Q:D'où vous vient cette passion pour l'esprit coopératif ?

Q:D'où vous vient cette passion pour l'esprit coopératif ?

R:De ma famille d'abord. J'ai appris qu'il fallait que chacun mette du sien pour qu'une famille fonctionne. Je crois que c'est la même chose en société ou dans une entreprise : si on pouvait multiplier ces petites cellules d'entraide, de solidarité, nous ferions de grands bonds en avant.

Et puis évidemment, j'ai été influencé par mon mentor, Alphonse Desjardins. À son époque, il se demandait comment remédier à la pauvreté qui l'entourait. Au lieu de prendre la rue ou de revendiquer, il s'est dit qu'en créant des petites cellules de coopération, cela aiderait les gens. Ça a donné le mouvement Desjardins !

Q:Le mentorat vous tient beaucoup à coeur...

R:Oui, parce qu'il est porteur de valeurs semblables à celles de l'esprit coopératif. Le mentor est un peu comme un frère ou un père qui a accumulé beaucoup d'expérience et qui répond à la demande d'un plus jeune, un peu comme un ami solide. Ça n'a rien à voir avec un consultant qui envoie une facture pour ses services. Si le projet réussit, le mentor sera aussi heureux que celui qui a intégré ses conseils !

Le mentor est aussi celui qui peut vous ouvrir vers les autres. Le problème des jeunes entrepreneurs n'est pas tant d'avoir une trop petite entreprise que d'être isolés.

Q:Dans vos livres, La voie citoyenne, Inquiétudes et espoir, vous tracez aussi des parallèles entre l'esprit coopératif et la démocratie...

R:L'un et l'autre brisent l'isolement. Dans les deux, il y a la reconnaissance que les autres sont mes égaux. À partir de cette conviction-là, on peut recevoir ou offrir son aide. On peut bâtir sur ces valeurs humaines fondamentales que sont la liberté, l'égalité, le respect de l'autre.

Q:Liberté, égalité, fraternité... Au trio classique, vous ajoutez aussi la solidarité !

R:Dans ma vie, j'ai vu bien des démocrates ne pas accepter que leur opinion ne soit pas majoritaire : ils se retiraient quand cela ne faisait pas leur affaire ! La solidarité, cela veut dire faire des choses en commun en décidant ensemble. Ça n'empêche pas le débat, au contraire ! Si on n'est pas totalement heureux de la décision prise en commun, on le sera peut-être plus la prochaine fois, mais on reste solidaire.

Q:Face aux ratés de la mondialisation, beaucoup parlent de la démocratie sociale comme LA vision d'avenir. Qu'en pensez-vous ?

R:Je suis d'accord. Il est urgent de sortir de la pensée unique qui s'est développée depuis l'accélération de la mondialisation. Mais après 30 ans, les gens réalisent que le partage des richesses qui devait surgir de l'ouverture des frontières ne s'est pas produit. Il redevient donc urgent de réfléchir sur une meilleure façon de vivre ensemble, sans retomber dans l'idéologie de l'État providence. C'est pourquoi les projets de coopératives ou d'économie sociale émergent.

Q:D'où votre insistance que la démocratie ne peut pas être que parlementaire ?

R:Quand on dit que la démocratie parlementaire suffit et que, pour gérer l'économie, ce sont les règles du libéralisme qui s'appliquent, il y a une incohérence. La démocratie, c'est d'abord un projet de société par lequel les gens reconnaissent qu'ils sont égaux.

Il faut introduire davantage de démocratie dans les affaires. Les gens veulent reprendre un peu de pouvoir sur leur milieu. Dans les entreprises d'économie sociale, les gens ne se sentent pas impuissants pour réagir devant des échelles salariales où le patron gagne 800 fois plus que les employés, comme cela se voit actuellement !

Ce qui nous manque le plus aujourd'hui, c'est d'aller au-delà des façons habituelles de penser. On ne naît pas démocrate. Il faut une réelle éducation à la démocratie et pas seulement de l'enseignement.