec les stationnements souterrains. Et pour confirmer ce succès qui fait la fierté de la région, Soprema vient d'acheter un nouvel édifice où loger ses activités de recherche.

Sauf que voilà: dans ses bureaux en ce froid mercredi après-midi, le directeur général Richard Voyer n'a pas trop le coeur à la fête. Il a passé la matinée à regarder les budgets pour 2009, à tenter de trouver des façons d'assurer le maximum de rentabilité à la filiale canadienne. «Est-ce qu'on continue sur une croissance ou on baisse de 30%?» se demande à voie haute M. Voyer.

La réflexion, explique-t-il, porte sur la question suivante: «Est-ce qu'on oublie le volume de vente et on essaie d'être le plus profitable possible?»

Après 30 ans de «progression constante» à Drummondville, 2008 a été rock&roll pour le fabricant de mousses isolantes et autres membranes pour les toitures et les ponts. Malgré une bonne année dans le secteur canadien de la construction, la profitabilité a été difficile à atteindre. «Il y a du volume, mais les marges sont en déconfiture.»

Pire, Soprema achète une bonne partie de ses composantes en dollars américains. Ces dernières années, quand notre huard prenait de la valeur, c'était un plus. Pas cette année. «Une baisse de 20% du huard, ça te rentre dedans comme un train... Pour le moment, ça va encore bien, précise-t-il quand même. Mais c'est une situation qui est super fragile.»

À quelques pas de là, le propriétaire de Fenêtres contemporaines, Maurice Bahl, ne parle pas de fragilité. Mais il la vit lui aussi. «Depuis cette semaine, il n'y a plus d'entrée de commandes.»

Résultat: la moitié de ses 30 employés seront renvoyés chez eux la semaine prochaine, un mois plus tôt que d'habitude. Et pour la reprise, qui a normalement lieu au printemps, «j'ai l'impression que le printemps va être long. Ça va peut-être aller à juin ou juillet avant qu'on reparte».

Et comme l'économie, ça se passe aussi entre les deux oreilles, cette morosité crée un effet domino. «J'ai des investissements à faire, mais je ne les fais pas. Mes achats, je les retarde.»

Cette année a été difficile pour le secteur manufacturier dans le Centre-du-Québec, cette région en face de Trois-Rivières, qui englobe les villes de Bécancour, Drummondville et Victoriaville. Le secteur de la fabrication - qui avait réussi à créer des emplois dans le Centre-du-Québec malgré la crise manufacturière - en a finalement perdu 7200 depuis le début de l'année. Sur une population de 115 000 travailleurs, c'est beaucoup, surtout qu'un emploi sur cinq ici est dans le secteur manufacturier.

«Le secteur ne va pas s'effondrer, souligne, rassurant, l'économiste Louis Gagnon, de Desjardins, qui produit des portraits des régions québécoises. La région est déjà embarquée dans la vague de la deuxième et de la troisième transformations.»

À la Société de développement économique de Drummondville (SDED), le directeur général note que les entrepreneurs d'ici comme d'ailleurs auraient apprécié un minimum de stabilité sur les marchés. «La volatilité est très importante, note Martin Dupont. Puis il y a une baisse du chiffre d'affaires. Une baisse des profits dans certains cas.» Mais il ajoute tout de suite: «Il y en a d'autres qui font de l'argent comme de l'eau.»

Lui-même n'est pas peu fier de son bilan: «Quand est entré en fonction il y a 20 ans, il y avait 284 entreprises industrielles dans la ville. À la fin de 2007, il y en avait plus de deux fois plus, soit 689, qui meublent le tissu industriel de la ville.»

Cette diversification, selon lui, explique en grande partie le succès de Drummondville ces dernières années. Des fermetures d'entreprises, «il va y en avoir d'autres, concède-t-il. Mais il y en a qui sont remplacées. Une entreprise, ça meurt comme un humain».