Signe des temps, la Fondation Rockefeller et le gouvernement britannique étudient la possibilité de créer une «Bourse sociale» à Londres.

Signe des temps, la Fondation Rockefeller et le gouvernement britannique étudient la possibilité de créer une «Bourse sociale» à Londres.

Des entreprises qui possèdent une mission sociale ou environnementale pourraient y être cotées.

Le nom a déjà été enregistré (Social Stock Exchange), l'étude de faisabilité est en cours, 1200 entreprises potentielles ont été répertoriées: la première «Bourse sociale» au monde pourrait voir le jour à Londres dès 2009.

Du moins, c'est le souhait de la Fondation Rockefeller qui veut faire de Londres le «centre mondial de l'investissement éthique et du commerce équitable».

La célèbre fondation américaine a déboursé plus d'un demi-million de dollars pour financer l'étude de faisabilité dirigée par Pradeep Jethi, consultant qui fut notamment responsable du développement des nouveaux produits à la Bourse de Londres. Le but? Réconcilier profit et bien commun.

«L'idée est de créer une place boursière qui soit dédiée aux entreprises qui possèdent une mission sociale, explique le consultant. Cela comprend des entreprises oeuvrant dans des secteurs comme le logement social, la santé, l'éducation, les transports en commun, ainsi que des compagnies qui font dans le commerce équitable ou l'écologie.»

Des entreprises comme Fifteen (regroupant les restaurants du chef Jamie Oliver et employant des décrocheurs) ou The Big Issue (un journal vendu par des sans-abri), pourraient y être cotées.

Les entreprises du «troisième secteur» -le terme désigne les entreprises non étatiques qui possèdent une mission sociale au Royaume-Uni- peinent à recueillir des fonds pour croître, explique un porte-parole du ministère des Services gouvernementaux, responsable de ce secteur de l'économie.

«Elles n'ont souvent pas le même accès à des fonds que les entreprises traditionnelles. Il y a peu d'investisseurs prêts à prendre des risques pour elles», poursuit-il.

Optimiste, Pradeep Jethi croit qu'un nombre important d'entreprises de ce troisième secteur sont réceptives à l'idée d'être cotées dans une Bourse sociale. Ces entreprises ne pourraient-elles pas recueillir des fonds à la Bourse conventionnelle?

«Nombre d'entrepreneurs sociaux craignent les spéculateurs sur les places boursières traditionnelles», explique le consultant.

«Nous croyons que notre mission éthique pourrait être menacée à la Bourse de Londres (LSE) ou sur le Marché d'investissement alternatif (AIM)», soutient Jamie Hartzell, directeur d'Ethical Property Company.

Le fondateur de cette entreprise qui loue des locaux à des organismes à but non lucratif (OSBL) et à des groupes militants croit que son entreprise se compromettrait si elle était cotée à une Bourse conventionnelle où le profit est roi.

«Une Bourse sociale permettrait d'attirer des investisseurs intéressés par des investissements à long terme, des gens qui sont patients et qui veulent un retour combiné. C'est-à-dire un gain financier, mais aussi des retombées sociales démontrables», poursuit Pradeep Jethi.

Cela pourrait être aussi bien des philanthropes que des entreprises qui souhaitent faire des investissements «socialement responsables». La présence de tels investisseurs devrait rassurer les «entrepreneurs sociaux», estime-t-il.

Appuyant l'idée d'une Bourse sociale, Jamie Hartzell croit que son entreprise pourrait être intéressée si «les conditions sont bonnes».

Son entreprise a déjà investi plus de 42 millions de dollars dans des propriétés immobilières et elle réalise un chiffre d'affaires annuel de plus de 3,5 millions de dollars.

Nécessitant des sommes importantes pour se développer, elle fait d'ores et déjà affaire avec une maison de courtage qui émet des actions en son nom.

«Nous avons déjà recueilli 20 millions de dollars et nous songeons à recueillir un montant similaire de nouveau. Une Bourse (sociale) pourrait aider», admet le directeur.

Quelques interrogations

Le projet, à ses premiers balbutiements, suscite toutefois quelques interrogations. Plusieurs craignent notamment que cette Bourse ne se transforme en «ghetto» pour les entreprises de l'économie sociale.

Convaincu du contraire, Pradeep Jethi balaie l'idée d'un revers de main. «À l'heure actuelle, les entreprises à caractère social qui sont cotées dans les Bourses de Londres sont totalement invisibles. Elles sont si petites, si cachées, qu'elles ne reçoivent absolument aucune attention de la part des investisseurs», déplore le consultant. Une Bourse sociale devrait leur procurer plus de visibilité et faciliter la tâche des investisseurs.

Au Royaume-Uni, on estime que 55 000 entreprises sont actives dans le troisième secteur.

En plus d'appuyer l'idée d'une Bourse sociale, le gouvernement songe aussi à utiliser une partie des fonds dormants dans les comptes bancaires britanniques (environ 500 millions de dollars) pour mettre sur pied une banque d'investissement. Cette dernière serait également chargée de financer ces entreprises.