Ce qu'on craignait est en train de se produire. À voir les premières estimations, la crise du papier commercial entraînera des pertes de plusieurs milliards de dollars pour les institutions financières canadiennes.

Ce qu'on craignait est en train de se produire. À voir les premières estimations, la crise du papier commercial entraînera des pertes de plusieurs milliards de dollars pour les institutions financières canadiennes.

Mercredi, l'Industrielle Alliance a dévalué son papier commercial adossé à des actifs (PCAA) de 15%, soit de 15,6 millions de dollars. Cette dévaluation suit celle de la société Canaccord, qui estime ses pertes éventuelles à 10%.

Ces taux de dévaluation avoisinent ceux qu'auraient obtenus la Caisse de dépôt et la Banque Nationale pour leurs PCAA non bancaires, selon nos informations.

La Caisse et la Banque ont formé une équipe commune pour estimer la valeur de leurs actifs. Ce comité est dirigé par Christian Pestre, stratège en chef de la Caisse, et Ricardo Pascoe, coprésident du Groupe Financière Banque Nationale. Le comité a conclu à une dévaluation probable de près de 15%, selon les chiffres qui circulent.

Au total, le papier commercial non bancaire qui fait l'objet d'un gel de transactions au Canada est évalué à quelque 34 milliards de dollars. Un taux de dévaluation de 10 à 15% signifierait des pertes de 3,5 à 5 milliards de dollars.

L'estimation des pertes demeure toutefois un casse-tête pour les entreprises, puisqu'elles n'ont pas de repère. Il n'y a aucun marché qui pourrait leur donner une idée de la juste valeur marchande du papier depuis que les principaux porteurs ont imposé un moratoire sur les transactions jusqu'au 14 décembre.

Jeudi, un quotidien montréalais affirmait que le Mouvement Desjardins avait près de 2 milliards de dollars de PCAA non bancaire dans ses livres. L'institution devra inscrire une provision de 200 à 300 millions, soit de 10 à 15% du total.

Le porte-parole de Desjardins, André Chapleau, n'a pas voulu nier ou confirmer ces chiffres. L'institution a par contre transmis une note interne aux caisses pour les rassurer. «Le Mouvement demeure en excellente situation financière et devrait afficher de solides résultats pour l'année en cours», est-il notamment écrit.

L'institution soutient que le niveau des ristournes cette année «demeurera élevé et comparable à celui des dernières années«, sans nier catégoriquement que la crise puisse avoir un effet sur les ristournes.

Les résultats de Desjardins seront connus le 15 novembre, moment où l'organisation fera toute la lumière sur cette question.

De son côté, la Banque Nationale publiera ses résultats le 29 novembre. L'institution a quelque 2 milliards de dollars de PCAA non bancaire depuis qu'elle a racheté les titres de certains clients (particuliers et PME).

Le porte-parole, Denis Dubé, n'a pas voulu commenter la dévaluation de 10 à 15% qui circule depuis les travaux du comité Pascoe-Pestre. En outre, il nie qu'il y ait un gel d'embauche. Toutefois, M. Dubé n'est pas en mesure de dire si la crise des PCAA mènera à des licenciements ou non.

Rappelons que la Caisse de dépôt détient 13,6 milliards de dollars de PCAA non bancaire, selon nos informations que la Caisse n'a ni confirmées ni niées. Une dévaluation de 10 à 15% entraînerait une perte de 1,4 à 2 milliards de dollars.

L'Industrielle Alliance est la première organisation au Québec à avancer un taux de dévaluation. L'institution détient 104 millions de dollars de PCAA non bancaire répartis dans 17 des 23 conduits. Elle a notamment 3,5 millions de dollars dans Apsley Trust, le conduit le plus affecté par la crise des hypothèques américaines à taux élevé (subprimes).

Le porte-parole de l'institution, Jacques Carrière, indique que sur la dévaluation de 15%, le tiers (5%) est attribuable aux problèmes de liquidités de ces PCAA. Ce 5% pourrait s'apparenter au coût d'emprunt des fonds qu'un porteur pourrait devoir payer sur le marché pour obtenir les liquidités manquantes, explique-t-il.

Le reste (10%) est associé «à la détérioration possible de la qualité des actifs sous-jacents et aux frais afférents au processus de restructuration».

Les entreprises ne peuvent se défiler. Selon l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA), elles doivent estimer la dévaluation même si l'information est très limitée. En outre, le fait qu'elles conservent ou non leurs titres à long terme ne change pas l'évaluation.

Rappelons que le comité Crawford a promis d'exposer la valeur des actifs qui adossent le papier commercial le 14 décembre.