Joseph Stiglitz, économiste titulaire d'un prix Nobel, soutient que l'économie américaine risque de tomber en récession à cause du «gâchis» laissé par Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine.

Joseph Stiglitz, économiste titulaire d'un prix Nobel, soutient que l'économie américaine risque de tomber en récession à cause du «gâchis» laissé par Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine.

«Je suis très pessimiste», a dit M. Stiglitz, jeudi, au cours d'une entrevue à Londres.

«Alan Greenspan a laissé tout un gâchis, a-t-il précisé. Il a fait sortir trop de liquidités au mauvais moment. Il a donné son appui aux réductions d'impôts en 2001, ce qui a été le début de ces problèmes. Il a encouragé les gens à obtenir des hypothèques à taux variables.»

M. Stiglitz estime à 50% les risques de récession aux États-Unis. Il croit que la croissance économique ralentira certainement à moins de la moitié de son potentiel de 3%.

Un bond des coûts du crédit à l'échelle mondiale à la suite de l'effondrement du marché des prêts hypothécaires à risque restreint l'accès à du financement chez les consommateurs américains.

Des récessions

Au cours des 18 années de M. Greenspan à la tête de la Fed, les États-Unis n'ont subi que deux récessions, les deux de moins d'un an, et ils ont connu le plus long essor économique de l'histoire des États-Unis.

Mais l'effondrement du marché immobilier a mis en lumière les records d'endettement qui ont contribué à alimenter la croissance économique.

À la suite de la récession de 2001, la Fed a abaissé son taux directeur à 1%, le plus bas depuis quatre décennies.

Cette décision, de même qu'une approche non interventionniste au chapitre de la réglementation, ont valu des critiques à M. Greenspan au moment où l'éclatement de la bulle immobilière et la crise des prêts hypothécaires à risque menacent de faire sombrer l'économie.

«Il a fait un boulot exceptionnel», soutient pour sa part Kevin Gaynor, responsable de la stratégie de Royal Bank of Scotland Group, à Londres.

«Vous devez combattre le feu devant vous et non pas celui qui surviendra sept ans plus tard, ajoute-t-il. Même aujourd'hui, malgré la crise des prêts hypothécaires à risque, l'économie américaine reste formidable.»

M. Greenspan a prédit le 7 novembre dernier «une probabilité de moins de 50% d'une récession aux États-Unis», réitérant des remarques faites à la fin d'octobre.

Le prix des maisons dans la plus importante économie mondiale n'ont pas encore atteint le plancher, a-t-il dit.

«Il y a 60% de risque de récession au premier ou au deuxième trimestre de l'an prochain, estime de son côté M. Gaynor. Ce risque augmente au moment où de nouvelles données apparaissent.»

Les emprunts

M. Stiglitz a démissionné de son poste d'économiste en chef de la Banque mondiale en 2000. Il travaille maintenant à titre d'auteur et de professeur d'économie à l'Université Columbia, à New York.

Il estime que les consommateurs américains ont emprunté jusqu'à 950 milliards $ US l'an dernier sur la valeur de leur maison pour financer leurs dépenses.

«La récréation est terminée, a dit M. Stiglitz. Le prix des maisons baisse et les gens ne pourront pas obtenir plus d'argent. Il faut envisager un ralentissement considérable. Les répercussions seront un ralentissement très marqué, peut-être une récession.»

Il impute aussi une partie du blâme au président George W. Bush, qui a abaissé les impôts en 2001, augmenté le déficit budgétaire du gouvernement et permis le déclin de l'appui politique aux transactions selon les forces libres du marché.