Le nouveau gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, entre en scène ce matin au moment où l'économie s'essouffle et où les tensions financières s'amplifient. Mais qui est-il?

Le nouveau gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, entre en scène ce matin au moment où l'économie s'essouffle et où les tensions financières s'amplifient. Mais qui est-il?

À 42 ans, Mark Carney paraît bien jeune pour succéder à David Dodge et peu expérimenté pour prendre les commandes de la politique monétaire, en pleine tourmente.

«Il est peu connu parmi les économistes, mais c'est un type brillant qui bosse fort, confie Don Drummond, vice-président et économiste en chef à la Banque TD, qui a eu quelques échanges de visu avec lui. C'est un homme direct, qui s'en tient au vif du sujet et qui n'hésite pas à recourir à la persuasion morale.»

On raconte ainsi qu'il a exercé des pressions en coulisse auprès des divers intervenants pris dans l'écheveau du papier commercial adossé à des actifs, l'automne dernier.

Depuis le 1er novembre, il agissait à titre de conseiller de M. Dodge.

Détenteur d'un doctorat en économie de l'Université d'Oxford et d'un baccalauréat de Harvard, M. Carney a surtout travaillé pour la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, mais jamais aux États-Unis.

En fait, il connaît mieux les rouages de l'économie mondiale. À titre de sous-ministre délégué principal des Finances, il a représenté le Canada au G7, au G20 et au Forum sur la stabilité financière, un lieu où M. Dodge a aussi joué un rôle actif.

Découplage

«Sa connaissance aiguë des marchés financiers, de la titrisation et de la négociation en fait un atout formidable, surtout au moment où les instruments financiers sont devenus si complexes et ont tellement d'impact à l'échelle planétaire», croit pour sa part Sherry Cooper, économiste en chef chez BMO marchés des capitaux.

Les radiations d'actifs liées à la crise des produits financiers structurés s'élèvent déjà à plus de 100 milliards.

Plusieurs experts sont d'avis que le gros reste à venir. Cela fragilise non seulement l'économie américaine mais aussi l'ensemble du système financier mondial.

«On a sûrement favorisé ses contacts, croit François Dupuis, vice-président et économiste en chef chez Desjardins. On veut des gens qui connaissent à la fois l'économie et les marchés financiers. Son premier défi sera quand même de composer avec les problèmes de l'économie américaine.»

Mercredi, on a appris que l'économie américaine avait ralenti plus vite que prévu au quatrième trimestre.

Jeudi, on a su hors de tout de doute que l'économie canadienne n'est pas immunisée. Le produit intérieur brut réel a crû de 0,1% en novembre, mais le chiffre de Statistique Canada est trompeur.

L'agence fédérale arrondit à une décimale. La mesure exacte de l'expansion de l'économie est en fait de 0,054%. En octobre, la croissance avait atteint 0,2%, une allure trois fois plus vive.

La production de biens a reculé pour la cinquième fois en six mois, mais l'expansion généralisée du secteur des services aura sauvé la mise.

«Ces chiffres montrent clairement qu'il n'y a aucun découplage entre les États-Unis et le Canada», fait ressortir Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

L'institution montréalaise croit néanmoins que l'économie canadienne pourra échapper à la récession cette année, ce qui est moins clair pour nos voisins.

La Réserve fédérale a choisi d'ouvrir grandes les vannes du crédit en abaissant de 125 centièmes son taux cible, en janvier. À 3%, il se situe à un point de pourcentage de moins que celui de la Banque du Canada.

«Compte tenu des gestes énergiques de la Fed, du huard près de la parité et des perspectives de croissance plus faibles, la Banque du Canada va réduire son taux de 50 centièmes et le 4 mars et le 22 avril», prédit Ted Carmichael, économiste principal chez JP Morgan Canada.

Cela signifie que M. Carney devra rompre avec les allégements prudents de son prédécesseur.

«Tous les gouverneurs ont dû relever des défis particuliers en prenant les commandes, rappelle François Dupuis. À moyen terme cependant, M. Carney devra s'attaquer à un problème de fond.»

«Les gouverneurs commencent à être à la merci de la puissance des marchés financiers devenus plus gros que l'économie réelle, poursuit M. Dupuis. Les ajustements deviennent de plus en plus violents.»

Bonne chance, M. Carney!