Le Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence préconise que les secteurs des télécoms et du transport aérien s'ouvrent tout grand à l'investissement étranger. D'autres secteurs sont aussi dans sa ligne de mire.

Le Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence préconise que les secteurs des télécoms et du transport aérien s'ouvrent tout grand à l'investissement étranger. D'autres secteurs sont aussi dans sa ligne de mire.

Dans son rapport Foncer pour gagner qu'il présentera aujourd'hui à Ottawa après un an de travail, le groupe recommande que le Canada s'ouvre davantage à la concurrence mondiale pour être plus concurrentiel.

Dans un texte envoyé aux quotidiens du pays, le président du groupe, Lynton Wilson, indique que «la concurrence est la clé».

«Il faut faire face aux concurrents étrangers sur notre propre marché et être ouvert aux idées, aux investissements et aux talents qui proviennent de l'étranger. Il faut faire du Canada une destination de choix pour l'activité économique des investisseurs étrangers et des Canadiens.»

Le Groupe d'étude a été mis sur pied le 12 juillet 2007, le jour même où Alcan passait aux mains de l'australienne Rio Tinto.

Malgré les inquiétudes soulevées par cette vente et celles d'Inco, Falconbridge et autres Compagnie de la Baie d'Hudson, le Groupe d'étude a clairement privilégié la voie de l'ouverture plutôt que la voie des restrictions.

Les deux enjeux les plus sensibles et les plus susceptibles d'engendrer des restrictions aux investissements sont les acquisitions menées par les fonds souverains (associés à des États) et les transactions affectant la sécurité nationale.

Or, le ministre de l'Industrie, Jim Prentice, a déjà pris en charge ces deux aspects. Le premier a fait l'objet d'un énoncé de principes en décembre dernier. Le second est toujours entre les mains du ministre, qui l'a évoqué lors du rejet de la vente de la division aérospatiale de l'entreprise MDA à des intérêts américains.

Dans ces circonstances, les chances de voir le groupe d'étude recommander de rendre plus contraignantes les règles d'investissement étranger étaient plutôt minces.

Au contraire, le groupe propose d'étendre la libéralisation des règles au transport aérien et aux télécommunications, entre autres.

«C'est le modèle néolibéral qui ressortait déjà de leur document de consultation», note Thierry Dorval, associé chez Ogilvy Renault, spécialisé en droit des affaires.

«Ce serait très audacieux, dit Louis Hébert, professeur à HEC-Montréal. Je ne vois pas quels seraient les avantages d'une libéralisation plus poussée sur le plan des investissements étrangers, surtout avec la montée des fonds souverains.»

«Dans ce contexte, ça m'étonnerait que le gouvernement veuille libéraliser encore plus la propriété étrangère», ajoute le professeur, plutôt un partisan du statu quo en ce qui concerne l'investissement étranger.

Entre ouverture et protection

Les politiques en matière de concurrence, investissement, et compétitivité qu'a observées le groupe d'étude n'ont pas été révisées depuis plus de 20 ans.

«Le jeu a pas mal évolué depuis ce temps, explique Louis Hébert. On a des tensions à gérer entre l'ouverture d'un côté, et les acquisitions étrangères de l'autre. C'est un réflexe viscéral de vouloir protéger nos joyaux.»

Mais ne s'en remettre qu'au réflexe peut être néfaste, ajoute M. Hébert. «Quand les entreprises se sentent protégées, il y a un danger qu'elles deviennent moins concurrentielles.»

Lors d'un entretien avec La Presse Affaires la semaine dernière, le vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Simon Prévost, disait qu'il ne fallait pas se laisser tenter par un trop grand contrôle sur les investissements étrangers.

«La libre entreprise tient à coeur à nos membres, car on veut permettre la réciproque», souligne M. Prévost. Une entreprise d'ici doit pouvoir investir ailleurs sans trop de restrictions du pays d'accueil.

Avant d'être achetée par Rio Tinto, Alcan n'avait-elle pas acquis Alusuisse et la française Pechiney?

Rodrigue Tremblay, professeur émérite en économie à l'Université de Montréal, croit néanmoins qu'il faut des règles bien plus strictes dans les transactions impliquant les fleurons de l'économie canadienne. «Le Canada est la risée mondiale présentement, déplore M. Tremblay. Ce groupe d'étude arrive un peu en retard. Plusieurs entreprises névralgiques sont parties, mais il reste encore les ressources naturelles à protéger.»

Quand La Presse Affaires lui a fait connaître les orientations générales du rapport, hier, M. Tremblay n'a pas été satisfait. «On savait tous que le comité avait été paqueté d'une telle façon qu'il ne pouvait que conclure aux bienfaits de la politique de laisser-faire des conservateurs de Stephen Harper», a-t-il affirmé.

Les chiffres divergent

Doit-on s'inquiéter des prises de contrôle d'entreprises canadiennes ? Tout dépend des chiffres qu'on consulte.

Au premier trimestre de 2008, les entreprises canadiennes ont pris part à 92 transactions impliquant l'acquisition d'une entreprise étrangère (pour une valeur totale de 9,2 milliards), selon la firme spécialisée Crosbie. À l'inverse, les entreprises étrangères ont acquis 29 entreprises canadiennes, pour une valeur de 6,3 milliards. Crosbie écrit que le ratio de 2 pour 1 en faveur des acquisitions par des entreprises canadiennes correspond à une tendance historique.

Par contre, le cabinet SECOR Conseil a présenté en janvier dernier des conclusions opposées. Selon SECOR, le Canada vend plus qu'il n'achète, et le déficit canadien dans le marché du contrôle des sociétés était de plus de 24 milliards entre 2005 et 2007.