Domtar, Alcan, BCE, le coprésident d'Ogilvy Renault a été de toutes les grandes transactions cette année. Portrait de cet avocat hors norme, qui trouve aussi le temps de coprésider la campagne de Centraide

Domtar, Alcan, BCE, le coprésident d'Ogilvy Renault a été de toutes les grandes transactions cette année. Portrait de cet avocat hors norme, qui trouve aussi le temps de coprésider la campagne de Centraide

Tous les matins, en arrivant au boulot, l'avocat d'affaires Norman Steinberg s'installe dans son bureau avec son adjointe pour consulter son agenda.

Ensemble, ils planifient les rendez-vous de la journée et établissent les priorités des semaines et des mois à venir. Ce rituel dure depuis des années, car, comme le dit le coprésident d'Ogilvy Renault, il a toujours été un «maniaque» de la gestion du temps.

Mais cette année, Norman Steinberg l'avoue d'emblée, il a dû effectuer de nombreuses mises à jour à son emploi du temps.

«Heureusement que mon BlackBerry me suit partout 24 heures sur 24!» dit-il.

À Montréal, ces derniers mois, il est vrai, peu d'avocats ont été aussi occupés que ce juriste de 57 ans, spécialiste en fusions et acquisitions.

L'an dernier, il a d'abord dirigé une équipe d'avocats d'Ogilvy Renault pour le compte de Domtar, lors de la fusion de la société papetière avec l'américaine Weyerhaeuser.

Ce printemps, il a agi comme conseiller juridique principal, cette fois pour Alcan, d'abord pour contrer l'offre d'achat hostile d'Alcoa, ensuite pour établir une nouvelle stratégie, qui a abouti par l'acquisition de l'aluminerie par Rio Tinto.

C'est aussi à lui et à une équipe d'Ogilvy Renault que le fonds privé américain Cerberus Capital a confié le mandat juridique de préparer une proposition pour acquérir BCE, qui a toutefois cédé à l'offre de Teachers.

Sans compter son rôle dans l'acquisition de Bell Alliant par le Groupe Pages Jaunes et la privatisation des Hôtels Four Seasons.

S'il n'y avait que ça, Norman Steinberg pourrait souffler un peu. Mais non. Depuis 2005, il copréside le cabinet à l'échelle canadienne, avec Yves Fortier.

Et il vient tout juste d'accepter la coprésidence de la campagne Centraide, avec le PDG d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, avec qui il visite des organismes communautaires et sollicite les dons.

C'est bien simple, «Norman est partout!» dit, amusé, Brian Mulroney. L'ancien premier ministre du Canada ne tarit pas d'éloges envers son collègue d'Ogilvy Renault, qu'il qualifie de rassembleur, de joueur d'équipe et surtout de «rainmaker» exceptionnel, c'est-à-dire capable de rapporter au cabinet de gros mandats d'importants clients.

Ses clients, d'ailleurs, l'apprécient au plus haut point. Pas seulement pour ses connaissances juridiques, ça, bien des avocats les maîtrisent. S'ils le paient grassement (la rémunération chez Ogilvy Renault est confidentielle, mais certains avocats à Montréal facturent jusqu'à 900$ l'heure), c'est aussi pour son jugement d'affaires.

«Norman est capable de prendre du recul et d'arriver avec des solutions créatives», dit David McAusland, vice-président-directeur et chef des affaires juridiques chez Alcan.

Devant des situations complexes, dit-il, il est facile de se perdre dans les détails et de tomber dans le piège des pertes de temps inutiles. «Pas avec Norman, il est pragmatique.»

Gilles Pharand, vice-président et chef du contentieux de Domtar, est du même avis.

«Il a un très bon sens des affaires, ce qui est primordial car les entreprises ont besoin d'avis juridiques avec lesquels elles peuvent fonctionner.»

Gilles Pharand estime que c'est ce qui manque chez beaucoup d'avocats; trop embourbés dans les détails, ils en viennent à freiner l'élan des dirigeants.

Lors de l'épisode avec Alcoa, c'est donc vers Norman Steinberg que David McAusland s'est tourné. Normal, il fait partie de ce que l'avocat d'Alcan appelle sa petite équipe informelle de gens avec qui il travaille.

Ainsi, quelques heures après que le patron d'Alcoa eut informé son vis-à-vis chez Alcan de son intention de soumettre une offre hostile, Norman Steinberg était convoqué d'urgence dans les bureaux du siège social d'Alcan. Premier objectif: répondre à l'offre.

«Et établir un plan de match pour la suite des choses», explique Norman Steinberg.

Très vite, Norman Steinberg met sur pied une équipe d'une quinzaine d'avocats du cabinet. Et puisqu'on estime l'offre d'Alcoa insuffisante, on élabore une stratégie pour y répondre.

On crée un comité spécial, puis on embauche pour représenter le conseil d'administration une firme externe, Fasken Martineau, dont l'équipe d'avocats est dirigée par Robert Paré, un autre canon en fusions et acquisitions.

Tout les scénarios sont passés au peigne fin: faire une contre-offre, trouver un chevalier blanc (un autre acheteur), ne rien faire En bout de piste, c'est à Norman Steinberg que revient la tache de présenter les conclusions de cette analyse au conseil d'administration d'Alcan.

La prochaine année risque toutefois d'être un peu moins chargée pour Norman Steinberg. Avec la crise du crédit, bien des observateurs estiment que la vague des méga fusions et acquisitions tire à sa fin.

«À court terme, c'est possible», dit-il, ajoutant dans la foulée que la crise pourrait néanmoins favoriser les acheteurs stratégiques au détriment des financiers, ces derniers étant bien connus pour emprunter massivement afin de financer leurs acquisitions.

Quoi qu'il en soit, Norman Steinberg n'est pas inquiet du tout. Son agenda est bien garni, et, au pire, il aura moins de mises à jour à effectuer. Et une chose est certaine: pas question de fermer son BlackBerry.

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