Donald Trump caresse un projet de golf et de développement immobilier en Écosse estimé à deux milliards de dollars. Sauf que l'idée ne sourit pas à tous.

Donald Trump caresse un projet de golf et de développement immobilier en Écosse estimé à deux milliards de dollars. Sauf que l'idée ne sourit pas à tous.

Il y a notamment un irréductible Écossais qui refuse de lui céder son terrain. David contre Goliath? La Presse Affaires a rencontré l'homme qui tient tête au milliardaire.

Tout est toujours plus beau et plus gros dans le monde de Donald Trump. Le milliardaire américain ne veut pas construire un simple terrain de golf en Écosse.

Il veut construire «le meilleur parcours de golf au monde». Il est vrai que le lieu qu'il a choisi est magnifique.

Situées sur la côte est de l'Écosse, bercées par les vagues de la mer du Nord, les dunes de sable de Balmedie sont spectaculaires. Recouvertes de fougères et d'herbes folles, elles ont des airs de bout du monde.

Hôtel et villas

Outre deux parcours de golf de classe mondiale, le patron de The Apprentice veut ériger un hôtel de 450 chambres et, surtout, construire un important parc immobilier de 950 villas. Coût du projet: deux milliards de dollars.

Si ce pharaonique projet fait trépigner le milieu des affaires écossais, il compte aussi nombre d'opposants. La raison? Il empiète sur un site d'intérêt scientifique et écologique protégé.

Mais plus que les écologistes, l'opposant le plus tenace reste Michael Forbes.

Cet ouvrier de 55 ans possède 9,3 hectares de terrain au beau milieu du projet de Donald Trump.

Et il refuse mordicus de vendre ne serait-ce qu'un grain de sable à l'homme d'affaires américain.

«Il n'est pas question que je lui vende mon terrain, pas après ce qu'il a dit de moi à la télé», jure le moustachu aux bras abondamment tatoués. Peu diplomate, Donald Trump a en effet qualifié de «dégoûtante» la propriété de Michael Forbes en octobre dernier.

Il est vrai qu'avec ses carcasses de voiture démembrées et ses charrues laissées à l'abandon, le terrain de Forbes n'est pas exactement un modèle d'horticulture. Rien à voir avec le manoir du XVe siècle que s'est offert Donald Trump à proximité.

Mais Michael Forbes s'en fout. Il a acheté son terrain il y a 26 ans et personne ne s'est jamais plaint.

Il y vit simplement avec sa femme. Chaque jour, à 15h35 précise, il rentre du travail et prend d'abord un thé avec sa mère Molly, 83 ans. Elle habite une petite maison mobile sur son terrain.

Question de principe

Assis dans le salon plein de bibelots de sa mère, l'Écossais explique que son refus n'est pas une question d'argent, mais une question de principe.

«Personne n'a le droit de bâtir ici. Un gars du coin s'est fait refuser un permis juste pour agrandir sa maison. () Mais je suis sûr qu'on ne va rien refuser à Trump», critique le gaillard au crâne dégarni.

Trump lui a offert 750 000$ et un emploi à vie pour sa parcelle. «Mais j'ai déjà une job», rigole l'homme qui travaille dans une carrière. À ses yeux, le projet de golf «n'est de toute façon qu'un écran de fumée».

Donald Trump serait surtout intéressé par la construction des 950 villas, dont la valeur devrait osciller entre 700 000$ et 2,5 millions de dollars. Ces maisons sont destinées principalement aux gens qui travaillent dans l'industrie pétrolière de la ville voisine d'Aberdeen.

Le président de la chambre de commerce régionale Mike Salter voit le projet d'un bon oeil.

«C'est un investissement d'un milliard de livres dans la région et cela va amener du tourisme de qualité», estime-t-il. Bien que la région jouisse du plein emploi, il croit qu'il faut préparer l'ère «post-pétrolière» et développer de nouvelles industries.

Quant aux critiques du Scottish Wildlife Trust, un organisme chargé de veiller à la protection des animaux sauvages en Écosse, il les rejette du revers de la main: «C'est un terrain de golf qu'il veut construire, pas une centrale nucléaire!»

Étonnamment, Trump aurait pu mettre les écologistes de son bord. «Le Scottish Wildlife Trust aurait retiré ses objections si Trump avait été prêt à déplacer quelque peu le projet de golf, souligne Clara Govier, porte-parole de l'organisme. Mais il n'a pas voulu faire de compromis.»

De son bureau installé dans une belle bâtisse en pierre, Neil Hobday, le directeur du projet du milliardaire américain, rétorque que le succès du développement dépend justement de cette partie protégée.

«La topographie de cet endroit est spectaculaire. () Si on déplaçait le golf vers le sud, on n'aurait pas un terrain de golf génial, juste un bon terrain», assure-t-il.

Passe-droit coûteux

Comme plusieurs, Neil Hobday a été abasourdi en novembre dernier quand le conseil d'infrastructures local a rejeté la proposition de Donald Trump et l'a invité à la modifier.

Ce dernier a refusé et le gouvernement écossais a du coup pris le dossier en main. Mais ce «passe-droit» a un coût: aujourd'hui, le gouvernement est dans l'eau chaude en raison de ses liens étroits avec Trump.

Au Cock & Bull, un chic resto de Balmedie, le manager Noel Brown est entièrement derrière le projet.

Son restaurant a même fait imprimer des autocollants appuyant Trump. La région - qui compte déjà 71 terrains de golf - a-t-elle vraiment besoin de deux autres 18 trous?

«Non, reconnaît-il, mais nous avons besoin d'un terrain de classe mondiale pour tenir des compétitions», rétorque le manager.

De l'avis général, Donald Trump - qui a l'appui d'une large majorité des Écossais - devrait gagner son pari. Son bras droit, Neil Hobday, compte d'ailleurs lever la première pelletée de terre en avril.

Mais, feu vert ou pas, une chose est sûre: Donald Trump aura toujours la «dégoûtante» propriété de Michael Forbes au beau milieu de son projet.

«Si je vends ma terre un jour, il y aura une clause empêchant la revente à Trump», promet l'Écossais.