La politique innovatrice de Cascades (T.CAS) en matière de ressources humaines et de relations avec l'environnement naturel portent leurs fruits, confie Alain Lemaire, président et chef de la direction de l'entreprise.

La politique innovatrice de Cascades [[|ticker sym='T.CAS'|]] en matière de ressources humaines et de relations avec l'environnement naturel portent leurs fruits, confie Alain Lemaire, président et chef de la direction de l'entreprise.

Cascades a redressé beaucoup d'entreprises, en disant notamment aux employés qu'ils devenaient des «Cascadeurs». Quel est la recette des frères Lemaire?

De rester près des employés, ne pas croire que tout va se régler par une gestion éloignée, avec un siège social installé dans une grande tour. Nous avons toujours géré l'entreprise de manière décentralisée, comme des entrepreneurs dans l'usine.

Nous laissons aussi les gens décider, c'est une source importante de motivation pour eux. Ils nous aident aussi à avoir le flair pour les bonnes décisions, qu'on ne trouve pas toujours dans des livres.

L'entreprise est née à Kingsey Falls. Est-ce que les valeurs viennent à la fois de la famille et d'un terroir?

Notre mère nous a transmis la connaissance et le respect de l'argent; notre père était toujours optimiste, capable de faire beaucoup avec peu. On ne gaspillait rien chez nous parce qu'on n'en avait pas les moyens.

Quand mon frère Bernard a acheté la première usine, il s'est investi jour et nuit en travaillant avec les gens, il s'est sali les mains. C'est resté dans l'esprit de l'entreprise qui a une reconnaissance pour les gens qui se dévouent.

La responsabilité des dirigeants est différente, mais nous ne sommes pas plus intelligents que nos employés. Au contraire! On est peut-être plus vulnérables.

Comment se fait-il que vous ayez réussi à introduire cette valeur d'entraide en affaires, alors que d'autres compagnies, du même terroir, y réussissent moins?

C'est qu'il ne faut pas seulement parler du travail en équipe, il faut le faire. Et puis Kingsey Falls a cru en nous. Dans ses usines, le nombre de personnes pour produire est moins nombreux qu'ailleurs parce que les gens croient à la responsabilisation.

Dans les 20 premières années de l'entreprise, on connaissait tous les employés par leur prénom, on connaissait leur famille. L'entreprise a grandi. On ne peut vivre avec la nostalgie des débuts mais avec mes frères, on s'est souvent demandé comment conserver cet esprit-là.

Comment fait-on pour conserver une approche humaine dans une entreprise qui travaille à l'échelle de la planète?

On s'est aperçu que nos valeurs ne se transmettaient pas si facilement de bouche à oreilles, même si l'on prêchait par l'exemple. À un moment, nous avons dû créer des groupes.

On a eu des porte-parole, qui sont devenus nos présidents. On a choisi des «Cascadeurs», des gens qui ont le sang vert, l'ADN des frères Lemaire qu'on essaye de transmettre pour assurer une certaine continuité.

On fait beaucoup de formation pour que les jeunes générations participent à l'évolution de l'entreprise. Trop d'entreprises aujourd'hui se vendent ou ferment parce que les gestionnaires ne les ont pas conçues pour les gens qui y travaillent.

L'an dernier et cette année, le contexte économique a été si dur qu'on a été obligés de fermer des usines. C'était une première en 40 ans. Auparavant, même si une entreprise n'était pas rentable, on la supportait parce qu'on croyait qu'elle pouvait redevenir rentable en quelques années.

Beaucoup de gestionnaires disent que fermer une usine ou mettre des gens au chômage, c'est la chose la plus difficile à faire...

Si les autres le disent, imaginez ce que nous avons ressenti! Hélas, il n'y a pas 56 manières d'annoncer à quelqu'un qu'il va perdre son emploi.

Les gens avaient déjà entendu parler des difficultés; on a essayé ensemble des alternatives; et face à l'échéance finale, on essaie de relocaliser ceux qui peuvent l'être, de faire des programmes de réinsertion.

Vous avez diminué de 11,5% vos émissions de GES en 2006. En utilisant plus de 70% de produits recyclés, Cascades épargne aussi 30 millions d'arbres par an. L'environnement est un choix essentiel pour l'entreprise?

Notre centre de recherche compte 50 personnes. On cherche des processus pour recycler davantage. On a par exemple développé des contenants qui n'utilisent pas de doubles emballages, comme dans les boîtes de céréales.

L'écologie est bien vue aujourd'hui, et nous en bénéficions parce que cela nous permet de mettre en valeur nos produits. Mais il n'a pas toujours été facile de vendre l'idée du recyclage: il y a 10 ans à peine, nos représentants n'osaient pas trop dire que nous utilisions des fibres recyclées!