En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

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Cet automne 2008 est bien cruel pour les gestionnaires de portefeuille et les investisseurs individuels. C'est aussi le début d'une période d'incertitude pour tous les dirigeants d'entreprises qui savent bien que la crise financière va contaminer l'économie réelle et que la récession qui vient (ou qui est déjà là) risque d'être longue.

Ils vont devoir composer avec un climat d'affaires détestable sans que personne ne puisse prédire pour combien de temps le marasme actuel va durer.

Plus que jamais leur contexte va être influencé par des décisions majeures de politique économique et financière, non seulement au Canada, mais aussi et surtout aux États Unis. La piètre performance des acteurs de la politique monétaire et économique au sud de la frontière ces dernières années n'est pas très encourageante.

Les entreprises en tout cas feraient une erreur de croire que des taux d'intérêt très bas écourteront la crise. L'observation de ce qui s'est passé la décennie précédente peut dans ce contexte être très utile.

Trois crises des années 90

La dernière décennie du XXe siècle a été le théâtre de très nombreuses crises dont les plus marquantes (et les plus utiles pour mieux comprendre la situation actuelle) ont été les difficultés majeures de Long Term Capital Management, la crise asiatique et la crise japonaise.

Ces différentes crises, toutes différentes les unes des autres, ont été l'occasion pour les autorités monétaires dans les pays concernés, mais aussi dans le monde entier, de mieux comprendre les causes des crises financières, de tester toute une série de mesures pour contrer ces épisodes d'instabilité et surtout d'essayer de diminuer le risque de contagion à l'ensemble du secteur financier et de contamination au secteur réel.

Les autorités financières nationales et internationales à l'aube du XXIe siècle ont pu croire que leurs efforts avaient été récompensés, puisque cette période de turbulence a été suivie de 10 années sans problèmes majeurs. Pour certains, c'est donc revisiter des territoires déjà explorés que d'analyser la situation actuelle; mais la présente crise a ceci de particulier qu'elle emprunte simultanément des éléments aux grandes crises des années 90.

Alerte sérieuse

La crise de Long Term Capital Management (LTCM) a été une alerte sérieuse sur les dangers de certaines pratiques des Hedge Funds et sur les dangers associés aux abus de l'effet de levier. Cependant, cette crise a été endiguée très rapidement, les grandes banques de la place de New York ont contribué au renflouement partiel de LTCM sous la conduite de la Réserve fédérale de New York qui, à cette occasion, n'a pas touché à sa politique de taux d'intérêt. Cette opération de sauvetage réussie, sans contagion au secteur bancaire et sans contamination du secteur réel a peut être contribué à endormir la vigilance des autorités de surveillance.

La crise asiatique a été une crise majeure elle aussi, avec beaucoup d'effets de contagion. Elle s'est accompagnée d'une contamination du secteur réel. Cependant, elle a été vite oubliée car la récession a été très courte et la reprise vigoureuse. Outre les points communs avec la crise actuelle sur le comportement des banques sur le marché interbancaire, il faut aussi retenir que les autorités financières des pays concernés n'ont pas choisi de faire descendre trop bas leurs taux d'intérêt, car elles devaient soutenir leurs taux de change sur les marchés.

La crise japonaise a été une crise «en vase clos» limitée au Japon, mais avec de profonds effets de contagion dans le secteur financier et des effets de contamination réciproque du secteur financier et du secteur réel. On sait que face à la crise, les autorités monétaires japonaises pour sauver les banques submergées par des masses de prêts non performants ont choisi de mettre en place et de maintenir pendant des années une politique de taux d'intérêt quasi nuls.

Un cadeau empoisonné

On connaît les ravages de cette crise au Japon qui a duré près de 10 ans: effondrement de la valeur des actifs, difficultés majeures des compagnies d'assurance et des fonds de pension, croissance économique inexistante, augmentation de l'épargne de précaution et réduction de la consommation. Les autorités japonaises qui espéraient relancer l'activité économique avec des taux proches de zéro ont dû au contraire se battre pendant de très nombreuses années contre le risque de déflation qui se serait accompagnée d'une contraction de l'économie.

On fait présentement des rapprochements un peu hasardeux entre la crise de 29 et la crise actuelle. Il serait beaucoup plus sage de regarder de plus près la crise japonaise.

La politique aventureuse d'Alan Greenspan et le maintien pendant des années de taux d'intérêt (nominaux et réels) beaucoup trop bas portent une bonne part de responsabilité dans la crise actuelle.

Les entreprises qui espèrent une récession courte et qui comptent sur la reprise rapide de la consommation devraient se méfier du cadeau empoisonné que représenteraient des taux trop bas.

Quant aux gouverneurs des Banques centrales, ils feraient bien de se rappeler que la politique monétaire n'a plus beaucoup d'efficacité lorsque les taux d'intérêt sont anémiques.

L'auteur est professeur titulaire et directeur des activités internationales à HEC Montréal. www.hec.ca/profs/francois.leroux.html