Après avoir ramené de 5,25% à 2,25% son taux directeur en à peine sept mois, la Réserve fédérale américaine devra désormais contenir sa volonté de stimuler l'économie, même si celle-ci paraît encore très embourbée.

Après avoir ramené de 5,25% à 2,25% son taux directeur en à peine sept mois, la Réserve fédérale américaine devra désormais contenir sa volonté de stimuler l'économie, même si celle-ci paraît encore très embourbée.

Son comité de politique monétaire était déjà divisé le 18 mars quand une baisse de 75 centièmes avait été décrétée. Les gouverneurs Richard W. Fisher et Charles I. Plosser avaient voté contre la décision, la jugeant trop énergique.

Les deux hommes sont reconnus pour leur volonté de juguler l'inflation avant tout, laquelle voguait toujours à 4% en rythme annuel chez nos voisins, le mois dernier.

Depuis, le prix du baril de pétrole s'est à nouveau embrasé, poussant le gallon américain (3,79 litres) d'essence de plus en plus près des 4$.

En parallèle, l'emballement du prix des céréales en général gonfle la part du budget des ménages consacrée à la nourriture. Il leur reste moins d'argent pour consommer.

Confiance faible

Si on ajoute à cela que l'économie ne crée plus d'emplois, on ne s'étonnera guère que la confiance des Américains dans l'économie soit à son plus bas en 26 ans.

Bref, l'inflation qui devait s'estomper à mesure que l'économie ralentit, comme le veut la rhétorique classique, prend au contraire du galon, tout comme le point de vue de MM. Fisher et Plosser.

C'est un troisième choc pour l'économie américaine après la crise de l'habitation et l'étranglement du crédit.

Les baisses de taux radicales de la Fed avaient aussi pour objectif de briser l'embâcle qui assèche le crédit et étrangle le système financier américain. La Fed souhaitait aussi alléger le fardeau des ménages qui doivent renouveler leurs prêts hypothécaires.

De ce point de vue, les résultats sont pauvres.

Les institutions financières américaines se méfient toujours autant les unes des autres.

Elles ne refilent pas non plus à leurs clients les économies qu'elles devaient en principe réaliser dans leurs coûts d'emprunt.

Le sauvetage de Bear Stearns par JP Morgan, solidement épaulée par la Fed, qui absorbe près de 30 milliards de créances parfumées, aura marqué un tournant.

Les investisseurs savent désormais que la banque centrale ne laissera pas tomber un pilier du système financier.

Les banques ont aussi absorbé quelque 300 milliards de pertes liées à la titrisation de prêts hypothécaires de tout acabit.

Depuis le début du mois, elles parviennent enfin à financer à nouveau leurs opérations courantes. Mais à quel prix?

La semaine dernière, elles ont levé 43,3 milliards sur les marchés obligataires et des actions privilégiées.

Citigroup, la plus grande banque avec activités de dépôts aux États-Unis, a lancé une émission de 16 milliards US portant un taux d'intérêt de 8,4% pendant 10 ans. Merrill Lynch en a émis une de sept milliards à 8,625%.

Le présent dégel des liquidités enlève une épine au pied de la Fed, mais ce n'est pas demain la veille que le consommateur américain verra de nouveau des taux alléchants pour refinancer sa maison ou changer de voiture.

Vendredi, l'administration Bush a annoncé en grande pompe que les chèques promis aux ménages cet hiver pour relancer la consommation seront postés à compter de cette semaine.

Les économistes estiment que l'ampleur du programme équivaut à un point de pourcentage de croissance.

L'effet sera cependant de courte durée. Il sera dissipé dès l'automne.

Les prévisions

Cela laisse cependant un peu de temps aux autorités monétaires.

Voilà pourquoi, les marchés financiers parient sur l'annonce d'une baisse de 25 centièmes seulement du taux cible de financement à un jour, mercredi.

Un tiers des parieurs sur les marchés à terme de Chicago misent même sur une pause.

Les investisseurs sont devenus moins moroses par suite de la divulgation des bénéfices des entreprises au premier trimestre.

Les prophètes de malheur en ont pris pour leur grade, malgré quelques déceptions comme celle de General Electric.

Cela explique la performance assez bonne des indices boursiers en avril jusqu'ici, après trois mois orageux. La Fed dispose donc d'un peu de temps pour décider quel lièvre elle devra courir pour la suite des choses: la croissance anémique ou l'inflation rampante.