Le scandale Norshield, qui a fait perdre près de 500 M$ aux investisseurs, vient d'éclabousser une importante firme de consultation.

Le scandale Norshield, qui a fait perdre près de 500 M$ aux investisseurs, vient d'éclabousser une importante firme de consultation.

L'entreprise Mercer et l'un de ses employés sont poursuivis pour 16,9 M$ dans cette affaire sur des allégations de conflit d'intérêts.

La poursuite a été intentée en Cour supérieure par la Caisse de retraite de la Ville de Sherbrooke.

La réclamation représente essentiellement la somme investie et perdue par la Caisse avec Norshield en 2005, au moment où l'entreprise a été bloquée par les autorités.

Mercer est une multinationale de consultation dans le domaine des ressources humaines et du placement, avec des bureaux à Montréal. Elle a notamment pour mandat d'aider les caisses de retraite à choisir leurs gestionnaires de fonds.

Dans son offre de services, la firme explique qu'elle est indépendante des gestionnaires de fonds qu'elle recommande et que ses recommandations sont basées sur une analyse rigoureuse des gestionnaires disponibles.

Ainsi, en juin 2003, Mercer et son employé Pierre Caron ont recommandé à la Caisse de Sherbrooke de confier une bonne partie de ses fonds au Groupe financier Norshield, soutient la requête.

L'argent devait être géré dans un fonds de couverture (hedge fund), aux Bahamas.

Or, dans sa poursuite, la Caisse de Sherbrooke soutient que Pierre Caron et Mercer étaient loin d'être indépendants de Norshield. Depuis 2002, Pierre Caron recevait divers mandats de Norshield, notamment pour la mise en marché de produits financiers.

En janvier 2002, par exemple, Pierre Caron a produit un certification report pour Norshield, un document destiné à «rassurer les investisseurs», écrit la requête, puisqu'il ne correspond à aucun mécanisme de certification reconnu.

Pour vendre ses services à la Caisse de Sherbrooke, en 2003, Norshield faisait d'ailleurs référence à ce certification report dans sa pochette de présentation.

Certes, ce document a été préparé alors que Pierre Caron travaillait pour un autre employeur. Mais la relation entre Pierre Caron et Norshield s'est poursuivie après que Pierre Caron s'est joint à Mercer, à l'été 2002.

Ainsi, en juillet 2002, Pierre Caron a produit pour Norshield un document visant à conseiller Norshield sur la mise en marché du produit financier US Equity Enhanced Product, soutient la requête, qui a mis la main sur un échange de correspondance entre Pierre Caron et Norshield.

De plus, au printemps 2003, Mercer et Pierre Caron ont réalisé un document pour encadrer la gouvernance de Norshield, appelé Governance Policy - Norshield, selon la requête.

La relation d'affaires entre Norshield et Mercer sur la question de la gouvernance et de la certification s'est poursuivie avant, pendant et après le 20 mai 2003, moment où la Caisse de Sherbrooke a rencontré les représentants de Norshield avec Pierre Caron.

«Contrairement aux représentations faites par Mercer, Norshield consistait en une structure caractérisée par les conflits d'intérêts, le détournement de fonds des investisseurs, la comptabilisation d'actifs douteux ainsi que la présentation de rendements artificiellement gonflés et irréalistes», écrit la Caisse dans sa requête, qui s'en remet au rapport du séquestre RSM Richter sur Norshield.

Réplique de Mercer

Joint au téléphone, le responsable de Mercer pour l'est du Canada, Sylvain Poirier, nie que son entreprise ait fait quoi que ce soit d'incorrect.

«Dès que nous avons commencé notre mandat pour la Caisse de Sherbrooke, nous leur avons dévoilé que nous avions fait des travaux limités pour Norshield», affirme M. Poirier.

Plus encore: c'est la Caisse de Sherbrooke qui aurait insisté pour inclure Norshield dans la liste de gestionnaires finalistes, soutient M. Poirier.

«Mercer n'était pas à l'aise avec Norshield à l'époque en raison de ses démêlés avec Cinar», dit M. Poirier.

Cinar, rappelons-le, avait fait gérer 122 millions US par Norshield aux Bahamas, entre 1998 et 2000, et une bonne partie de cette somme n'a jamais été retrouvée.

Nous n'avons pu joindre Pierre Caron personnellement. Depuis 2005, l'actuaire de formation ne travaille plus pour Mercer, indique Sylvain Poirier, qui n'a pas voulu nous dévoiler les motifs de son départ.