Il paraît que Tommy Hilfiger est raciste. C'est ce qu'affirme un courriel anonyme qui circule depuis une décennie.

Il paraît que Tommy Hilfiger est raciste. C'est ce qu'affirme un courriel anonyme qui circule depuis une décennie.

«Je n'aurais jamais dessiné d'aussi jolis vêtements si j'avais su que les Afro-américains, les Latinos, les juifs et les Asiatiques les porteraient», aurait dit le célèbre designer à Oprah Winfrey.

Or, Tommy Hilfiger n'est jamais allé sur le plateau de The Oprah Show, pas plus qu'il n'y a tenu des propos xénophobes. Mais la légende urbaine a resurgi avec vigueur il y a quelque temps, ce qui a forcé cette année l'icône de la mode à participer, pour la première fois, à l'émission afin de tirer les choses au clair.

«C'est un mensonge éhonté», a-t-il déclaré.

Le designer n'est pas le seul à avoir goûté à la médecine de la rumeur. Elle est l'un des pires ennemis des entreprises. Insaisissable et sournoise, elle guette autant la grande multinationale que la PME.

Si l'on en croit la rumeur, Procter et Gamble aurait pactisé avec Satan, McDonald's aurait mélangé des vers de terre à sa viande hachée et Labatt aurait été possédée un temps par des actionnaires pakistanais.

Plus récemment, le téléphone arabe ne dérougissait pas à la veille des ventes de BCE et d'Alcan.

Selon l'auteur de l'ouvrage Entreprise et rumeur: comprendre pour agir, Éric Sotto, les racontars «nuisent aux ressources immatérielles de l'entreprise par des atteintes à la réputation des managers ou des collaborateurs, à l'image de marque, à la notoriété de l'entreprise et entraînent une baisse de cotation des titres en Bourse, une diminution des ventes, un appel au boycott...»

Prévenir et guérir la rumeur

Les compagnies se révèlent en effet un terreau fertile pour la propagation des rumeurs. Plusieurs y cultivent encore le secret, que ce soit pour dissimuler la nouvelle stratégie de commercialisation d'un produit ou pour retarder l'annonce d'une fermeture d'usine.

Grand mal leur en prend. Tout comme la nature, le microcosme qu'est l'entreprise a horreur du vide.

«Plus une compagnie est fermée à l'interne, plus elle sera sujette à la rumeur», constate Claude Bédard, associé principal chez HJC Productions, une entreprise de communications.

«Toutes les occasions sont bonnes pour parler dans une entreprise où les gens passent six ou sept heures ensemble : les pauses café, les dîners, le clavardage», remarque pour sa part le consultant en communication d'entreprise et en relations publiques Pierre Bouchard.

Les deux communicateurs recommandent donc aux dirigeants de diffuser le maximum d'informations pour prévenir les bruits de couloir. Ils suggèrent également l'instauration d'une veille médiatique.

«Il faut connaître tout ce qui est dit sur nous, surtout depuis l'arrivée des blogues et de Wikipedia», note Claude Bédard.

Si les ragots vont déjà bon train, les gestionnaires n'ont d'autre choix que d'agir... ou pas.

«Il est vrai que le silence peut nuire, mais il vaut mieux parfois laisser porter la rumeur afin d'en évaluer les causes et les conséquences», affirme Claude Bédard. Et si le bruit qui court est vrai, mieux vaut faire preuve de transparence, suggère-t-il.

Dans les cas où les rumeurs ont un impact sur la confiance des consommateurs ou des actionnaires, Pierre Bouchard est catégorique: «Une cellule de crise doit s'activer immédiatement. Les six à dix premières heures sont cruciales.»

Le fameux démenti officiel doit alors être utilisé avec circonspection.

«Il peut créer l'effet boomerang, explique M. Bédard. Émis trop tôt, le communiqué peut faire connaître la rumeur à des personnes qui l'ignoraient et ainsi faire tache d'huile. Sinon, il suscitera le scepticisme. Les gens se demanderont pourquoi la compagnie met tant d'effort à nier ces ouï-dire.»

Tommy Hilfiger est persuadé que son démenti éteindra la rumeur une fois pour toutes. Rien n'est moins sûr, selon les spécialistes. Il paraît que les rumeurs ont la vie dure...

Comment neutraliser une rumeur

Les ouï-dire sont difficiles à maîtriser, mais Éric Sotto, auteur du livre Entreprise et rumeur: comprendre pour agir, propose quelques stratégies de communication qui peuvent en venir à bout.

Le démenti: explication formelle et cohérente qui réfute catégoriquement tous les arguments du récit.

La reconnaissance: admettre la part de vérité et mettre en oeuvre un plan de communication de crise.

Le «dépositionnement »: attribuer une nouvelle identité à la rumeur, en accentuant fortement un thème secondaire que l'on estime condamnable.

La force explicative: mettre en avant le caractère douteux du message, insister sur les incohérences et invraisemblances du récit.

L'opportunisme ou la récupération: désigner de faux coupables.

Le choix du silence: éviter d'accroître la notoriété du message.

Le traitement ironique: ridiculiser une rumeur peu crédible.

Des actions en justice sont envisageables si la source est identifiée. Les résultats sont hypothétiques, mais l'impact auprès du public est important.