Encadrer davantage la publicité est aussi inutile qu'injustifié, estiment les concessionnaires d'automobiles et les agences publicitaires.

Encadrer davantage la publicité est aussi inutile qu'injustifié, estiment les concessionnaires d'automobiles et les agences publicitaires.

Étonnés de la décision du gouvernement Charest de leur imposer un nouveau code de conduite, ils répliquent que des normes canadiennes régissent déjà la publicité automobile.

«Je ne pense pas que des règles supplémentaires soient nécessaires», a affirmé Sandrine Leroy, directrice des communications à la Corporation des concessionnaires d'automobiles de Montréal.

Le PDG de l'Association des agences de publicité du Québec, Sylvain Morissette, juge que «les normes actuelles répondent déjà en grande partie aux appréhensions du gouvernement».

Lundi, la ministre des Transports, Julie Boulet, a amendé son projet de loi sur la sécurité routière afin d'interdire les publicités qui valorisent la vitesse ou la conduite dangereuse.

La Société de l'assurance automobile du Québec aura le mandat d'établir des «lignes directrices» avec les constructeurs d'automobiles et les agences publicitaires. Elle sera chargée de veiller à leur respect.

Cette sortie de Julie Boulet a pris au dépourvu concessionnaires et publicitaires puisque la ministre ne les a pas consultés avant de déposer son amendement.

À l'heure actuelle, le Code canadien des normes de la publicité prévoit que les messages ne doivent pas «témoigner d'indifférence à l'égard de la sécurité du public» et encourager «des gestes imprudents ou dangereux».

Plus tôt cette année, le Bureau des normes canadiennes de la publicité a publié un avis visant le secteur de l'automobile.

«La représentation de la performance du véhicule» ne doit pas «donner l'impression qu'il est acceptable d'excéder les limites de vitesse permises», souligne-t-il.

«La représentation de la conduite d'un véhicule» ne doit pas comporter ou encourager des «gestes dangereux».

Lorsqu'une plainte est déposée auprès de cet organisme, un conseil regroupant des publicitaires, des annonceurs et des groupes de consommateurs l'étudie. Il demande le retrait de la publicité si la plainte s'avère fondée.

«Les annonceurs et les agences tiennent à cette formule d'autoréglementation», a souligné Sylvain Morissette. Selon lui, «on retrouve beaucoup moins de publicités qui valorisent la vitesse».

La publicité automobile est pourtant devenue le deuxième motif de plainte l'an dernier. Le bureau des normes canadiennes en a reçu une centaine à ce sujet. «Je pense que c'est dû à un éveil de la population envers la publicité», estime M. Morissette.

Les concessionnaires d'automobiles jugent aussi que le système actuel fonctionne bien. «Il y a aussi des rencontres entre la SAAQ et les constructeurs qui ont porté fruits dans le passé puisque des publicités ont été enlevées», a souligné Sandrine Leroy.

Selon elle, aucune étude n'a démontré un lien entre la publicité automobile et les accidents causés par la vitesse.

Dans son rapport rendu public l'été dernier, la Table québécoise de la sécurité routière indique que «l'impact de la publicité automobile sur le comportement des conducteurs est difficile à quantifier».

Mais les messages valorisant la vitesse sont «susceptibles d'influencer le comportement des conducteurs, surtout chez les jeunes».

Sandrine Leroy plaide que les constructeurs ne sont pas responsables du comportement adopté par les conducteurs. «Il y a une responsabilité individuelle avant tout.»

Le directeur de création à l'agence publicitaire Bos, Hugo Léger, est renversé par la décision du gouvernement.

«Ça s'ajoute au fardeau de l'industrie qui est déjà très encadrée. Les publicitaires sont entourés de chiens de garde avec les normes canadiennes et les groupes de pression. On n'a pas besoin de plus de censure, on la pratique déjà très bien nous-mêmes», a-t-il lancé.

M. Léger trouve que le gouvernement «cherche des coupables» de la vitesse excessive sur les routes et vise la publicité car elle a «le dos large».

«On est en train d'infantiliser complètement notre société. On va éliminer les annonces de restauration rapide parce que ça cause l'obésité, les publicités de détergent parce que ça provoque les algues bleues... Le consommateur est assez intelligent pour faire la part des choses.»

Hugo Léger est l'un des concepteurs des messages publicitaires de Honda qui mettent en vedette l'humoriste Martin Matte. Ces messages portent le plus souvent sur l'économie d'essence et la sécurité routière. «C'est la preuve qu'on est responsables», a-t-il dit.