La récession des années 80, André Ménard s'en souvient. À l'époque, le cofondateur du Festival de jazz de Montréal avait organisé une série de spectacles baptisée «Rock Against Recession».

La récession des années 80, André Ménard s'en souvient. À l'époque, le cofondateur du Festival de jazz de Montréal avait organisé une série de spectacles baptisée «Rock Against Recession».

«C'était en collaboration avec CHOM FM; on vendait les billets 1,97$ ou 2,97$ (un clin d'oeil à CHOM qui diffuse sur la fréquence 97,7)», se rappelle le VP du Festival de jazz.

«Chaque fois, on est condamné à se gratter la tête pour trouver quelque chose», dit-il.

Pour l'instant, celui qui est aussi directeur général du Métropolis affirme que la crise financière n'a pas encore affecté la vente de billets de spectacles. Mais avec les marchés qui plongent et les économistes qui commencent à prononcer le mot «récession», il ne reste pas les bras croisés.

«La tête, on se la gratte déjà, ne vous en faites pas. La vie est un combat», lance-t-il.

La réaction de M. Ménard semble partagée par plusieurs acteurs de la scène culturelle québécoise. Pour l'instant, les impacts de la crise financière ne semblent pas encore se faire sentir. Au Théâtre Espace Go, par exemple, on vient d'ajouter huit supplémentaires à la première pièce de la saison, Oh les beaux jours. Mais on ne se fait pas d'illusions: ça pourrait changer.

«Si les gens ont peur par rapport à la Bourse ou à leurs placements, ils dépensent moins en restos ou en sorties au théâtre. C'est inévitablement ce qui arrive chaque fois», dit Luc Chauvette, directeur des communications et du marketing.

Même son de cloche au Théâtre du Nouveau-Monde, où la nouvelle saison débute avec un nombre record d'abonnés.

«On ne le ressent pas du tout, dit Annie Gascon, directrice des communications, en parlant du ralentissement économique. Mais ça ne veut pas dire que ça ne va pas arriver. Quand il y a une crise économique, la culture est souvent l'une des premières touchées.»

Dans les théâtres comme à l'OSM, les cartes d'abonnement se sont surtout vendues au printemps, alors que les cieux étaient moins menaçants. «Notre saison actuelle est donc sécurisée», dit Céline Marcotte, directrice générale du Théâtre du Rideau Vert, qui croit cependant que la recherche de commanditaires deviendra plus difficile si le contexte économique se détériore.

«Ce n'est jamais facile, peu importe le contexte. Mais si les entreprises se mettent à couper, les budgets de commandites sont souvent les premiers à écoper.»

Pas d'immunité

Aux États-Unis, la vague frappe. Hier, le site ticketnews.com annonçait que les ventes de billets avaient chuté de 26% au cours du dernier week-end sur Broadway, une baisse qualifiée de «dramatique» et expliquée par «l'anxiété économique».

En période de récession, l'industrie du cinéma représente l'exception. Ceux qui cherchent à épargner choisissent souvent de troquer un spectacle ou un match sportif contre un billet de cinéma, moins dispendieux. Et comme le besoin de divertissement est encore plus fort en période de morosité, le cinéma s'en trouverait avantagé.

Sauf que l'agence Reuters rapportait hier que Paramount Pictures sabrera ses coûts de 50 millions US et ne sortira que 20 films en 2009, contre 25 en 2008.

«Nous ne croyons pas que l'industrie du divertissement soit immunisée contre les récessions, et nous sommes conscients que le climat économique actuel est très volatil», a expliqué Brad Grey, grand patron de Paramount.

Ces déclarations ne font pas peur à Cineplex Divertissement, de Toronto.

«Historiquement, quand l'économie fléchit, notre industrie continue d'être très forte. Et notre entreprise a toujours maintenu un rythme plus rapide que l'industrie américaine», a dit à La Presse Affaires Pat Marshall, vice-présidente aux communications.

La bonne nouvelle pour les consommateurs, c'est qu'ils ne perdront peut-être pas sur tous les fronts. «Ça pourrait amener aussi une correction aux prix des billets, qui ont augmenté de façon presque exponentielle au cours des dernières années, avance André Ménard, du Festival de Jazz et du Métropolis. Il va peut-être falloir calmer la bête de ce côté-là.»