Déclenchée sur fond de crise financière, la campagne électorale québécoise accorde une grande place à l'économie. Comme les partis politiques ont décidé d'en faire leur principal enjeu électoral, La Presse Affaires leur pose cette semaine cinq grandes questions économiques. Aujourd'hui : faut-il diminuer le fardeau fiscal des Québécois?

Déclenchée sur fond de crise financière, la campagne électorale québécoise accorde une grande place à l'économie. Comme les partis politiques ont décidé d'en faire leur principal enjeu électoral, La Presse Affaires leur pose cette semaine cinq grandes questions économiques. Aujourd'hui : faut-il diminuer le fardeau fiscal des Québécois?

Les Québécois payent trop d'impôts, disent les économistes. Mais ce n'est pas le plus grave: le fardeau fiscal québécois est mal réparti.

Entre de nouvelles baisses d'impôt et une réforme du régime fiscal, les économistes consultés par La Presse Affaires optent sans hésiter pour la deuxième option.

Selon le Mouvement Desjardins, le fisc québécois devrait s'inspirer du modèle européen: diminuer l'impôt sur le revenu tout en augmentant les taxes à la consommation (au Québec, la TVQ). «Au lieu d'imposer le revenu, il faut davantage imposer la consommation, dit Yves St-Maurice, économiste en chef adjoint du Mouvement Desjardins. Les taxes à la consommation sont aussi plus progressistes car les riches dépensent davantage.»

Une réforme du régime fiscal n'est toutefois pas une priorité pour les trois principaux partis politiques au Québec. Le PLQ refuse même d'aborder le sujet. «Je ne répondrai pas à une question hypothétique comme celle-là», dit le ministre libéral Sam Hamad.

Le PQ et l'ADQ sont plus ouverts à une réforme du régime fiscal québécois. «Il faut regarder (cette question)», dit le député péquiste François Legault. L'ADQ va plus loin en proposant une commission parlementaire sur la question durant la première année d'un gouvernement Dumont. «Il faut penser à une réforme globale de la fiscalité, dit le député adéquiste Gilles Taillon. Je ne sais pas quel est le meilleur outil de taxation, mais il faut faire en sorte qu'on aie une meilleure justice fiscale.»

Aussi délicate soit-elle sur le plan politique, deux phénomènes économiques rendront la réforme fiscale tentante - voire inévitable - au cours des prochaines années: la pénurie de la main-d'oeuvre et la retraite des baby-boomers, qui ont épargné toute leur vie en vue de la retraite.

La source prépondérante de revenus dans notre régime fiscal, l'impôt sur le revenu, taxe à la fois la consommation et l'épargne. Les taxes à la consommation, elles, se concentrent seulement sur la consommation. «Pour le moment, nous taxons le revenu, qui taxe la consommation et l'épargne, alors que nous devrions détaxer l'épargne. Au cours des dernières années, les baby-boomers prendront leur retraite et n'épargneront plus. Il faudra remplacer cette épargne par celle des plus jeunes, qui sont moins nombreux», dit Pierre Fortin, professeur d'économie à l'UQAM.

«Taxer le travail, c'est inciter les gens à travailler moins, ce qui n'est jamais bon dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre», ajoute l'économiste Yves St-Maurice, du Mouvement Desjardins.

Mais ce n'est pas tout, préviennent les économistes. À long terme, les politiciens québécois devront aussi mieux répartir le fardeau fiscal entre les entreprises et les particuliers. Traduction: de nouvelles baisses d'impôt pour les entreprises. «Les gens croient que ce sont les riches qui en profiteraient, mais ce n'est pas vrai, dit Pierre Fortin. Ce n'est pas un débat gauche-droite. La Suède est à gauche et elle taxe moins ses entreprises que le Québec. L'idée, c'est de stimuler l'investissement chez nous et de créer de la richesse. Les capitaux sont comme les bancs de poissons: ils sont mobiles et se déplacent ensemble.»

Pierre Fortin suggère d'aligner le taux d'imposition des entreprises au Québec sur celui de l'Irlande. Les entreprises irlandaises paient 12,5% d'impôt - rien à voir avec le taux combiné de 22,4% actuellement en vigueur au Québec.

La suggestion de Pierre Fortin - ancien conseiller économique de René Lévesque qui a aussi éclairé la lanterne du ministre fédéral des Finances Marc Lalonde dans les années 80 - a trouvé écho au Parti québécois, la seule formation politique qui propose une nouvelle diminution de l'impôt des entreprises.

Le PQ détaillera son annonce plus tard durant la campagne. «C'est important de réduire les impôts sur les bénéfices, d'éliminer la taxe sur le capital et de revoir les taxes sur la masse salariale, dit le député François Legault. Il nous faut un environnement d'affaires plus accueillant. L'Irlande est un beau modèle pour attirer les entreprises. Quand on regarde les résultats au cours des dernières années, le Québec n'a pas obtenu sa juste part.»

Peu importe l'issue du vote, les entreprises verront leur fardeau fiscal diminuer après le 8 décembre. Le PLQ, l'ADQ et le PQ ont tous promis d'abolir de la taxe sur le capital.

Les particuliers auront aussi leur part du gâteau. Les péquistes proposent un chèque exceptionnel de 200$ aux prestataires du crédit d'impôt de TVQ. Les libéraux misent sur l'indexation des tables d'imposition et une hausse du salaire minimum. Les adéquistes préfèrent une exemption fiscale pour la première tranche de 5000$ retirée d'un REER ou d'un régime de retraite et une hausse du seuil d'admissibilité au crédit d'impôt foncier pour les locataires.

Bref, il y en a pour tous les goûts, mais pas de nouvelles baisses d'impôt généralisées. «Les Québécois ne peuvent se permettre d'autres baisses d'impôt, car ils ont un trop grand appétit pour les services publics gratuits», dit Pierre Fortin.