En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

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Dans l'industrie de la télévision, on semble croire que la seule mesure qui détermine l'échec ou le succès d'une émission, c'est la cote d'écoute.

Lorsqu'on s'y attarde, non seulement on constate qu'il existe plusieurs autres mesures possibles, mais il devient évident que toute comparaison entre le succès et l'échec d'une émission ou d'une série doit être analysée avec soin.

La cote d'écoute est, en effet, une mesure populaire, fiable et acceptée par l'industrie. Mais que veut-elle dire comme mesure absolue? Considérons l'exemple de deux émissions qui ont eu chacune un million d'auditeurs.

Comment pouvons-nous comparer ces valeurs absolues sans tenir compte des éléments suivants: le genre, l'heure de diffusion, la chaîne, la concurrence, l'ampleur de la promotion, l'étendue de la diffusion, à la limite le temps qu'il faisait?

Cette mesure pour les chaînes peut créer beaucoup d'anxiété, car les tarifs commerciaux sont basés sur la prédiction de cette mesure. Il faut que les publicitaires tiennent compte de l'ensemble de ces variables, mais de plus, qu'en est-il du zapping, de la possibilité d'accélérer les pauses commerciales ou de l'enregistrement de l'émission pour visionnement ultérieur?

De plus, les émissions sont souvent diffusées plus d'une fois, ou même, chez les plus jeunes, sont visionnées lorsqu'elles sortent en DVD.

Pour les diffuseurs, les revenus commerciaux générés par une émission sont aussi un indice de succès. Cette industrie est très compétitive quant à la disponibilité de ceux-ci. La tarte publicitaire est limitée et compte de plus en plus de concurrents, dont les nouveaux médias.

Ces revenus permettent aux chaînes privées généralistes, par exemple, de payer les émissions produites, les frais d'exploitatin de l'entreprise et les dividendes aux actionnaires.

Le succès commercial est lié au coût de l'émission. Une émission américaine, diffusée en heure de grande écoute, mais qui ne coûte presque rien, est sûrement plus intéressante pour un diffuseur qu'une émission produite localement avec des budgets importants mais dont le rendement sur investissement serait beaucoup moindre ou même négatif.

Les ventes à l'étranger

Pour les producteurs, les ventes d'émissions à l'étranger peuvent être un indice de succès intéressant.

La prolifération internationale des chaînes de télévision a créé une demande de contenu très forte. Une émission faite au Québec, à petit budget, diffusée sur une certaine chaîne, dans une case horaire quelconque, peut par la suite se vendre sur un grand nombre de territoires et rentabiliser l'opération de façon très intéressante pour l'entreprise.

Tous les diffuseurs internationaux n'ont pas le même poids et ne paient pas les mêmes licences pour les droits. Vendre à la France ou à l'Angleterre pourrait être beaucoup plus rentable que vendre à 20 pays très secondaires qui n'ont pas les budgets pour payer ces émissions de façon intéressante.

L'inverse peut s'avérer par contre rentable à cause de l'effet du volume.

Les prix et hommages sont un autre indice de succès, même s'ils n'ont pas tout à fait la même importance que dans l'industrie du cinéma. Les Oscars ou la Rose d'or de Cannes peuvent avoir une très grande influence autant sur les recettes futures d'un film que sur son évaluation par les critiques.

Dans l'industrie de la télévision, le Québec a ses Gémeaux et les USA ont leurs Emmys. On trouve un succès d'estime. Certaines séries, qui avaient été abandonnées par les diffuseurs, ont été reprises à la suite de ces prix. Hill Street Blues, aux USA, en est un exemple.

Le renouvellement d'une série ou du producteur peut être une autre mesure de succès, même si les cotes d'écoute ou les revenus commerciaux ne sont pas au rendez-vous.

La réputation de l'équipe peut être suffisante. Ce que l'on peut aussi constater, c'est qu'une série peut ne pas être renouvelée, mais le producteur le sera pour une nouvelle série. Pensons aux séries de Réjean Tremblay.

Les objectifs et les agendas des parties prenantes sont variés et nombreux. Pour les diffuseurs privés du Canada anglais, qui sont tenus par le CRTC de diffuser des émissions canadiennes, les cotes d'écoute et les revenus commerciaux peuvent être secondaires.

Satisfaire le régulateur peut s'avérer beaucoup plus important. Ces diffuseurs sont souvent beaucoup plus intéressés par les revenus que peuvent générer la diffusion simultanée d'émissions américaines.

Par contre, un diffuseur public préoccupé par un mandat culturel aurait une perception très différente du succès d'une de ces émissions canadiennes.

Les mesures sont multiples. Il s'agit de bien comprendre et de déterminer quels sont les objectifs de départ et, par la suite, de pouvoir analyser si ces objectifs sont atteints.

Johanne Brunet, cga, MBA, Ph.D, est membre associée de la Chaire de gestion des arts Carmelle-et-Rémi-Marcoux: www.hec.ca/profs/johanne.brunet.html